Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 mai 2020 par lequel le préfet du Haut Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé.
Par un jugement n° 2004458 du 22 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 21 février 2021, 22 juillet 2021 et 4 juin 2022, M. A..., représenté par Me Goldberg demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 22 octobre 2020 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet du Haut-Rhin du 27 mai 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision de refus de titre de séjour :
- le préfet a apprécié de façon manifestement erronée les conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle encourt l'annulation par exception d'illégalité ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle encourt l'annulation par exception d'illégalité ;
Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 avril et 13 août 2021, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Picque, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Une note en délibéré présentée par M. A... a été enregistrée le 8 juillet 2022.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né le 6 janvier 2002, est entrée en France au mois de mai 2019. Il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance à compter du 12 septembre 2019. Le 15 janvier 2020, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 27 mai 2020, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 22 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'arrêté attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France alors qu'il était mineur et a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance à l'âge de 17 ans et huit mois. Une fois majeur, il a signé un contrat " jeune majeur " avec le département du Haut-Rhin le 4 mars 2020, après avoir débuté le 28 janvier 2020, quatre mois avant la décision attaquée, un CAP " carreleur mosaïste ". Le caractère réel et sérieux de cette formation sont établis par les attestations élogieuses de son employeur et de ses professeurs ainsi que l'avis favorable de sa structure d'accueil. Ces éléments, ainsi que l'attestation particulièrement positive de l'entraineur de son club de football, démontrent également sa bonne insertion dans la société française. Dans les circonstances très particulières de l'espèce, la décision de refus de titre de séjour du 27 mai 2020, qui a pour effet de contraindre M. A... à interrompre des études poursuivies avec le soutien du conseil départemental et de lui faire perdre une chance d'obtenir un diplôme destiné à lui apporter une qualification professionnelle, comporte des conséquences manifestement excessives sur sa situation personnelle. Il en résulte qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet du Haut-Rhin a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
3. Il résulte tout de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens qu'il soulève, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 mai 2020 par laquelle le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour et, par voie de conséquence, des décisions concomitantes portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
5. L'annulation ci-dessus prononcée implique nécessairement que le préfet du Haut-Rhin délivre à M. A... une carte de séjour temporaire dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans cette attente, du fait de l'annulation par voie de conséquence de l'obligation de quitter le territoire français, la préfète délivrera immédiatement à M. A... une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorisant à exercer une activité professionnelle.
Sur les frais de l'instance :
6. M. A... est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2004458 du 22 octobre 2020 du tribunal administratif de Besançon et l'arrêté du 27 mai 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Haut-Rhin de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour, sur le fondement de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Article 3 : L'Etat versera à Me Goldberg, avocate de M. A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Goldberg renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Grossrieder, présidente,
- Mme Roussaux, première conseillère,
- Mme Picque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juillet 2022.
La rapporteure,
Signé : A.-S. PicqueLa présidente,
Signé : S. Grossrieder
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 21NC00486