Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2020 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.
Par un jugement n° 2100103 du 11 mai 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2022, M. C... B..., représenté par Me Ouriri, doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2100103 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 11 mai 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aube du 21 octobre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube, sous astreinte de cent cinquante euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et celles de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision en litige méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles du premier paragraphe de l'article 3 et de l'article 9 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard du pouvoir discrétionnaire de régularisation du préfet ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire enregistré le 15 avril 2022, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 décembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B... est un ressortissant de la République du Congo, né le 17 juin 1980. Il est entré régulièrement en France, le 22 novembre 2012, sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour de quarante jours, valable du 16 novembre au 26 décembre 2012. Le 7 octobre 2013, il a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 5 décembre 2013, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 30 avril 2014. Estimant que l'intéressé ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français, le préfet de police de Paris a pris à son encontre, le 29 janvier 2014, une mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré. Le 18 septembre 2019, le requérant a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions, alors en vigueur, de l'article L 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, par un arrêté du 21 octobre 2020, le préfet de l'Aube a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. B... a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 octobre 2020. Il relève appel du jugement n° 2100103 du 11 mai 2021 qui rejette sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
3. M. B... fait valoir qu'il est présent sur le territoire français depuis le 22 novembre 2012, qu'il vit maritalement depuis 2017 avec une compatriote, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 27 mai 2027, et que, de cette relation, sont issus deux enfants, une fille et un garçon nés respectivement les 17 juillet 2016 et 28 août 2019. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le requérant a fait l'objet, le 29 janvier 2014, d'une mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré. Il ne justifie pas, par les éléments versés aux débats, d'une intégration particulière en France et n'établit pas, ni même n'allègue, être isolé dans son pays d'origine, où vivent notamment ses parents et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans. En se bornant à produire des courriers de relance pour factures d'électricité impayées, adressés entre août 2018 et janvier 2019, un avis d'imposition au titre de l'année 2019 et une attestation de paiement de la caisse d'allocations familiales de l'Aube du 4 juin 2019, qui font mention d'une domiciliation commune avec sa compagne, M. B... ne démontre pas l'existence et la permanence d'une communauté de vie avec la mère de ses enfants, alors que l'intéressée, lors d'une demande de titre de séjour du 17 juin 2018, a déclaré être célibataire et que l'enquête domiciliaire et de voisinage, effectuée le 7 septembre 2020 par les services de police à la demande du préfet de l'Aube, n'a pas permis d'attester la présence effective du couple à l'adresse indiquée. Par ailleurs, si le requérant se prévaut de deux attestations, datées du 15 novembre 2017 et 10 septembre 2019, dont il ressort qu'il a accompagné sa fille aînée chez la pédiatre en octobre et novembre 2017 et qu'il a souscrit pour celle-ci un contrat d'accueil occasionnel en crèche de janvier à juillet 2019, ainsi que de divers tickets de caisse, reçus ou factures faisant état de dépenses réalisées au bénéfice de cette enfant en 2016, 2017 et 2019, il n'apporte aucun élément probant postérieur au mois de juillet 2019 ou concernant son fils cadet. Dans ces conditions, il ne justifie pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de ses enfants à la date de la décision en litige. De plus, il ne se prévaut d'aucune circonstance faisant obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans le pays d'origine commun des deux parents. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entré et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
4. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".
5. Compte tenu notamment des considérations qui ont été analysées au point 3 du présent arrêt, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que l'admission au séjour de M. B... répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 9 de la même convention : " Les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Une décision en ce sens peut être nécessaire dans certains cas particuliers, par exemple lorsque les parents maltraitent ou négligent l'enfant, ou lorsqu'ils vivent séparément et qu'une décision doit être prise au sujet du lieu de résidence de l'enfant. ".
7. D'une part, M. B... ne saurait utilement invoquer le premier paragraphe de l'article 9 de la convention internationale des droits de l'enfant, qui crée seulement des obligations entre les Etats, sans ouvrir de droits à leurs ressortissants. D'autre part, ainsi qu'il a déjà été dit, M. B... ne justifie pas, à la date de la décision en litige, contribuer à l'entretien et à l'éducation de ses enfants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations en cause ne peut être accueilli.
8. En quatrième et dernier lieu, pour les raisons qui ont été exposées aux points précédents, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Aube aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation en refusant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation à titre exceptionnel.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, de ce qu'elle méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, enfin, de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
10. En second lieu, ainsi qu'il a été dit, M. B... ne peut prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en application des dispositions, alors en vigueur, du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'est pas fondé à soutenir qu'il ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Aube du 21 octobre 2020, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Samson-Dye, présidente,
- M. Meisse, premier conseiller,
- M. Marchal, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2022.
Le rapporteur,
Signé : E. A...
La présidente,
Signé : A. SAMSON-DYE
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 22NC00156 2