Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 mai 2020 et le 26 juin 2020, la société Ferme éolienne de l'Oliva, représentée par Me Guiheux, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 3 mars 2020 par lequel le préfet des Ardennes a rejeté sa demande d'autorisation environnementale pour la construction et l'exploitation d'un parc éolien de six éoliennes et d'un poste de livraison sur les territoires des communes de Leffincourt et de Contreuve ;
2°) d'enjoindre au préfet des Ardennes de statuer à nouveau sur sa demande d'autorisation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé dès lors que le préfet n'a pas énoncé en quoi la réalisation du projet serait de nature à porter atteinte spécifiquement à la préservation du faucon crécerelle et du milan royal et qu'il n'a pas plus préciser les raisons pour lesquelles l'analyse de l'avifaune serait affectée par l'absence d'analyse et d'exploitation des suivis de mortalité des parcs éoliens voisins ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions combinées des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement dès lors que le projet ne porte pas atteinte au faucon crécerelle et au milan royal et ne présente généralement pas de risque significatif pour l'avifaune ;
- il est entaché d'erreurs de fait et d'appréciation dès lors son dossier n'était pas incomplet, ni irrégulier ; son dossier de demande présente une analyse suffisance de l'avifaune et se prononce pertinemment sur les enjeux de l'avifaune par une méthodologie et des critères exposés dans l'étude ; son dossier de demande dispose d'une méthodologie de qualification de la vulnérabilité de l'avifaune adaptée aux espèces migratrices et procède à une juste évaluation de la vulnérabilité des différentes espèces recensées sur le site, dont celles sensibles à l'éolien ; son dossier de demande n'avait pas à prendre en compte, au stade de la définition de l'état initial, les résultats des suivis de mortalité des parcs voisins et elle a, en tout cas, pris en compte ces résultats tant dans le choix de l'implantation du site que pour déterminer les effets cumulés du site, qui sont suffisamment étudiés au sein d'une sous-section dédiée et aboutissent à des conclusions pertinentes quant à l'impact cumulé faible du projet avec les autres parcs avoisinants ; son dossier présente une séquence relative aux mesures d'évitement, de réduction et de compensation suffisante pour limiter les risques de collision et permettant de disposer d'un impact résiduel non significatif pour l'avifaune.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2020, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société pétitionnaire ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,
- et les observations de Me Boenec pour la société Ferme éolienne de l'Oliva.
Considérant ce qui suit :
1. La société Ferme éolienne de l'Oliva a présenté, le 24 octobre 2017, une demande d'autorisation unique portant sur la construction et l'exploitation de six éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire des communes de Leffincourt et Contreuve. Par un arrêté du 3 mars 2020, le préfet des Ardennes a refusé de délivrer l'autorisation sollicitée. La société Ferme éolienne de l'Oliva demande à la cour d'annuler cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté :
2. En premier lieu, l'arrêté en litige expose que la demande de la société est rejetée en raison de l'irrégularité du dossier de demande et présente, à ce titre, les différentes carences entachant plus précisément l'étude d'impact, dont notamment l'absence d'analyse des résultats des suivis de mortalité des parcs voisins pour déterminer l'état initial de l'avifaune. Le préfet n'avait pas à préciser les raisons pour lesquelles l'analyse de l'avifaune serait affectée par l'absence d'analyse et d'exploitation des suivis de mortalité des parcs éoliens voisins. De plus, l'arrêté, avant d'indiquer que la réalisation du projet serait de nature à porter atteinte spécifiquement à la préservation du faucon crécerelle et du milan royal, précise que les suivis de mortalité des parcs à proximité font état de plusieurs cas de mortalité pour ces deux espèces. L'arrêté expose ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, les raisons pour lesquelles il se réfère précisément à ces deux espèces de rapaces. Le moyen du défaut de motivation doit dès lors être écarté.
3. En deuxième lieu, pour rejeter la demande de la société pétitionnaire, le préfet s'est exclusivement fondé sur le maintien, en dépit d'invitations à compléter la demande, d'irrégularités dans le dossier fourni et n'a pas rejeté la demande au motif que le parc porterait au faucon crécerelle, au milan royal et plus généralement à l'avifaune une atteinte contraire aux dispositions combinées des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit par suite être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes du troisième alinéa de l'article R. 181-6 du code de l'environnement : " Lorsque l'instruction fait apparaître que le dossier n'est pas complet ou régulier, ou ne comporte pas les éléments suffisants pour en poursuivre l'examen, le préfet invite le demandeur à compléter ou régulariser le dossier dans un délai qu'il fixe ". Aux termes de l'article R. 181-34 du même code : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : / 1° Lorsque, malgré la ou les demandes de régularisation qui ont été adressées au pétitionnaire, le dossier est demeuré incomplet ou irrégulier ; (...) ".
