Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Commission de protection des eaux de Franche-Comté a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 18 février 2019 par lequel le préfet de la Haute-Saône a décidé de ne pas s'opposer à la déclaration de M. A... concernant un projet de drainage agricole sur une surface de 14,10 hectares situé sur le territoire de la commune de Quers et lui a imposé des prescriptions particulières en application de l'article L. 214-3 du code de l'environnement.
Par un jugement n° 1901170 du 6 avril 2021, le tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 18 février 2019 du préfet de la Haute-Saône et a enjoint à ce préfet de mettre en demeure M. A... de régulariser sa situation en déposant un dossier de déclaration au titre notamment de la rubrique 2.1.5.0 de la nomenclature figurant en annexe de l'article R. 214-1 du code de l'environnement.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 7 juin 2021 sous le n° 21NC01667, l'association Commission de protection des eaux de Franche-Comté, représentée par Me Dufour, doit être regardée comme demandant à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon en tant qu'il se borne à enjoindre au préfet de la Haute-Saône de mettre en demeure M. A... de déposer un dossier de déclaration ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 février 2019 du préfet de la Haute-Saône ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Haute-Saône de mettre en demeure, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, M. A... de régulariser sa situation soit en déposant dans un délai de trois mois un dossier de demande d'autorisation environnementale requis au titre de l'article L. 181-18 du code de l'environnement et de fixer les prescriptions indispensables à la préservation des intérêts protégés aux articles L. 211-1 et suivants du code de l'environnement, ainsi qu'aux articles L. 214-3, L. 212-1 et L. 414-4 du même code, soit de présenter un dossier exposant les modalités envisagées pour la remise en état des lieux ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a intérêt à agir à agir ;
- la substitution de la rubrique 2.1.5.0 à la rubrique 2.2.1.0 de la nomenclature figurant en annexe de l'article R. 214-1 du code de l'environnement n'était possible que pour soumettre le projet à un régime plus contraignant, soit celui de l'autorisation ; les premiers juges ne pouvaient procéder à une telle substruction en retenant uniquement la nécessité de présenter une déclaration au titre de la rubrique 2.1.5.0 ;
- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure dès lors que le projet en litige devait faire l'objet d'une évaluation environnementale au regard des exigences de l'article L. 122-1 du code de l'environnement et de l'article R. 122-2 du même code ; cette évaluation doit être réalisée dans le respect des exigences de l'article L. 122-1 du code de l'environnement ;
- il est entaché d'un vice de procédure dès lors que le projet n'a pas fait l'objet d'une évaluation de ses incidences sur le site Nature 2000 de la Vallée de la Lanterne en méconnaissance des exigences de l'article L. 414-4 du code de l'environnement ;
- il méconnaît les dispositions de l'article R. 214-42 du code de l'environnement, qui imposaient d'apprécier l'impact cumulé des travaux réalisés par M. A... en 2014, ainsi que ceux effectués en 2019 ;
- la prise en compte de l'impact cumulé des deux opérations de drainage réalisées par M. A... imposait à l'exploitant de présenter une déclaration au titre de la rubrique 3.3.2.0 de la nomenclature figurant à l'annexe de l'article R. 214-1 du code de l'environnement ;
- la prise en compte de l'impact cumulé des deux opérations de drainage réalisées par M. A... imposait également à l'exploitant de présenter une autorisation au titre des rubriques 2.2.1.0 et 3.3.1.0 de la nomenclature figurant à l'annexe de l'article R. 214-1 du code de l'environnement ;
- la rubrique 2.1.5.0. de la nomenclature figurant à l'annexe de l'article R. 214-1 du code de l'environnement s'applique aux eaux rejetées après drainage ; eu égard à l'importance des rejets du projet de M. A..., l'obtention d'une autorisation au titre de cette rubrique était nécessaire ;
-l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'environnement ;
- il est entaché d'un détournement de procédure et d'un détournement de pouvoir.
La requête a été communiquée à la ministre de la transition écologique, ainsi qu'à M. A..., qui n'ont pas produit de mémoire.
