Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 9 mars 2021 par lequel le préfet de l'Aube lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2100731 du 26 juillet 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande.
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 6 juillet 2022 par lesquels la préfète de l'Aube l'a obligé à quitter sans délai le territoire, a fixé le pays de destination, l'a interdit de retour sur le territoire pendant douze mois et l'a assigné à résidence pendant quarante-cinq jours.
Par un jugement n°s 2201548 et 2201549 du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
I.) Par une requête, enregistrée le 3 janvier 2022, sous le numéro 22NC00009, M. B..., représenté par Me Taillon, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 26 juillet 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 mars 2021 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de séjour : a été pris par une autorité incompétente ; est insuffisamment motivé ; ne repose pas sur un examen approfondi de sa situation personnelle ; méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire : a été prise par une autorité incompétente ; est insuffisamment motivée ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation ;
- la décision fixant le pays de destination : a été prise par une autorité incompétente ; est insuffisamment motivée ; est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; repose sur une appréciation manifestement erronée de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire enregistré le 26 septembre 2022, la préfète de l'Aube conclut au non-lieu à statuer, l'intéressé ayant exécuté l'obligation de quitter le territoire.
M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par décision du 13 décembre 2021.
II.) Par une requête, enregistrée le 10 août 2022, sous le numéro 22NC02135, et un mémoire enregistré le 15 septembre 2022, M. B..., représenté par Me Lombardi, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 18 juillet 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2022 portant obligation de quitter le territoire et interdiction de retour ;
3°) d'enjoindre l'autorité préfectorale compétente de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le signataire de l'arrêté n'a pas reçu délégation régulière à cet effet en ce que la délégation n'est pas suffisamment précise ;
- l'arrêté n'est pas suffisamment motivé ;
- l'obligation de quitter le territoire : a été prise en méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination : a été prise en violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- l'interdiction de retour : est disproportionnée au regard de son droit à la vie privée et familiale.
M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par décision du 9 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive n° 2008/115/CE du Parlement et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né en 1983, de nationalité iranienne, déclare être entré en France en septembre 2012 muni d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étudiant, régulièrement renouvelée jusqu'en 2019, et a obtenu en 2018 un diplôme de Master en sciences, technologies, santé, mention biologie cellulaire, physiologie et pathologie, spécialité nutrition, métabolisme énergétique et signalisation. Le 2 mars 2020, il a sollicité auprès de la préfecture de l'Aube la délivrance d'un titre de séjour. Le préfet de l'Aube lui a accordé une autorisation provisoire de séjour valable du 16 juillet 2020 au 15 janvier 2015. Le 24 novembre 2020, il a sollicité un nouveau titre de séjour. Le 9 mars 2021, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a notifié une obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours. Par des arrêtés du 6 juillet 2022, la préfète de l'Aube l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, avec interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de 12 mois en fixant le pays de destination et l'a assigné à résidence pour 45 jours avec obligation de se présenter les lundis, mercredis et vendredis à 10h30 au commissariat de police de Troyes. Par les deux requêtes ci-dessus visées, qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, M. B... relève appel des jugements des 26 juillet 2021 et 18 juillet 2022, par lesquels le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mars 2021 et de l'arrêté du 6 juillet 2022 portant obligation de quitter le territoire et l'interdisant de retour sur le territoire.
Sur l'exception de non-lieu :
2. La circonstance que M. B... aurait exécuté l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire n'a pas pour effet de rendre sans objet les présentes requêtes. Par suite, l'exception de non-lieu soulevée par la préfète de l'Aube sera écartée.
Sur la légalité de l'arrêté du 9 mars 2021 :
En ce qui concerne la régularité de l'arrêté pris dans son ensemble :
3. Mme Sylvie Cendre, secrétaire générale de la préfecture de l'Aube et signataire de l'arrêté contesté, bénéficie d'une délégation de signature du 1er octobre 2020 régulièrement publiée, à effet de signer notamment tous les arrêtés relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de certaines mesures restrictivement énumérées, dont ne font pas partie les décisions en litige. Par suite, le moyen d'incompétence sera écarté.
