Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
M. A... D... et Mme C... B..., épouse D..., ont demandé chacun au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation des arrêtés du 27 septembre 2022 par lesquels la préfète du Bas-Rhin leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2206817-2206818 du 1er décembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande respective.
Procédures devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2023, sous le n° 23NC00120, Mme C... B..., épouse D..., représentée par Me Rommelaere, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2206817-2206818 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 1er décembre 2022 en tant qu'il rejette sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 27 septembre 2022 la concernant ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'intervalle, une autorisation provisoire de séjour, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- la décision est entachée d'un d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision en litige méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du second alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été régulièrement communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas défendu dans la présente instance.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023.
II. Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2023, sous le n° 23NC00128, M. A... D..., représenté par Me Rommelaere, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2206817-2206818 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 1er décembre 2022 en tant qu'il rejette sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 27 septembre 2022 le concernant ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'intervalle, une autorisation provisoire de séjour, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- la décision est entachée d'un d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision en litige méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du second alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été régulièrement communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas défendu dans la présente instance.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 23NC00120 et n° 23NC00128, présentées respectivement pour Mme C... B..., épouse D..., et pour M. A... D..., soulèvent des questions identiques et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. M. et Mme D... sont des ressortissants russes, nés respectivement les 17 septembre 1996 et 17 juin 1994. Ils ont déclaré être entrés en France le 10 septembre 2018. Le 20 septembre suivant, ils ont présenté chacun une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 juin 2019, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 26 janvier 2021. Par deux arrêtés du 27 septembre 2022, pris en application du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète du Bas-Rhin leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. et Mme D... ont saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation des arrêtés du 27 septembre 2022. Ils relèvent appel du jugement n° 2206817-2206818 du 1er décembre 2022 qui rejette leurs demandes.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée ".
4. Il ressort des pièces des dossiers que les décisions en litige mentionnent, dans leurs visas et motifs, les textes dont elles font application, décrivent le parcours et la situation familiale et personnelle des requérants et prennent soin de préciser que les mesures d'éloignement, dont ils font l'objet, ne contreviennent pas aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ces décisions sont suffisamment motivées au regard des exigences du premier alinéa de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, il ne ressort ni des motifs des décisions en litige, ni d'aucune des autres pièces des dossiers, que la préfète du Bas-Rhin se serait abstenue de procéder à un examen particulier de la situation personnelle et familiale des requérants, spécialement au regard des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Il ressort des pièces des dossiers que M. et Mme D... sont arrivés en France, le 10 septembre 2018 à l'âge respectivement de vingt-et-un et de vingt-quatre ans. S'ils se prévalent de la présence en France des parents, du frère et de la sœur de M. D..., il est constant que le père et la mère de l'intéressé, dont la demande d'asile a également été rejetée, font tous deux l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise à leur encontre le 9 avril 2020. Par ailleurs, les requérants n'établissent pas être isolés dans leur pays d'origine, où vivent notamment les parents de Mme D.... S'ils se prévalent du soutien des membres de leur communauté religieuse, de leurs efforts d'intégration et de leur apprentissage du français, de telles circonstances ne suffisent pas à leur conférer un droit au séjour en France. Par suite et alors même que Mme D... travaille comme assistante de vie depuis le 23 août 2022, il ne ressort pas des pièces des dossiers que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auraient été méconnues.
8. En quatrième et dernier lieu, compte tenu des circonstances exposées précédemment, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions en litige seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle.
En ce qui concerne les décisions portant fixation du pays de destination :
9. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que les décisions en litige seraient illégales en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français.
10. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
11. Si les requérants font valoir qu'ils sont Témoins de Jéhovah, ils se bornent à produire des documents généraux sur la situation des membres de leur communauté religieuse sur le territoire russe à la suite de la décision d'interdiction prononcée par la Cour suprême de la Fédération de Russie le 20 avril 2017, ainsi que des témoignages de proches qui, eu égard aux termes dans lesquels ils sont rédigés, ne suffisent pas à démontrer qu'ils risqueraient, en cas de retour dans leur pays d'origine, d'être exposés, de façon directe et personnelle, à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par le second alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, les allégations de M. D... selon lesquelles il aurait fait l'objet d'une convocation en vue de sa mobilisation dans le cadre de la guerre en Ukraine ne sont pas établies. Par suite et alors qu'au demeurant, les demandes d'asile présentées par les requérants ont été successivement rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et des dispositions en cause doivent être écartés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que leurs conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme D... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., épouse D..., à M. A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Haudier, présidente,
- M. Meisse, premier conseiller,
- M. Marchal, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2023.
Le rapporteur,
Signé : E. MEISSE
La présidente,
Signé : HAUDIER
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N°s 23NC00120 et 23NC00128 2