II. Par une requête, enregistrée le 7 juin 2021 sous le n° 21NC01669, et des mémoires, enregistrés le 2 août 2021, le 7 mars 2023 et le 21 mars 2023, la ministre de la transition écologique demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 6 avril 2021 ;
2°) de rejeter les demandes de l'association Commission de protection des eaux de Franche-Comté.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la rubrique 2.1.5.0. de la nomenclature figurant à l'annexe de l'article R. 214-1 du code de l'environnement ne s'applique pas aux eaux rejetées après drainage, de sorte que le projet de M. A... n'avait pas à faire l'objet d'une déclaration au titre de la rubrique 2.1.5.0 ;
- s'agissant d'un projet de drainage dans un milieu non imperméabilisé, seule la rubrique 2.2.1.0 de la nomenclature précitée devait s'appliquer ;
- les moyens soulevés en première instance et en appel par l'association Commission de protection des eaux de Franche-Comté, dont la cour sera saisie après annulation du jugement, ne sont pas fondés.
Par des mémoires, enregistrés le 24 janvier 2022 et le 13 mars 2023, l'association Commission de protection des eaux de Franche-Comté, représentée par Me Dufour, demande à la cour de rejeter la requête de la ministre de la transition écologique et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la rubrique 2.1.5.0 de la nomenclature figurant à l'annexe de l'article R. 214-1 du code de l'environnement s'applique aux eaux rejetées après drainage ; eu égard à l'importance des rejets du projet de M. A..., l'obtention d'une autorisation était nécessaire ;
- la substitution de la rubrique 2.1.5.0 à la rubrique 2.2.1.0 de la nomenclature précitée n'était possible que pour soumettre le projet à un régime plus contraignant, soit celui de l'autorisation ; les premiers juges ne pouvaient procéder à une telle substruction en retenant uniquement la nécessité de présenter une déclaration au titre de la rubrique 2.1.5.0 ;
- il doit être pris en compte l'impact du présent projet de M. A... avec les travaux de drainage qu'il a déjà réalisés en 2014 pour apprécier l'importance des rejets au sens de la rubrique 2.2.1.0 de la nomenclature précitée ; le rejet maximum théorique des deux opérations de drainage réalisées par M. A... imposait à l'exploitant de présenter une autorisation au titre de la rubrique 2.2.1.0 dans sa version antérieure au décret n°2020-828 du 30 juin 2020, seule applicable à l'espèce ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation en n'évaluant pas l'impact ou les conséquences négatives des rejets des installations de M. A... sur le ruisseau du Bauvier ;
- les rubriques 2.2.1.0 et 2.1.5.0 de la nomenclature précitée ne peuvent s'appliquer simultanément et il y avait lieu d'appliquer prioritairement les exigences de la rubrique 2.2.1.0 ;
- le projet en cause, qui porte mise en eau, assèchement et remblaiement de zones humides, relève également du régime de l'autorisation au titre de la rubrique 3.3.1.0 de la nomenclature figurant à l'annexe de l'article R. 214-1 du code de l'environnement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marchal,
- et les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 24 janvier 2019, M. A... a présenté une déclaration pour la réalisation d'un réseau de drainage agricole sur des parcelles d'une superficie de 17 hectares situées sur le territoire de la commune de Quers. Par un arrêté du 18 février 2019, le préfet de la Haute-Saône a décidé de ne pas s'opposer à la déclaration de M. A... en tant qu'elle concerne un projet de drainage sur des parcelles d'une superficie de 14,10 hectares dans la commune de Quers et lui a imposé des prescriptions particulières en application de l'article L. 214-3 du code de l'environnement. L'association Commission de protection des eaux de Franche-Comté a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler ce jugement et d'enjoindre au préfet de la Haute-Saône de mettre en demeure M. A... de régulariser sa situation en présentant soit une demande