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22/06/2023 | FRANCE | N°22NC02048

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 22 juin 2023, 22NC02048


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 avril 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2105045 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2022, M. B..., représenté par

Me Sultan, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 octobre 2021 ;

2°) d'annuler cet a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 avril 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2105045 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Sultan, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 octobre 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 27 avril 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du présent arrêt ou subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de la première instance et une somme de 2 000 euros au titre de l'appel, à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle dans la mesure où il est parfaitement intégré en France, notamment par le travail ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où il justifie de sa présence en France à compter de 2012, des liens qu'il entretient avec ses sœurs résidant sur le territoire français et de son activité professionnelle ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont privées de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.

La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Mosser a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain né le 5 juin 1972, aurait quitté le Maroc en 1998 pour s'installer en Espagne où il aurait obtenu un titre de séjour à partir de 2000 et aurait vécu jusqu'en 2012. Il serait ensuite entré en France pour y rejoindre sa famille. En avril 2018, il a formé une demande d'admission exceptionnelle au séjour qui a été explicitement rejetée par un arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 27 avril 2021. M. B... relève appel du jugement du 12 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 27 avril 2021.

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Les stipulations précitées de l'article 8 ne garantissent pas le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie privée et familiale. En outre, pour apprécier l'atteinte à la vie privée et familiale, il y a lieu de prendre en considération la durée et l'intensité des liens familiaux dont la personne se prévaut. En l'espèce, M. B... fait valoir qu'il vit depuis 2012 en France où résident également ses deux sœurs et où il établit par la production de bulletins de paie avoir travaillé sans autorisation en qualité d'employé carrossier entre le 1er février et le 31 juillet 2012 et à temps partiel entre le 4 janvier et le 30 juin 2016 et le 1er août 2016 et le 30 septembre 2018. S'il verse au dossier plusieurs témoignages d'amis et de connaissances, beaucoup sont peu circonstanciés et ne permettent pas d'établir qu'il aurait noué des relations stables et intenses sur le territoire français. Ainsi, ni ces périodes d'emploi, ni ces témoignages ne sont à eux seuls de nature à justifier qu'il a fixé en France le centre de ses intérêts personnels et professionnels. S'il se prévaut de la présence de ses deux sœurs sur le territoire français, il est constant que ces dernières ont constitué leur propre cellule familiale et que la présence du requérant à leur côté n'est pas indispensable, les intéressés ayant vécu séparément pendant plus de quatorze ans. Célibataire et sans enfant, M. B... n'est pas dépourvu d'attaches familiale au Maroc où il a vécu près de 26 ans et où demeurent toujours sa mère et les autres membres de sa fratrie. Dans ses conditions, la préfète du Bas-Rhin n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels la décision contestée a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

4. Aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' (...) ". Aux termes du premier paragraphe de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2.".

5. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.

6. Si M. B... justifie de sa présence en France depuis 2012, il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français et n'a sollicité sa régularisation qu'à compter d'avril 2018. Son activité professionnelle, au demeurant non autorisée en 2012 et entre 2016 et 2018, ne permet pas à elle seule de justifier d'une réelle intégration au sein de la société française alors qu'il est démuni de ressources à la date de la décision contestée et ne dispose pas d'un logement autonome. De plus, ainsi qu'il a été dit au point 3, célibataire et sans enfant, il n'est pas dépourvu d'attache dans son pays d'origine. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Bas-Rhin aurait entaché da décision portant refus de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

7. Enfin il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.

La rapporteure,

Signé : C. MosserLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 22NC02048


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02048
Date de la décision : 22/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : SULTAN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-06-22;22nc02048 ?
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