Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 22 juin 2021 par lequel le préfet du Haut-Rhin a décidé que son droit au séjour ne pouvait être maintenu, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de circuler sur le territoire français pendant un délai de deux ans.
Par un jugement n° 2105591 du 30 novembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2021, M. C..., représenté par Mes Bergmann et Hertrich, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 novembre 2021 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 22 juin 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation et de lui délivrer durant l'examen de cette demande une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les sommes de 2 000 euros au titre de la première instance et de 2 500 euros au titre de l'appel à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'incompétence ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- le refus de séjour méconnaît l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où il justifie d'un passeport roumain dont l'authenticité ne peut être mise en doute, exerce la profession de garagiste, dispose de revenus légaux et ne représente donc pas une charge déraisonnable pour le système sociale français ;
- il est entaché d'une erreur de fait dans la mesure où il ne représente plus un trouble grave à l'ordre public ;
- la mesure d'éloignement méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à sa situation professionnelle et familiale sur le territoire français ;
- l'interdiction de circulation pendant une durée de deux ans est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dans la mesure où il réside en France depuis 2010, n'a pas l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et a fait des efforts d'insertion et de réinsertion sociale, professionnelle et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2022, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me Bergmann, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., né le 11 janvier 1982 à Craiova (Roumanie), de nationalité roumaine, déclare être présent en France depuis 2010. Le 10 août 2021, à l'issue d'une mesure de surveillance électronique, il s'est vu notifier un arrêté mettant fin à son droit au séjour, l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui interdisant de circuler sur le territoire français pendant deux ans. M. C... relève appel du jugement du 30 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 22 juin 2021.
Sur l'arrêté pris dans son ensemble :
2. M. C... reprenant en appel, sans apporter d'élément nouveau, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en litige, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à juste titre par le tribunal administratif de Strasbourg dans son jugement du 30 novembre 2021.
Sur les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, la mesure d'éloignement vise notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier ses articles L. 233-1 et L. 251-1 et suivants et indique que le comportement de M. C... est de nature à menacer l'ordre public et que s'il exerce une activité professionnelle, il ne justifie pas de ressources suffisantes pour lui et sa famille. Elle précise également que, marié et père de deux enfants, il ne justifie toutefois pas avoir constitué une vie privée stable et familiale en France où il ne démontre être présent que depuis 2018 et qu'il n'établit pas être dépourvu d'attache en Roumanie. Le préfet du Haut-Rhin, qui n'avait pas à viser toutes les circonstances de fait de la situation de M. C..., a ainsi pris en considération l'ensemble de la situation du requérant. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation sur ce point doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : / 1o Ils ne justifient plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 232-1, L. 233-1, L. 233-2 ou L. 233-3 ; / 2o Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ; (...) ". Selon l'article L. 233-1 de ce code : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : / 1o Ils exercent une activité professionnelle en France ; / 2o Ils disposent pour eux et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) ".