d'autorisation pour ces travaux, soit une demande de remise en état du site. Par un jugement du 6 avril 2021, le tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 18 février 2019 du préfet de la Haute-Saône et a enjoint à ce préfet de mettre en demeure M. A... de régulariser sa situation en déposant un dossier de déclaration au titre notamment de la rubrique 2.1.5.0 de la nomenclature figurant en annexe de l'article R. 214-1 du code de l'environnement. Par une première requête, enregistrée sous le n° 21NC01667, l'association Commission de protection des eaux de Franche-Comté doit être regardée comme faisant appel de ce jugement en tant qu'il a uniquement enjoint au préfet de mettre en demeure l'exploitant de présenter un dossier de déclaration. Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 21NC01669, la ministre de la transition écologique demande l'annulation de ce jugement et le rejet des demandes de l'association. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes dirigées contre le même jugement.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article R. 214-1 du code de l'environnement : " La nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 figure au tableau annexé au présent article ". Le tableau annexé à cet article R. 214-1 présente notamment les rubriques : " 2.1.5.0. Rejet d'eaux pluviales dans les eaux douces superficielles ou sur le sol ou dans le sous-sol, la surface totale du projet, augmentée de la surface correspondant à la partie du bassin naturel dont les écoulements sont interceptés par le projet, étant : / 1° Supérieure ou égale à 20 ha (A) ; / 2° Supérieure à 1 ha mais inférieure à 20 ha (D). (...) / 2.2.1.0. Rejet dans les eaux douces superficielles susceptible de modifier le régime des eaux, à l'exclusion des rejets visés à la rubrique 2.1.5.0 ainsi que des rejets des ouvrages visés aux rubriques 2.1.1.0 et 2.1.2.0, la capacité totale de rejet de l'ouvrage étant : / 1° Supérieure ou égale à 10 000 m3/ j ou à 25 % du débit moyen interannuel du cours d'eau (A) ; / 2° Supérieure à 2 000 m3/ j ou à 5 % du débit moyen interannuel du cours d'eau mais inférieure à 10 000 m3/ j et à 25 % du débit moyen interannuel du cours d'eau (D) (...) 3.3.2.0. Réalisation de réseaux de drainage permettant le drainage d'une superficie : / 1° Supérieure ou égale à 100 ha (A) ; 2° Supérieure à 20 ha mais inférieure à 100 ha (D) ".
3. Il résulte de ce qui précède que la rubrique 2.1.5.0 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement s'applique aux projets impliquant un rejet d'eau pluviale, soit une eau captée avant son infiltration dans le sol puis rejetée. Ainsi, les réseaux de drainage souterrains, qui ont pour objet de capter des eaux s'étant déjà infiltrées dans le sol avant de les rejeter, ne peuvent se voir appliquer la rubrique précitée. En revanche, dès lors que la rubrique 2.1.5.0 n'est pas applicable à ces réseaux, ces derniers peuvent être concernés, selon l'importance de la capacité totale de rejet de l'ouvrage drainant projeté, par la catégorie 2.2.1.0. de la nomenclature. Par suite, les opérations litigieuses tendant à la mise en place d'un drainage souterrain ne pouvaient être soumises à déclaration ou à autorisation au titre de la rubrique 2.1.5.0 de la nomenclature précitée et le préfet de la Haute-Saône n'a pas méconnu les dispositions de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement en retenant que les travaux en litige pouvaient être soumis à déclaration au titre de la rubrique 2.2.1.0. de la nomenclature.
4. Il résulte de ce qui précède que la ministre de la transition écologique est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 18 février 2019 du préfet de la Haute-Saône au motif qu'il donnait acte de la déclaration de M. A... au titre de la rubrique 2.2.1.0 de la nomenclature précitée alors qu'il ne devait être appliqué que la rubrique 2.1.5.0. de cette nomenclature. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'association Commission de protection des eaux de Franche-Comté.