4. L'arrêté attaqué comporte de manière suffisante et non stéréotypée l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles l'autorité préfectorale s'est fondée afin de prendre à l'encontre de M. B... les décisions attaquées.
En ce qui concerne le refus de séjour :
5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 313-14 du même code alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".
6. Le requérant, qui fait valoir la durée de sa présence en France, n'y a été admis au séjour que pour les besoins de ses études qu'il a désormais achevées à la suite de l'obtention de son diplôme et ne saurait donc se maintenir sur le territoire afin d'y rechercher un emploi. Si l'intéressé fait état des liens qui l'unissent à son père de nationalité française vivant en région parisienne, une telle attache ne saurait établir qu'il a fixé en France le centre de sa vie privée et familiale alors qu'âgé de 39 ans, célibataire et sans charge de famille, il conserve des attaches familiales en Iran, en particulier sa mère et a vocation à vivre sa propre vie. Compte tenu notamment des motifs de son séjour en France, le refus de séjour qui lui a été opposé n'a pas méconnu les normes ci-dessus reproduites et ne repose pas sur une appréciation manifestement erronée de sa situation, situation que l'autorité administrative ne s'est pas refusée à examiner.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
7. Il résulte des éléments ci-dessus analysés relatifs à la situation personnelle de M. B..., que l'obligation de quitter le territoire ne méconnaît pas les normes rappelées au point 4 ci-dessus et ne repose pas sur une appréciation manifestement erronée de ses conséquences sur sa situation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à invoquer par la voie de l'exception l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
9. En invoquant de manière dépourvue de précision la situation politique générale en Iran, M. B... ne justifie pas être exposé dans ce pays à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la violation du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sera écarté.
10. Il résulte des éléments analysés ci-dessus relatifs à la situation personnelle du requérant que la décision fixant le pays de destination ne procède pas d'une erreur manifeste d'appréciation.
11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 26 juillet 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, sa requête ci-dessus visée sous le numéro 22NC00009 doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur la légalité de l'arrêté du 6 juillet 2022 portant obligation de quitter le territoire et interdiction de retour :
En ce qui concerne la régularité de l'arrêté pris dans son ensemble :
12. M. B... reprend en appel les moyens tirés d'un vice d'incompétence, d'un défaut de motivation et de la violation de la garantie relative au droit d'être entendu. Il y a lieu d'écarter ces moyens par les mêmes motifs que ceux retenus à juste titre par les premiers juges.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
13. Par les mêmes motifs que ci-dessus relatifs à la situation personnelle du requérante, la décision litigieuse n'a pas été prise en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et ne repose pas sur une appréciation manifestement erronée de sa situation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ses conséquences sur sa situation.
En ce qui concerne l'interdiction de retour :
14. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. " L'article L. 612-10 du même code dispose : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
15. L'autorité préfectorale a interdit de retour le requérant en France pour douze mois. Une telle durée, au regard des éléments de la situation de M. B... ne saurait être qualifiée de disproportionnée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation sera écarté.
En ce qui concerne le pays de destination :
16. En invoquant de manière dépourvue de précision la situation politique générale en Iran, M. B... ne justifie pas être exposé dans ce pays à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la violation du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sera écarté.
17. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, sa requête ci-dessus visée sous le numéro 22NC02135 doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie du présent arrêt sera adressée à la préfète de l'Aube.
Délibéré après l'audience du 27 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Agnel, président de chambre,
M. Sibileau, premier conseiller,
Mme Picque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2022.
Le président,
Signé : M. A... L'assesseur le plus ancien,
Signé : J. B. Sibileau
Le greffier,
Signé : J.Y. Gaillard
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
J.Y. Gaillard
N°s 22NC00009 et 22NC02135