Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2020 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2002885 du 2 février 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 février 2021, M. B..., représenté par Me Bourchenin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 février 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2020 pris à son encontre par le préfet de Meurthe-et-Moselle ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre au préfet de lui restituer son passeport et sa carte de séjour grecque ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, car il est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté est entaché d'un défaut d'examen de sa situation ;
- il méconnaît le 8° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- il méconnaît le 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le titre de l'arrêté litigieux contredit son dispositif, ce qui caractérise un défaut d'examen attentif de sa situation et une erreur de droit.
Par un mémoire enregistré le 29 septembre 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Un mémoire présenté pour M. B... a été enregistré le 4 octobre 2021, postérieurement à la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Marchal a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant albanais, né le 30 août 1980, est entré sur le territoire français le 29 septembre 2020 sous couvert d'un titre de séjour en cours de validité délivré par les autorités grecques. Lors d'un contrôle d'identité réalisé le 6 novembre 2020, le requérant aurait indiqué travailler en France, mais n'a pas été en mesure de présenter un document l'autorisant à travailler. Par un arrêté du 6 novembre 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle a obligé M. B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... fait appel du jugement du 2 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Nancy, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments des parties, a répondu, avec une motivation suffisante et non stéréotypée à l'ensemble des moyens soulevés par M. B..., notamment celui tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait, pour ce motif, entaché d'irrégularité.
Sur la légalité de l'arrêté du 6 novembre 2020 :
4. En premier lieu, l'arrêté litigieux rappelle les principaux éléments de la situation administrative de M. B..., notamment sa date d'arrivée récente en France et le fait qu'il soit titulaire d'un titre de séjour grec en cours de validité. L'arrêté présente également la situation familiale de M. B... en indiquant qu'il est marié. Dans ces conditions et alors même que le préfet de Meurthe-et-Moselle a mentionné que le requérant avait un seul enfant alors que M. B... en a deux, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de M. B.... Le moyen doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 8° Si l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois a méconnu l'article L. 5221-5 du code du travail ". Aux termes de l'article L. 5221-5 du code du travail : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2. (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que si M. B... est entré régulièrement en France le 29 septembre 2020, il y résidait depuis moins de trois mois à la date de la décision litigieuse. De plus, M. B..., qui se borne à indiquer qu'il était en période d'essai et qu'il revenait à son employeur de solliciter les autorisations administratives nécessaires, ne conteste pas avoir travaillé sans disposer de l'autorisation requise à cette fin. M. B... a ainsi méconnu les exigences de l'article L. 5221-5 du code du travail. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Meurthe-et-Moselle a méconnu les dispositions du 8° de l'article L. 511-1 du code l'environnement.
7. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. B... est entré sur le territoire français le 29 septembre 2020 sous couvert d'un titre de séjour délivré par les autorités grecques et résidait ainsi depuis moins de trois mois en France au jour de la décision attaquée. S'il soutient que son épouse et ses deux enfants vivent régulièrement en France, il ressort des pièces du dossier que la présence en France de la femme de M. B... et de leurs deux enfants est également très récente. Dans ces conditions, eu égard à la durée du séjour en France de M. B... et de sa famille, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Pour les mêmes motifs, il convient également d'écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté sur la situation personnelle du requérant.
9. En quatrième lieu, aux termes du 1. de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
10. Ainsi qu'il a été dit au point 6, l'arrivée des enfants de M. B... ainsi que leur scolarisation en France est récente et rien ne s'oppose à ce qu'ils poursuivent leur scolarité en Albanie, où ils pourront reconstituer leur cellule familiale avec leur père et mère, qui ont la nationalité albanaise.
11. Enfin en dernier lieu, il ressort des motifs de la décision, ainsi que de son dispositif que la décision portant obligation de quitter le territoire français litigieuse était assortie d'un délai de départ volontaire de trente jours. La seule circonstance que le préfet ait indiqué à tort dans l'intitulé de l'arrêté que la décision portant obligation de quitter le territoire français litigieuse n'était pas assortie d'un délai de départ volontaire n'est qu'une erreur de plume qui reste ainsi sans incidence sur la légalité de ladite décision.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N°21NC00459