Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 19 avril 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office.
Par un jugement n° 2105175 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 juillet 2022, Mme E..., représentée par Me Goldberg, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt, à défaut de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à son avocat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le refus de séjour : est insuffisamment motivé ; fait une inexacte application du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que l'administration n'a pas établi que l'acte de reconnaissance reposait sur une fraude à la loi et qu'il est justifié que le père de l'enfant participe à l'entretien et à l'éducation de son fils ; porte une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ; méconnaît l'intérêt supérieur de son enfant en violation des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'obligation de quitter le territoire : est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour ; repose sur une appréciation manifestement erronée de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination : est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2023, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par décision du 13 juin 2022.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la constitution ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.
A été entendu à l'audience publique le rapport de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante camerounaise née en 1984, a déclaré être irrégulièrement entrée en France le 31 mars 2014. L'intéressée a saisi la préfète du Bas-Rhin le 7 février 2018 d'une demande de titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, en se prévalant de la nationalité française de son fils C..., né le 8 décembre 2016 à Strasbourg. Par un arrêté du 19 avril 2021, la préfète du Bas-Rhin a rejeté cette demande et a obligé l'intéressée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme E... relève appel du jugement du 15 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le refus de séjour :
2. En premier lieu, la requérante reprend en appel sans autre précision le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté attaqué. Il y a lieu d'écarter ce moyen par les mêmes motifs que ceux retenus à juste titre par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ".
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme E..., ressortissante camerounaise née le 6 avril 1984, est la mère de l'enfant C... D..., né le 8 décembre 2016. M. D..., de nationalité française, a reconnu de manière anticipée cet enfant, A... le 13 août 2016. Par la décision en litige, la préfète du Bas-Rhin a refusé de délivrer à la requérante un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que le tribunal judiciaire de Strasbourg avait, par un jugement du 17 juin 2020, annulé l'acte de reconnaissance de paternité de l'enfant C... D... établi par M. D.... Aux termes de ce jugement, ce dernier n'entretient aucune relation familiale avec l'enfant de Mme E... et n'établit pas contribuer à son entretien. Si la requérante soutient que ce jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg est frappé d'un appel, sur lequel la cour de Colmar n'avait pas statué à la date de la décision attaquée, il est toutefois revêtu de l'autorité de la chose jugée en vertu des dispositions de l'article 480 du code de procédure civile. Ainsi, la préfète du Bas-Rhin a pu se fonder sur la seule annulation de cette reconnaissance de paternité, en raison de son caractère frauduleux, la reconnaissance ayant été effectuée dans le seul but de faire acquérir la nationalité française à l'enfant et de faire bénéficier sa mère d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Par suite, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée a été prise en méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation au regard de ces dispositions doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
6. D'une part, le jugement rendu le 17 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Strasbourg, revêtu de l'autorité de la chose jugée ainsi qu'il a été dit au point 4, a annulé l'acte de reconnaissance de paternité de l'enfant C... D... établi par M. D.... Au surplus, Mme E... n'établit pas, par la seule production d'une attestation imprécise établie pour les besoins de la cause le 8 septembre 2021, que M. D... a tissé des liens avec cet enfant et contribue à son entretien. D'autre part, Mme G... les pièces qu'elle produit devant cette cour n'établit pas que le père de son enfant né le 5 juillet 2018 contribue à son éducation et à son entretien. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige est de nature à porter à l'intérêt supérieur de ses deux enfants nés en France une atteinte disproportionnée au regard de leurs motifs. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents ". Mme E... ne peut utilement se prévaloir de ces stipulations qui créent seulement des obligations entre Etat membres, sans ouvrir de droits à leurs ressortissants.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. En se bornant à soutenir que la décision en litige a pour effet de séparer son enfant né le 8 décembre 2016 de M. D..., et son autre enfant né le 5 juillet 2018 de son père qui n'est pas M. D..., Mme E... ne démontre pas que la décision attaquée a porté à son propre droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Au demeurant, elle n'établit pas entretenir des liens, à la date de cette décision, avec M. D... ou avec le père de son plus jeune enfant. Par ailleurs, à supposer établie la durée de son séjour en France, dans la mesure où elle déclare y être entrée le 31 mars 2014, elle n'établit pas l'intensité des liens privés ou familiaux qu'elle y entretiendrait, et ne démontre pas une insertion dans la société française par les seules attestations qu'elle produit. Enfin, aux termes des mentions non contestées de l'arrêté en litige, elle n'est pas dépourvue d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine, dans lequel résident notamment ses deux enfants aînés. Par suite, la décision attaquée n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision faisant obligation à Mme E... de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.
11. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, le moyen tiré d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la gravité des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de Mme E... doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision faisant obligation à Mme E... de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... E..., à Me Goldberg et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie du présent arrêt sera transmise à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2023, à laquelle siégeaient :
M. Agnel, président de chambre,
Mme Picque, première conseillère,
Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023.
L'assesseure la plus ancienne,
Signé : A.S. PicqueLe président,
Signé : M. B...
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 22NC01917
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