Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2000053 du 19 mars 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 juillet 2020, M. A... C..., représenté par Me Burkatzki, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 19 mars 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2019 du préfet du Bas-Rhin ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté est entaché d'incompétence ;
- le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a établi le rapport médical n'était pas compétent ;
- le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du même code et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a méconnu les stipulations des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation des consorts C....
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2021, le préfet du Bas-Rhin demande le rejet de la requête.
Par une décision du 25 juin 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a admis M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Wurtz a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant kosovar, est entré en France, selon ses déclarations, le 19 juin 2016. Il a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 21 avril 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) par une décision du 30 janvier 2018. Le 8 mars 2018, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé. Par un courrier daté du 3 octobre 2019, il a formé une demande complémentaire sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 2 décembre 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C... relève appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 19 mars 2020 qui a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L.9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Strasbourg, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments des parties, a répondu aux moyens dont il était saisi, en particulier ceux tirés de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté attaqué sur la situation des consorts C... et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation du jugement doit être écarté.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
4. En premier lieu, le préfet du Bas-Rhin a, par un arrêté du 30 septembre 2019 publié le 2 octobre au recueil des actes administratifs de la préfecture, donné délégation à Mme D... B..., directrice des migrations et de l'intégration, pour signer toutes décisions correspondant aux attributions de la direction, à l'exception d'actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions contenues dans l'arrêté attaqué. Le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de cet arrêté doit dès lors être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport ". Contrairement à ce que soutient le requérant, il ne résulte pas de ces dispositions que le médecin chargé du rapport médical visé à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne serait compétent à cet effet qu'à la condition de figurer sur la liste des médecins désignés pour participer au collège à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le moyen invoqué en ce sens ne peut dès lors qu'être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
7. Le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans son avis du 3 décembre 2018, que si l'état de santé de M. C... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le requérant ne conteste pas devant la cour le bien-fondé de cet avis. Enfin et en tout état de cause, il résulte de ce qui a été exposé au point 5 que le rapport médical au vu duquel les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ont émis leur avis n'a pas été rédigé par un médecin instructeur incompétent. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) /7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) ".
9. L'intéressé est, selon ses déclarations, entré irrégulièrement en France le 19 juin 2016. Si M. C... fait valoir qu'il s'est marié le 23 octobre 2018 avec une compatriote kosovare titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle et qu'ils vivent ensemble, il n'établit la réalité d'une vie commune avec son épouse qu'à compter, au plus tôt, du mois d'août 2018, soit depuis moins de deux ans à la date de l'arrêté contesté. En outre, M. C... ne conteste pas sérieusement que ses parents et deux de ses frères vivent dans son pays d'origine et il ne justifie d'aucune insertion particulière dans la société française. Dans ces conditions et nonobstant les circonstances que le couple a donné naissance à un enfant né le 26 avril 2020 et que les ressources de son épouse seraient insuffisantes pour faire bénéficier l'intéressé d'une mesure de regroupement familial, le préfet du Bas-Rhin n'a pas porté au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet arrêté a été pris. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Bas-Rhin aurait méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Eu égard aux circonstances de fait qui viennent d'être analysées, l'arrêté contesté n'est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ni, s'agissant du refus de titre de séjour, au regard du pouvoir de régularisation du préfet, ni, en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, au regard des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle du requérant. Le moyen tiré de ce que l'arrêté serait entaché d'une telle erreur manifeste au regard de la situation d'autres personnes que celle qui fait l'objet de ces décisions ne peut être utilement invoqué et est par suite inopérant.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire (...) peut être délivrée (...) à l'étranger (...) dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) ". Compte tenu des éléments indiqués au point précédent et en tout état de cause, l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de M. C... au regard de la possibilité pour le préfet de délivrer un titre de séjour à raison des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels prévus par les dispositions citées ci-dessus.
11. En sixième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
12. Il ressort des pièces du dossier que le fils de M. C... est né postérieurement à l'arrêté contesté. En tout état de cause, M. C... n'allègue aucune circonstance qui ferait obstacle à l'installation de l'ensemble de la cellule familiale au Kosovo. Par suite, le préfet du Bas-Rhin n'a pas méconnu les stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
13. En dernier lieu, si M. C... invoque également la violation de l'article 9 de cette convention, ces stipulations créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés et ne peuvent donc être utilement invoquées.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 décembre 2019 du préfet du Bas-Rhin. Dès lors, ses conclusions à fin d'annulation de ce jugement et de cet arrêté, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information à la préfète du Bas-Rhin.
N° 20NC02062 6