Sur les autres moyens soulevés par l'association Commission de protection des eaux de Franche-Comté :
5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 214-42 du code de l'environnement : " Si plusieurs ouvrages, installations, catégories de travaux ou d'activités doivent être réalisés par la même personne sur le même site, une seule demande d'autorisation ou une seule déclaration peut être présentée pour l'ensemble de ces installations. / Il en est obligatoirement ainsi lorsque les ouvrages, installations, travaux ou activités dépendent de la même personne, de la même exploitation ou du même établissement et concernent le même milieu aquatique, si leur ensemble dépasse le seuil fixé par la nomenclature des opérations ou activités soumises à autorisation ou à déclaration, alors même que, pris individuellement, ils sont en dessous du seuil prévu par la nomenclature, que leur réalisation soit simultanée ou successive. (...) ". Il résulte de ces dispositions que pour déterminer si des installations, ouvrages, travaux ou activités sont soumis à déclaration ou à autorisation, au regard de la nomenclature prévue à l'article R. 214-1 du code de l'environnement et des seuils qu'elle définit, doivent être pris en compte les projets dont la réalisation est simultanée ou, le cas échéant, successive formant ensemble une seule et même opération, ce qui est le cas lorsque ces projets dépendent de la même personne, exploitation ou établissement et concernent le même milieu aquatique. A la suite de la modification de cet article par le décret n°2017-81 du 26 janvier 2017, cette obligation concerne tant les projets nouveaux envisagés à la date du dépôt de la demande que ceux déjà réalisés, qu'ils aient été ou non autorisés.
6. Il résulte de l'instruction que M. A... a, en 2014, réalisé irrégulièrement un premier réseau de drainage sur des parcelles ayant une superficie de 12,85 hectares qu'il exploite sur le territoire de la commune de Dambenoît-lès-Colombe. Les parcelles drainées sont situées dans le bassin versant du Bauvier et l'eau captée par cet ouvrage est rejetée dans le ruisseau du Bauvier. Or les travaux litigieux ont pour objet de drainer des parcelles dont il n'est pas contesté qu'elles sont majoritairement situées dans le même bassin versant, et de rejeter les eaux ainsi captées dans le ruisseau du Bauvier. Ces deux réseaux de drainage impactent donc le même milieu aquatique. Ils ont, de plus, été réalisés par la même personne sur des parcelles rapprochées et avaient comme finalité commune de faciliter l'exploitation agricole des terres de M. A.... Elles doivent dès lors être appréciées comme formant une seule et même opération au sens de l'article R. 214-42 du code de l'environnement. Le préfet devait ainsi prendre en compte non seulement le nouveau projet de drainage de M. A..., mais également les opérations réalisées en 2014 pour déterminer si les travaux en litige étaient soumis à déclaration ou à autorisation au regard de la nomenclature prévue à l'article R. 214-1 du code de l'environnement et des seuils qu'elle définit. Il résulte toutefois de l'instruction et notamment des écritures de première instance du préfet qu'il n'a pas pris en compte le drainage réalisé en 2014 par M. A... pour apprécier si le projet était soumis à déclaration ou à autorisation au titre de la nomenclature préalablement mentionnée. L'arrêté méconnaît ainsi les dispositions de l'article R. 214-42 du code de l'environnement.
7. En deuxième lieu, aux termes des dispositions citées au point 2 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement, la réalisation de réseaux de drainage permettant un drainage d'une superficie supérieure à 20 ha, mais inférieure à 100 ha est soumise à déclaration au titre de la rubrique 3.3.2.0 de cette nomenclature.
8. Ainsi qu'il a été précisé au point 6 du présent arrêt, il revenait au préfet de déterminer si le réseau de drainage en litige est soumis à déclaration ou à autorisation, au regard de la nomenclature prévue à l'article R. 214-1 du code de l'environnement et des seuils qu'elle définit, en prenant en compte non seulement l'ouvrage visé par l'arrêté, mais également le réseau de drainage réalisé en 2014 par M. A.... Or il résulte de l'instruction que le réseau réalisé en 2014 permet un drainage d'une superficie de 12,85 hectares, de sorte qu'en prenant en compte les 14,10 hectares du réseau en litige, l'opération contestée devait être soumise à déclaration au titre de la rubrique 3.3.2.0 de la nomenclature précitée. Le moyen doit par suite être retenu.