5. Il résulte de l'instruction que, pour déterminer l'état initial de l'avifaune, l'étude écologique consolidée, transmise par la pétitionnaire à la suite de la seconde demande de complément que lui a adressée le préfet, présente d'abord le résultat des observations réalisées pour chacune des quatre périodes du cycle biologique. L'étude fait ainsi état des espèces rencontrées sur le site lors de la période du cycle biologique concernée par les développements, ainsi que de leurs effectifs et des différentes protections dont elles bénéficient. L'étude poursuit cette présentation par une rapide analyse de la situation de chaque espèce rencontrée avant d'exposer globalement les enjeux avifaunistiques existants pour la période étudiée, sans pour autant que la méthodologie et les critères ayant permis de déterminer les enjeux sur ces périodes soient exposés. Ensuite, l'étude présente une deuxième série d'analyses, qui a pour finalité de déterminer la vulnérabilité des différentes espèces présentes sur le site en prenant en compte leur niveau de sensibilité à l'éolien et leur niveau d'enjeu, dont il est expressément indiqué qu'il est apprécié selon la rareté et la protection accordée aux spécimens observés. Enfin, une troisième série d'analyses vise spécifiquement les espèces patrimoniales, celles présentant des risques ainsi que celles en nombres importants sur le site. Une présentation pour chaque espèce est effectuée et il est arrêté l'enjeu du projet pour ces espèces sans toutefois qu'une méthodologie soit exposée, que des critères soient dégagés ou qu'un lien avec les développements des deux premières analyses soit mis en avant dans l'étude. Finalement est présentée une carte synthétique des enjeux avifaunistiques, sans qu'il soit possible de déterminer si cette carte s'appuie sur les résultats de la première, de la deuxième ou de la troisième analyse, ni plus généralement sur quel critère et selon quelle méthodologie elle a été obtenue. Dans ces conditions, l'étude écologique ne permet pas, contrairement à ce que soutient la requérante, d'appréhender la méthodologie et les critères utilisés pour arrêter les enjeux du projet pour l'avifaune.
6. De plus, ainsi qu'il a été exposé au point 5, l'étude écologique a procédé, pour chaque espèce d'oiseau rencontrée sur le site, à une évaluation de sa vulnérabilité. Pour ce faire, l'étude attribue, pour chaque espèce, une note de niveau de sensibilité, qui est multipliée par une note de niveau d'enjeu et la somme obtenue permet de qualifier la vulnérabilité de l'espèce. La notation du niveau d'enjeu varie entre 0 et 1 et dépend de l'inscription de l'espèce concernée sur des listes traduisant la protection accordée. Trois listes servent de référence pour la notation, mais une seule de ces listes n'est pas spécifiquement dédiée à l'avifaune nicheuse. L'inscription d'une espèce sur cette liste ne permet, de plus, que d'obtenir une notation de 0,5. Les espèces non nicheuses ne peuvent ainsi pas obtenir la notation maximale pour la note de niveau d'enjeu et ne bénéficient donc pas, contrairement à ce que soutient la société pétitionnaire, d'un référentiel prenant en compte leur éventuelle patrimonialité.
7. Enfin, le projet de la société pétitionnaire s'implante à proximité immédiate de nombreux autres parcs éoliens. Les six éoliennes du projet doivent même être implantées entre les deux lignes parallèles qui forment le parc de Leffincourt. Au regard de l'implantation particulière et de la disponibilité de suivis de mortalité de parcs déjà en exploitation, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'avait pas à prendre en compte les résultats de ces suivis pour affiner l'état initial du site au regard notamment des espèces présentes dans ce secteur et de leur vulnérabilité à l'éolien. Si l'étude écologique produite au soutien de sa demande présente des développements dédiés aux suivis de mortalité des autres parcs, elle se borne à présenter leurs résultats et à en dégager des conclusions sur l'impact du projet, mais non sur l'état initial.
8. Ces différentes carences de l'étude d'impact, qui ont pu avoir pour effet de fausser l'évaluation proposée par la pétitionnaire des enjeux et des impacts du projet sur l'avifaune, s'opposaient à elles seules à ce que le préfet puisse instruire régulièrement la demande d'autorisation. Par suite, la société Ferme éolienne de l'Oliva n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait entaché son arrêté d'erreurs de fait ou d'appréciation en rejetant sa demande au motif que le dossier de demande était irrégulier.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société Ferme éolienne de l'Oliva doit être rejetée.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Ferme éolienne de l'Oliva est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ferme éolienne de l'Oliva et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée au préfet des Ardennes.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Haudier, présidente-assesseure,
- M. Marchal, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2022.
Le rapporteur,
Signé : S. A...
Le président,
Signé : C. WURTZLe greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 20NC01055
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