Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... et M. B... E... B... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 12 février 2020 par lesquels le préfet du Haut-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé leur pays de destination.
Par des jugements n° 2003262 et 2003263 du 12 janvier 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 11 mars 2021, sous le n° 21NC00719, Mme C..., représentée par Me Levy, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 janvier 2021 la concernant ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 février 2020 la concernant ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de séjour a été signée par une autorité incompétente ;
- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à sa situation familiale en France et de son intégration dans la société française ;
- elle viole les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dans la mesure où ses enfants sont scolarisés en France.
II. Par une requête, enregistrée le 12 mars 2021, enregistrée sous le n° 21NC00737, M. E... B..., représenté par Me Levy, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 février 2020 le concernant ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2021 le concernant ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient les mêmes moyens que ceux soulevés par Mme C... dans la requête n° 21NC00719.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2021, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. E... B... ne sont pas fondés.
Mme C... et M. E... B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 3 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Mosser a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... B..., né en 1965, de nationalité nigériane, est entré en France en 2014 en qualité de conjoint de Français et a séjourné régulièrement sur le territoire français jusqu'au mois de juillet 2016 mais le renouvellement de son titre de séjour a été refusé par un arrêté du 9 avril 2018. Mme C..., née en 1982, de nationalité malawite, déclare être entrée en France en septembre 2014 et a formé une demande d'asile le 28 juillet 2017 qui a été définitivement rejetée à la suite de la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 8 février 2019. Par arrêté du 23 avril 2019, le préfet du Haut-Rhin a fait obligation à Mme C... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Les 3 et 11 décembre 2019, M. E... B... et Mme C... ont sollicité la délivrance de titres de séjour. Par des arrêtés du 12 février 2020, le préfet du Haut-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé leur pays de destination. M. E... B... et Mme C... relèvent appel des jugements du 12 janvier 2021 par lesquels le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces arrêtés du 12 février 2020.
2. Les requêtes n° 21NC00719 et 20NC00737, présentées respectivement par Mme C... et M. E... B... sont relatives à la situation de membres d'une même famille et ont fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.
3. En premier lieu, les requérants reprenant en appel, sans apporter d'élément nouveau, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à juste titre par le tribunal administratif de Strasbourg dans son jugement du 12 janvier 2021.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) " ;
5. M. E... B... et Mme C... soutiennent que le centre de leurs intérêts privés et familiaux se trouve désormais en France, où ils résident ensemble depuis 2014 avec leurs deux enfants F... et D..., âgés de 8 et 6 ans et régulièrement scolarisés à la date des décisions contestées. Toutefois, d'une part, il est constant que M. E... B... est entré en France en 2014 en qualité de conjoint de Français et a bénéficié d'un titre sur ce fondement jusqu'en juillet 2016. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'entretien qui s'est déroulé en préfecture avec Mme C... le 11 décembre 2019, que cette dernière a été logée quelques mois au centre d'accueil des demandeurs d'asile à Mulhouse en 2017. Dans ces conditions, la communauté de vie n'est établie, de manière stable et ininterrompue, que depuis deux ans à la date des décisions attaquées. Par ailleurs, il n'est pas démontré que les intéressés sont dépourvus de tout lien dans leurs pays d'origine ou au Zimbabwe où Mme C... a résidé régulièrement jusqu'à son arrivée en Suisse en 2007 et où réside toujours sa sœur et sa fille ainée Natacha née en 2001. En outre, les requérants n'apportent aucun élément de nature à démontrer qu'en dépit de leurs nationalités différentes, il leur serait impossible de reconstituer leur cellule familiale dans l'un ou l'autre de leurs pays d'origine ou dans tout pays où ils seraient régulièrement admissibles. Enfin, si M. E... B... fait valoir qu'il est bien intégré dans la société française, il ressort de l'entretien réalisé en préfecture le 3 décembre 2019 qu'il ne maîtrise pas les fondamentaux de la langue française et il n'a travaillé en France que trois mois de juin à septembre 2016. Si les requérants se prévalent chacun d'une promesse d'embauche émanant de l'association " réalisateur de rêve " pour laquelle ils sont bénévoles, celles-ci ne précisent pas quel poste ils devraient occuper. S'agissant des trois autres promesses d'embauche dont Mme C... se prévaut, les délais pour occuper les postes proposés sont dépassés à la date des décisions contestées. Dans ces conditions, les requérants ne justifient pas d'une intégration sociale ou professionnelle suffisante. Par suite, et alors que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas aux étrangers le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie familiale, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions attaquées méconnaissent ces stipulations. Pour les mêmes motifs, eu égard à la durée et aux conditions de séjour de M. E... B... et Mme C... en France, le moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit également être écarté.
6. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions attaquées impliqueraient une séparation des enfants de l'un ou l'autre de leurs parents, ni d'ailleurs que leurs nationalités différentes rendraient impossible toute vie commune, avec leurs enfants, hors du territoire national. Il n'est pas davantage démontré que les enfants du couple, eu égard à leur jeune âge, ne pourraient pas, sans compromettre leur équilibre, poursuivre leur scolarité dans un autre pays que la France. Dans ces conditions, l'arrêté en litige n'a pas méconnu l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... et M. E... B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs requêtes d'appel doivent être rejetée en toutes leurs conclusions y compris celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de Mme C... et M. E... B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., M. B... E... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N° 21NC00719, 21NC00737