Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... et M. F... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 12 février 2020 par lesquels le préfet de la Moselle leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés d'office.
Par un jugement numéros 2003298 et 2003299 du 7 août 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 29 septembre 2020, sous le numéro 20NC02843, ainsi qu'un mémoire enregistré le 20 octobre 2020, Mme C..., représentée par Me Adjemi, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;
3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale compétente de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa situation au besoin sous astreinte ;
4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Elle soutient que :
- le refus de séjour : repose sur une erreur de droit en ce que le préfet s'est cru en situation de compétence lié au regard de l'avis du collège médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ; son fils est atteint d'un trouble psychiatrique nécessitant des soins dont le défaut est susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et ces soins ne sont pas disponibles en Serbie ; repose sur une appréciation manifestement erronée des conséquences de cette décision sur sa situation ;
- l'obligation de quitter le territoire : est insuffisamment motivée ; est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et repose sur une appréciation manifestement erronée de ses conséquences sur sa situation ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire supérieur à trente jours : repose sur une erreur de droit, le préfet s'étant cru en situation de compétence liée au regard du délai de droit commun ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation ;
- la décision fixant le pays de renvoi : est insuffisamment motivée ; viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales compte tenu des traitements encourus par elle en cas de retour en Serbie.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 février 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 29 septembre 2020, sous le numéro 20NC02844, et un mémoire enregistré le 20 octobre 2020, M. F..., représenté par Me Adjemi, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;
3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale compétente de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa situation au besoin sous astreinte ;
4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Il soutient que :
- le refus de séjour : repose sur une erreur de droit en ce que le préfet s'est cru en situation de compétence lié au regard de l'avis du collège médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ; son fils est atteint d'un trouble psychiatrique nécessitant des soins dont le défaut est susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et ces soins ne sont pas disponibles en Serbie ; repose sur une appréciation manifestement erronée des conséquences de cette décision sur sa situation ;
- l'obligation de quitter le territoire : est insuffisamment motivée ; est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et repose sur une appréciation manifestement erronée de ses conséquences sur sa situation ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire supérieur à trente jours : repose sur une erreur de droit, le préfet s'étant cru en situation de compétence liée au regard du délai de droit commun ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation ;
- la décision fixant le pays de renvoi : est insuffisamment motivée ; viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales compte tenu des traitements encourus par lui en cas de retour en Serbie.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 février 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. F... ne sont pas fondés.
Mme C... et M. F... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions du bureau d'aide juridictionnelle du 24 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Agnel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... et M. F..., nés respectivement le 20 janvier 1996 et le 1er juin 1990 à Belgrade en Yougoslavie, de nationalité serbe, sont entrés en France selon leurs dires le 21 février 2017 et ont sollicité en vain l'asile. Mme C... et M. F... ont demandé le 25 mars 2019 leur admission au séjour en raison de l'état de santé de leur enfant D.... Par deux arrêtés du 12 février 2020, le préfet de la Moselle leur a refusé le séjour, et leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination. Par les deux requêtes ci-dessus visées, qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, Mme C... et M. F... relèvent appel du jugement du 7 août 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Par décisions du 24 novembre 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a admis les requérants au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des requêtes, devenues sans objet, tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur la légalité des arrêtés attaqués :
En ce qui concerne les moyens communs aux arrêtés pris dans leur ensemble :
3. Les arrêtés litigieux comportent de manière suffisante et non stéréotypée l'indication des motifs de droit et de fait sur lesquels l'autorité préfectorale s'est fondée afin de prendre à l'encontre des requérants les décisions qu'ils contiennent. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation des décisions attaquées seront écartés.
En ce qui concerne les refus de séjour :
4. Aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. " Aux termes de l'article L. 313-11 du même code, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11 de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège ".
5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité administrative se serait crue liée par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'enfant des requérants. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit ne peuvent qu'être écartés.
6. Le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé dans son avis du 3 janvier 2020 que l'état de santé de l'enfant des requérants nécessitait une prise en charge médicale, dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, et qu'il pouvait voyager vers la Serbie sans risque. Pour contester cet avis que l'autorité préfectorale a suivi, les requérants se prévalent du certificat médical du docteur E... établi le 20 février 2020. Dans les termes généraux dans lesquels il est rédigé, par ses conclusions qui ne contredisent pas l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité d'un défaut de soins, ce certificat n'est pas de nature à établir qu'en suivant l'avis du collège médical, l'administration aurait inexactement apprécié l'état de santé de l'enfant Nebodja. Il n'est pas davantage de nature à établir que l'administration aurait apprécié de manière manifestement erronée les conséquences de sa décision de refus de séjour sur la situation des requérants et de leur enfant. Compte tenu de l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité d'un défaut de soins, la circonstance, au demeurant non établie, que l'enfant Nebodja n'aurait pas accès à un traitement en Serbie, n'est pas de nature à caractériser une violation des dispositions ci-dessus reproduites et pas d'avantage, en l'absence de précisions utiles, une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
7. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des refus de titre de séjour à l'appui de leur contestation, par voie d'exception, des obligations de quitter le territoire français.
8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Mme C... et M. F... résidaient en France, de manière irrégulière, depuis trois ans à la date de la décision attaquée, contre respectivement vingt-et-un et vingt-sept ans en Serbie, où ils sont nés. Ils n'apportent aucun élément de nature à établir que les décisions d'obligation de quitter le territoire français méconnaitraient leur droit à une vie privée et familiale normale. De plus, tous deux faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reforme en Serbie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne le délai de départ volontaire :
10. Les requérants reprennent en appel les moyens ci-dessus visés dirigés contre la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours qu'ils avaient invoqués en première instance. Il y a lieu d'écarter ces moyens par les mêmes motifs que ceux sur lesquels se sont fondés à juste titre les premiers juges et qu'il convient d'adopter.
En ce qui concerne le pays de renvoi :
11. Les requérants reprennent en appel les moyens ci-dessus visés dirigés contre la décision fixant le pays de renvoi qu'ils avaient invoqués en première instance. Il y a lieu d'écarter ces moyens par les mêmes motifs que ceux sur lesquels se sont fondés à juste titre les premiers juges et qu'il convient d'adopter.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... et M. F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par suite, le surplus des conclusions de leurs requêtes d'appel doit être rejeté.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des requêtes ci-dessus visées tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de Mme C... et M. F... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., à M. A... F... et au ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2022, à laquelle siégeaient :
M. Agnel, président de chambre,
M. Goujon-Fischer, premier conseiller,
M. Marchal, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2022.
Le président rapporteur,
Signé : M. AGNELL'assesseur le plus ancien,
Signé : J.F. GOUJON-FISCHER
La greffière,
Signé : C. SCHRAMM
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. SCHRAMM
N° 20NC02843, 20NC02844 2