9. En troisième lieu, d'une part, aux termes du I de l'article L. 211-1 du code de l'environnement : " Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : / 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire, ou dont la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année ; (...) ". D'autre part, le tableau annexé à l'article R. 214-1 du code de l'environnement présente notamment la rubrique 3.3.1.0. : " Assèchement, mise en eau, imperméabilisation, remblais de zones humides ou de marais, la zone asséchée ou mise en eau étant : / 1° Supérieure ou égale à 1 ha (A) ; 2° Supérieure à 0,1 ha, mais inférieure à 1 ha (D). "
10. L'arrêté en litige prescrit la réalisation d'une zone tampon humide artificielle (ZTHA) d'une surface de 1 680 m² sur la parcelle A 456 de la commune de Quers. Cette zone tampon, qui est située à proximité immédiate du ruisseau du Bauvier, doit permettre non seulement d'intercepter et d'atténuer les transferts des contaminants vers le cours d'eau, mais aussi de ralentir le débit des rejets. Elle est constituée d'un fossé rectangulaire visant à accueillir les eaux drainées par l'ouvrage litigieux avant qu'elles soient rejetées dans le ruisseau du Bauvier et aboutit ainsi à la présence d'une couche d'eau importante sur la parcelle et cela, ainsi qu'en témoignent les prises de vue jointes au dossier, même au mois de juin. La création de cette zone risque ainsi d'engendrer une disparition des caractéristiques de cette parcelle et doit être regardée comme procédant à une mise en eau de cette dernière. Or il résulte de l'instruction que la zone tampon est située des prairies humides qui sont identifiées par une carte établie par les services de la DREAL de Franche-Comté le 28 février 2013 comme une zone humide. Si la ministre et le préfet soutiennent que cette carte est purement informative et qu'elle n'aurait pas été établie selon les critères légaux de reconnaissance de zones humides, ils n'apportent aucune précision quant aux critères pris en compte pour la réaliser. Le directeur régional de cette DREAL a d'ailleurs, dans un avis du 30 octobre 2019, également souligné que l'ensemble du projet apparaît être en zone inondable. De surcroît, l'association Commission de protection des eaux de Franche-Comté verse également une carte établie par l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), qui situe la quasi-intégralité de la ZTHA dans un cours d'eau temporaire et confirme ainsi le caractère inondé de la parcelle pendant au moins une partie de l'année. Enfin, les différentes photographies produites par les parties et réalisées à des périodes différentes de l'année témoignent que les parcelles accueillant désormais la ZTHA et notamment sa partie nord présentaient un sol imprégné d'eau. Eu égard à l'ensemble de ces éléments et quand bien même la frange nord de la ZTHA n'accueillerait pas majoritairement des plantes hygrophiles, la ZTHA doit être regardée comme située en zone humide. Il s'ensuit que la création de cette zone tampon aboutit à la mise en eau d'une superficie de 1 680 m² de zone humide. Dès lors que le projet conduit également à l'asséchement de 0,84 hectare de zones humides, le projet aboutit ainsi à impacter, soit par asséchement, soit par mise à l'eau, plus d'un hectare de zone humide et, contrairement à ce qu'a retenu l'arrêté, il n'était pas soumis à déclaration au titre de la rubrique 3.3.1.0 de la nomenclature précitée, mais à autorisation au titre de cette même rubrique.
11. En quatrième lieu, il résulte des dispositions citées au point 2 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement que le rejet dans les eaux douces superficielles susceptible de modifier le régime des eaux, à l'exclusion des rejets visés à la rubrique 2.1.5.0 ainsi que des rejets des ouvrages visés aux rubriques 2.1.1.0 et 2.1.2.0, est soumis à autorisation au titre de la rubrique 2.2.1.0 dans sa version applicable à l'arrêté en litige lorsque la capacité totale de rejet de l'ouvrage est supérieure ou égale à 10 000 m3/ j ou à 25 % du débit moyen interannuel du cours d'eau.
12. Il est constant que le débit moyen interannuel du ruisseau du Bauvier est estimé au point de rejet de l'exécutoire du projet de drainage de M. A... à 75 litres par seconde. Aucun élément au dossier ne permet de considérer que le débit moyen interannuel du ruisseau du Bauvier serait différent au niveau du réseau de drainage réalisé en 2014, qui est à proximité de l'actuel projet. Il résulte de l'instruction que le nouveau projet de drainage de M. A... présente un débit maximal de 6 litres par seconde. Il convient toutefois de prendre également en compte le débit maximal du réseau de drainage réalisé en 2014, qui est, selon les indications du dossier de demande de M. A..., de 21,2 litres par seconde. Ainsi, le débit maximal des deux réseaux de drainage de l'intéressé est supérieur à plus de 25 % du débit moyen interannuel du cours d'eau, de sorte que, contrairement à ce qu'a retenu l'arrêté, les travaux de M. A... étaient soumis non à déclaration mais à autorisation au titre de la rubrique 2.2.1.0 de la nomenclature.