5. En application de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative, qui ne saurait se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française, ces conditions étant appréciées en fonction de sa situation individuelle, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a été écroué, entre le 21 avril et le 22 novembre 2019, pour tentative d'assassinat puis placé sous contrôle judiciaire avant d'être écroué, le 11 mars 2020, pour des faits de violence aggravée par deux circonstances suivie d'une incapacité supérieure à huit jours et condamné, le 16 juillet 2020, à une peine de 48 mois dont 30 avec sursis probatoire ainsi que de l'interdiction de détenir ou porter une arme pendant 5 ans. Il a été placé sous surveillance électronique à compter du 8 févier 2021. Il est, en outre, défavorablement connu des services de police, notamment pour des faits de faux en écriture en 2012. Si le requérant, qui a produit un passeport roumain dont l'authenticité n'est pas contestée, verse un témoignage relatif à sa moralité, ce seul témoignage, établi pour les besoins de la cause, n'est pas de nature à établir que M. C... ne représente plus, à la date de la décision en litige, une menace à l'ordre public. Par ailleurs, si M. C... soutient être présent en France depuis 2010, il n'établit sa présence qu'à compter de la fin de l'année 2017. S'il exerce la profession de garagiste au sein de son propre garage qui est inscrit au répertoire des entreprises et des établissements et dans lequel il emploie son épouse et deux autres salariés, cette activité professionnelle n'est que très récente. De plus, ses revenus ne lui permettaient pas en 2019 et 2020 de disposer de ressources suffisantes pour ne pas devenir une charge pour le système social. En outre, si M. C... est père de deux filles, il ne démontre leur scolarisation en France qu'à compter de l'année scolaire 2017/2018. Enfin, M. C... ne démontre pas avoir fourni des efforts d'intégration particuliers au sein de la société française. Dans ces conditions, compte tenu du caractère grave et répété des faits commis par M. C..., le préfet du Haut-Rhin a pu déduire de l'ensemble de ces éléments que sa présence en France constituait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour la sécurité publique, qui constitue un intérêt fondamental de la société française au sens de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Si l'arrêté contesté mentionne également que si M. C... exerce une activité professionnelle, il ne justifie pas pour lui et sa famille de ressources suffisantes, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que le seul motif tiré de la menace grave que représente le requérant pour la sécurité publique pour adopter cet arrêté. Par suite, la circonstance, à la supposer établie, que M. C... exercerait une activité professionnelle réelle et stable en tant que garagiste est sans incidence, par elle-même, sur la légalité de cette décision.
8. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Si M. C... soutient être présent en France depuis 2010, il n'établit y résider qu'à compter de la fin de l'année 2017, soit depuis moins de quatre ans à la date de la décision en litige. S'il est marié à une compatriote et père de deux enfants scolarisés en France, le mariage a été célébré le 27 avril 2013 à Cracovie et il n'établit pas que ses enfants, dont la scolarité en France n'est établie qu'à compter de la rentrée 2017, ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Roumanie où la cellule familiale a vocation à se reconstituer. Par conséquent, il ne démontre pas de l'intensité des liens familiaux qu'il entretiendrait sur le territoire français alors qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Par ailleurs, si M. C... exerce une activité professionnelle en tant que garagiste et dispose de son propre garage, il ne justifie pas, eu égard à son incarcération, d'une intégration au sein de la société française telle qu'il justifierait avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés. Dans ces conditions, eu égard à la menace qu'il représente pour l'ordre public et aux conditions de son séjour, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de M. C... au regard des buts en vue desquels la mesure d'éloignement contestée a été prise. M. C... n'est donc pas fondé à soutenir que cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur l'interdiction de circuler sur le territoire français :
10. Aux termes de l'article L. 251-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et
du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir la décision
portant obligation de quitter le territoire français édictée sur le fondement des 2° ou 3° de
l'article L. 251-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale
de trois ans. " Aux termes de l'article L. 251-6 du même code : " Le sixième alinéa de l'article
L. 251-1 et les articles L. 251-3, L. 251-7 et L. 261-1 sont applicables à l'interdiction de
circulation sur le territoire français. " Le sixième alinéa de l'article L. 251-1 du même code
dispose que " L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances
relatives à leur situation, notamment la durée du séjour des intéressés en France, leur âge, leur
état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle en
France, et l'intensité des liens avec leur pays d'origine. ".
11. En premier lieu, la décision en litige qui fait apparaître les considérations de droit
et de fait qui en constituent le fondement est suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
12. En second lieu, eu égard notamment à ce qui a été dit aux points 6 et 9, le préfet du Haut-Rhin n'a pas, en dépit de l'absence d'une précédente mesure d'éloignement, commis d'erreur d'appréciation en lui interdisant pour une durée de deux ans la circulation sur le territoire français.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
Délibéré après l'audience du 12 mai 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Samson-Dye, présidente,
Mme Lambing, première conseillère,
Mme Mosser, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juin 2022.
La rapporteure,
Signé : C. B...La présidente,
Signé : A. SAMSON-DYE
La greffière,
Signé : S. BLAISE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
F. LORRAIN
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N° 21NC03306