Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 1er mars 2022 par lequel le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2201446 du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 avril 2022, M. A..., représenté par Me Sgro, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ou, à titre subsidiaire, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision est entachée d'incompétence ;
- elle méconnaît les dispositions du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'a pas produit de faux et qu'il ne saurait ainsi être regardé comme constituant une menace pour l'ordre public ;
- elle méconnaît les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il était mineur lors de son entrée en France et que sa minorité l'autorisait à y résider régulièrement ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision portant refus de délai de départ volontaire :
- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'incompétence ;
- elle méconnaît les dispositions du 1° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions du 3° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'incompétence ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'incompétence ;
- elle est illégale dès lors qu'elle est fondée sur une décision de refus de délai de départ volontaire elle-même illégale ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il justifie de circonstances humanitaires ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E...,
- et les observations de Me Sgro, représentant M. A....
1. M. A..., ressortissant ivoirien, déclare être né le 1er janvier 2004 et être entré en France en août 2020. Par un arrêté du 1er mars 2022, le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. A... fait appel du jugement du 14 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le moyen commun aux différentes décisions :
2. Par un arrêté du 7 décembre 2021, publié le lendemain au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Moselle a donné délégation à Mme D... B..., directrice de l'immigration et de l'intégration, et en cas d'absence ou d'empêchement de cette dernière, à M. C... F..., directeur adjoint, pour signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'État dans le département à l'exception de certaines catégories d'actes au nombre desquelles ne figurent pas les décisions en litige. Le requérant n'allègue pas que Mme B... n'aurait pas été absente ou empêchée le 1er mars 2022. Par suite, le moyen tiré de ce que M. F..., signataire des décisions contestées, n'était pas compétent pour les adopter doit être écarté.
Sur les moyens propres à la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Sauf s'il est exempté de cette obligation, des visas exigés par les conventions internationales et par l'article 6, paragraphe 1, points a et b, du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ; / 2° Sous réserve des conventions internationales, et de l'article 6, paragraphe 1, point c, du code frontières Schengen, du justificatif d'hébergement prévu à l'article L. 313-1, s'il est requis, et des autres documents prévus par décret en Conseil d'Etat relatifs à l'objet et aux conditions de son séjour et à ses moyens d'existence, à la prise en charge par un opérateur d'assurance agréé des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, résultant de soins qu'il pourrait engager en France, ainsi qu'aux garanties de son rapatriement ; / 3° Des documents nécessaires à l'exercice d'une activité professionnelle s'il se propose d'en exercer une ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".
5. Contrairement à ce que soutient M. A..., la circonstance qu'il était mineur lors de son entrée sur le territoire français n'était pas de nature à le dispenser d'une entrée régulière en France. Or, le requérant n'apporte aucun élément justifiant qu'il soit régulièrement entré sur le territoire français et il n'établit pas plus qu'au 1er mars 2022, date de l'arrêté litigieux, il bénéficiait d'un titre de séjour en cours de validité, alors que, même en retenant qu'il serait né le 1er janvier 2004 ainsi qu'il le fait valoir, il était alors majeur. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui est célibataire et sans enfant, est entré récemment sur le territoire français et ne justifie pas, par les éléments qu'il produit, d'une intégration sociale particulière. S'il indique être inscrit actuellement en CAP et produit notamment une promesse d'embauche en apprentissage, il n'établit, ni même n'allègue qu'il ne pourrait poursuivre sa formation qu'en France. Dans ces conditions, M. A..., qui ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales et privées dans son pays d'origine, n'est pas fondé à soutenir que la décision a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit par suite être écarté.
8. En troisième lieu, si pour obliger M. A... à quitter le territoire français, le préfet a également retenu que le requérant présentait une menace pour l'ordre public, il résulte de l'instruction qu'il aurait pris la même décision en se fondant exclusivement sur les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en retenant uniquement que l'intéressé est entré irrégulièrement sur le territoire français et s'y maintenait sans pouvoir justifier d'un titre de séjour en cours de validité à la date de l'arrêté.
Sur les moyens propres à la décision portant refus de délai de départ volontaire :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ".
11. Pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire à M. A..., le préfet de la Moselle a notamment retenu qu'il présentait un risque de soustraction à la décision portant obligation de quitter le territoire français, car, d'une part, il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes et, d'autre part, il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Or, ainsi qu'il a été précisé au point 5 du présent arrêt, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il n'est pas entré irrégulièrement sur le territoire français au seul motif qu'il était mineur lors de son arrivée en France. Dans ces conditions et alors que le requérant ne conteste pas ne pas avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour à sa majorité et ne justifie d'aucune circonstance particulière, il ne saurait faire valoir que le préfet a retenu à tort qu'il présentait un risque au sens du 1° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite et quand bien même l'intéressé présenterait des garanties de représentation, le préfet n'a pas méconnu les dispositions du 3° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en retenant qu'il présentait un risque. Le moyen doit ainsi être écarté.
12. En troisième lieu, si pour refuser un délai de départ volontaire à M. A..., le préfet a également retenu que le requérant présentait une menace pour l'ordre public, il résulte de l'instruction qu'il aurait pris la même décision en se fondant exclusivement sur les dispositions du 1° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en retenant uniquement pour ce motif que l'intéressé présentait un risque de se soustraire à la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Sur les moyens propres à la décision fixant le pays de renvoi :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
14. En deuxième lieu, M. A... ne saurait utilement faire valoir que la décision litigieuse, qui se borne à fixer le pays de renvoi, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce que ses attaches se trouveraient en France. Le moyen ne peut ainsi qu'être écarté.
Sur les moyens propres à la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
15. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
16. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ".
17. Il résulte de ce qui a été dit plus haut que la décision portant refus de délai de départ volontaire n'est pas illégale, de sorte que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire méconnaît pour ce motif les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
18. En troisième lieu, la circonstance que M. A... effectue des études en France ne saurait, à elle seule, constituer une circonstance humanitaire s'opposant à l'édiction d'une décision portant interdiction de retour sur le territoire français au sens de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
19. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que celles présentées subsidiairement sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. G... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Haudier, présidente assesseure,
- M. Marchal, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2023.
Le rapporteur,
Signé : S. E...Le président,
Signé : Ch. WURTZ
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
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N° 22NC00981