Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'annulation de l'arrêté du 4 juillet 2022 par lequel la préfète de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.
Par un jugement n° 2201835 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2022, M. B... A..., représenté par Me Lombardi, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2201835 du tribunal administratif de
Châlons-en-Champagne du 8 novembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aube du 4 juillet 2022 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 800 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- l'arrêté du 4 juillet 2022 est insuffisamment motivé ;
- cet arrêté est entaché d'un vice de procédure dès lors que, en méconnaissance du droit d'être entendu garanti par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et par les principes généraux du droit de l'Union européenne, il n'a pas été mis à même de présenter ses observations ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les dispositions des articles L. 421-3 et L. 421-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2023, la préfète de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... est un ressortissant tunisien, né le 27 mai 1992. Il est entré en France le 30 septembre 2018 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de long séjour. Il a été mis en possession d'un titre de séjour " visiteur ", valable du 16 mai 2019 au 15 mai 2020 et régulièrement renouvelé jusqu'au 31 mai 2022. Le 3 février 2022, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de " travailleur salarié " . Toutefois, par un arrêté du 4 juillet 2022, la préfète de l'Aube a refusé de faire droit à cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. A... a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 juillet 2022. Il relève appel du jugement n° 2201835 du 8 novembre 2022 qui rejette sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ".
3. D'une part, la décision par laquelle la préfète de l'Aube a refusé de délivrer à M. A... un titre de séjour en qualité de travailleur salarié ne relève pas du champ d'application du droit de l'Union européenne.
4. D'autre part, les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adressent exclusivement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Dans ces conditions, le requérant ne saurait utilement soutenir que son droit d'être entendu, garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, aurait été méconnu.
5. En outre, si M. A... soutient que les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination ont été prises en méconnaissance de son droit d'être entendu garanti par les principes généraux du droit de l'Union européenne, il est constant que, lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer que, en cas de rejet de sa demande, il pourra faire l'objet, le cas échéant, d'une mesure d'éloignement du territoire français, avec ou sans délai de départ volontaire, à destination de son pays d'origine ou de tout autre pays où il serait légalement admissible, ainsi que d'une interdiction de retour. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ou de compléter ses observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français, sur l'octroi ou non d'un délai de départ volontaire, sur la fixation du pays de destination et sur l'interdiction de retour, lesquelles sont prises concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.
6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait vainement sollicité un entretien avec les services préfectoraux, ni qu'il aurait été empêché, lors du dépôt et au cours de l'instruction de sa demande de titre de séjour, de faire valoir auprès de l'administration tous les éléments jugés utiles à la compréhension de sa situation personnelle et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu, tel que garanti par les principes généraux du droit de l'Union européenne, ne peut qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour (...). ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. (...) ".
8. D'une part, les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et fixation du pays de destination énoncent, dans leurs visas et motifs, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elles sont ainsi suffisamment motivées au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de ces décisions manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.
9. D'autre part, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée doit également être écarté.
10. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait sollicité son admission au séjour en application de l'article L. 421-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La préfète de l'Aube n'ayant pas examiné d'office si l'intéressé pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur un tel fondement, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions en cause doit être écarté comme inopérant.
11. En quatrième lieu, M. A... soutient qu'il remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour en qualité de travailleur salarié, sur le fondement de
l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, s'il fait valoir que, le 3 août 2022, il a obtenu une réponse positive pour effectuer des recherches post-doctorales dans le cadre d'un contrat à durée déterminée de deux ans, il est constant qu'une telle circonstance est postérieure à l'arrêté en litige du 4 juillet 2022. Par suite et en tout état de cause, le moyen ne peut qu'être écarté.
12. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
13. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est arrivé en France, le 30 septembre 2018, à l'âge de vingt-six ans. Inscrit en thèse de doctorat à l'université de Tunis, il n'a été admis à séjourner sur le territoire français, sous couvert d'un titre de séjour " visiteur ", que pour y effectuer des recherches, dans le cadre d'une convention d'accueil d'un doctorant invité conclue avec l'université de technologie de Troyes, et n'a donc pas vocation à y demeurer. S'il se prévaut de la présence en France de nombreux amis, d'un oncle et de sa fiancée, ressortissante tunisienne résidant à Paris avec laquelle il envisage de se marier, il n'est pas contesté que l'intéressé est sans enfant à charge et que, sa future épouse étant également doctorante et titulaire d'un titre de séjour d'un an valable jusqu'au 25 janvier 2023, rien ne s'oppose à ce que le couple poursuive sa vie privée et familiale en Tunisie. Enfin, M. A... n'est pas isolé dans son pays d'origine, où vivent ses parents et quatre de ses frères et sœurs. Par suite, et alors que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations en cause doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Aube.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Haudier, présidente,
- M. Meisse, premier conseiller,
- M. Marchal, conseiller
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2023.
Le rapporteur,
Signé : E. MEISSE
La présidente,
Signé : G. HAUDIER
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 22NC03031 2