13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens présentés par l'association Commission de protection des eaux de Franche-Comté, que la ministre de la transition écologique n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 18 février 2019 du préfet de la Haute-Saône.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. La rubrique 2.2.1.0, dans sa version applicable à la date du présent arrêt, du tableau annexé à l'article R. 214-1 du code de l'environnement ne prévoit plus que des rejets dans les eaux douces superficielles soient soumis à autorisation et soumet à déclaration tout " Rejet dans les eaux douces superficielles susceptible de modifier le régime des eaux, à l'exclusion des rejets mentionnés à la rubrique 2.1.5.0 ainsi que des rejets des ouvrages mentionnés à la rubrique 2.1.1.0, la capacité totale de rejet de l'ouvrage étant supérieure à 2 000 m3/ j ou à 5 % du débit moyen interannuel du cours d'eau ".
15. Si, eu égard aux motifs d'annulation retenus par le présent arrêt, l'exécution de cet arrêt n'implique pas nécessairement d'enjoindre au préfet de mettre en demeure M. A... de remettre en état les lieux et de présenter un dossier à cette fin, il y a en revanche lieu, ainsi que le soutient l'association Commission de protection des eaux de Franche-Comté, d'enjoindre au préfet de la Haute-Saône de mettre en demeure, dans un délai d'un mois et sur le fondement de l'article L. 171-7 du code de l'environnement, M. A... de présenter une demande d'autorisation pour les réseaux de drainage litigieux au titre de la rubrique 3.3.1.0 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement. Eu égard aux nouvelles dispositions de la rubrique 2.2.1.0 de la nomenclature citées au point précédent, la demande de M. A... n'aura pas à porter sollicitation d'une autorisation au titre de cette rubrique 2.2.1.0, mais elle devra toutefois préciser qu'elle vaut aussi déclaration au titre des rubriques 2.2.1.0 et 3.3.2.0 de la nomenclature. Le dossier mentionnera également toute autre catégorie dans laquelle est susceptible d'être rangé le projet, en prenant en compte, pour l'appréciation des seuils des différentes rubriques, à la fois le nouveau projet de M. A... et le réseau de drainage réalisé en 2014. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
16. Il résulte de ce qui précède que l'association Commission de protection des eaux de Franche-Comté est fondée à solliciter l'annulation de l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Besançon, qui s'est borné à enjoindre au préfet de la Haute-Saône de mettre en demeure M. A... de présenter un dossier de déclaration et qui a précisé que ce dossier devrait être déposé au titre notamment de la rubrique 2.1.5.0 de la nomenclature figurant en annexe à l'article R. 214-1 du code de l'environnement.
Sur les frais liés à l'instance :
17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 1 500 euros à verser à l'association Commission protection des eaux de Franche-Comté au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Besançon du 6 avril 2021 est annulé.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Saône de mettre en demeure, dans un délai d'un mois, M. A... de présenter un dossier de demande d'autorisation pour les réseaux de drainage en litige au titre de la rubrique 3.3.1.0 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement. Ce dossier devra préciser que la demande vaut également déclaration au titre des rubriques 2.2.1.0 et 3.3.2.0 de la nomenclature précitée. Il mentionnera également toute autre rubrique de la nomenclature dans laquelle le projet est susceptible d'être rangé, en prenant en compte, pour l'appréciation des seuils des différentes rubriques, tant le nouveau projet de M. A... que le réseau de drainage réalisé en 2014.
Article 3 : L'Etat versera la somme globale de 1 500 euros à l'association Commission de protection des eaux de Franche-Comté au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Commission de protection des eaux de Franche-Comté, à M. B... A... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Saône.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- M. Meisse, premier conseiller,
- M. Marchal, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.
Le rapporteur,
Signé : S. MARCHAL
Le président,
Signé : Ch. WURTZLe greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N°s 21NC01667, 21NC01669 2