Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des majorations correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre des année 2015 et 2016.
Par un jugement n° 1902967 du 11 février 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 18 mars et 4 octobre 2021, M. et Mme A..., représentés par la S.C.P. d'avocats Bejin Camus Belot, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires et pénalités ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que les loyers non perçus par les SCI dont ils sont associés ont été ajoutés à leurs revenus fonciers dans la mesure où les abandons de loyer ne sont pas délibérés ;
- les charges relatives aux travaux de remise en état des logements doivent être portées en déduction pour les logements vacants dans la mesure où ces immeubles sont destinés à la location mais ne peuvent être loués en état ;
- la doctrine enregistrée sous la référence BOI-RFPI-BASE-20-40, paragraphe 70 et la réponse ministérielle faite à M. D..., député, le 12 mars 1990 confirment la possibilité de déduire les charges exposées pour les logements vacants ;
- les charges sont suffisamment justifiées par des tickets de caisse afférents aux immeubles gérés par les SCI et ne sauraient être réintégrées dans leurs revenus fonciers.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... relatifs au bien-fondé de l'imposition ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mosser,
- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... détiennent la totalité du capital social de cinq sociétés civiles immobilières, soumises au régime fiscal des sociétés de personnes visées à l'article 8 du code général des impôts, les SCI Ade Nath Val, Jana, Nathade, Stenata et Valentine lesquelles gèrent un ensemble de dix-sept immeubles, implantés sur les départements de l'Aisne et des Ardennes et destinés totalement ou partiellement à la location. Au titre des années 2015 et 2016, chacune de ces sociétés a fait l'objet d'un contrôle sur pièces débouchant sur des propositions de rectification adressées en 2018 qui portent sur la reprise en recettes imposables d'abandons de loyers non justifiés et la réintégration de charges non déductibles. Les rehaussements en résultant en matière d'impôt sur le revenu et de contributions au niveau du foyer fiscal de M. et Mme A... en leur qualité d'associés uniques des SCI concernées leur ont été notifiées par proposition de rectification du 22 novembre 2018 qui confirment notamment les revenus fonciers des années 2015 et 2016 à hauteur respectivement de 78 517 euros et 73 148 euros. M. et Mme A... ont présenté une réclamation préalable contre ces cotisations supplémentaires qui a fait l'objet d'une décision de rejet du 17 octobre 2019. Ils relèvent appel du jugement du 11 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.
Sur la charge de la preuve :
2. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ".
3. En vertu des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, les requérants, qui n'ont pas répondu à la proposition de rectification du 22 novembre 2018 qui leur avait été notifiée et doivent ainsi être regardés comme ayant tacitement accepté les rectifications, supportent la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions en litige, comme l'a jugé à juste titre le tribunal administratif.
Sur les abandons de loyers :
4. Aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année. ". Aux termes des dispositions de l'article 28 du même code : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété ". Aux termes de l'article 29 dudit code : " Sous réserve des dispositions des articles 33 ter et 33 quater, le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles donnés en location, est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire, augmenté du montant des dépenses incombant normalement à ce dernier et mises par les conventions à la charge des locataires. (...) ".
5. Pour l'application des dispositions de l'article 29 précité, un propriétaire n'ayant pas perçu les loyers qui lui sont dus doit être regardé, en l'absence de circonstance indépendante de sa volonté l'ayant contraint à y renoncer, comme ayant réalisé un acte de disposition constitutif d'une libéralité, dont le montant doit être compris dans ses revenus fonciers.
6. Il résulte de l'instruction que les SCI dont M. et Mme A... sont associés ont renoncé à percevoir une partie des loyers dus par les locataires résidant dans les immeubles qu'elles gèrent. Les requérants soutiennent que les immeubles concernés se situent dans des communes défavorisées et que les locataires ont des revenus très faibles et ne versent pas intégralement ou régulièrement leurs loyers. Toutefois, les documents généraux produits, à savoir le dossier statistique de la commune d'Hirson où se situe seulement une partie des immeubles loués faisant notamment état des difficultés économiques de ses habitants et une attestation de la mère de Mme A..., relatant son expérience sur les obstacles rencontrés pour percevoir les loyers, ne permettent pas à eux seuls de justifier les difficultés financières des locataires des biens en cause. En outre, les contribuables, arguant du caractère long et coûteux de telles procédures, n'ont introduit aucune démarche juridique pour obtenir le paiement des loyers ou l'expulsion des locataires en cause et se bornent à produire des courriers de relance relatifs à deux locataires. Cependant, le premier courrier est antérieur à la période en litige tandis que les deux autres courriers, l'un adressé au locataire et l'autre à la caisse d'allocations familiales ne sont ni datés et ni circonstanciés. Dans ces conditions, M. et Mme A... n'établissent ni la réalité des difficultés financières dans lesquelles se trouvaient leurs locataires, ni avoir effectivement entrepris des démarches pour obtenir le paiement des loyers non perçus. Ils n'établissent pas non plus qu'ils auraient eu un intérêt à y renoncer temporairement ou définitivement. Dès lors, c'est à juste titre que l'administration a regardé la renonciation à percevoir les loyers comme une libéralité procédant d'un acte de disposition. Par suite, les contribuables ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les loyers non perçus par les SCI dont ils sont associés ont été ajoutés à leurs revenus fonciers imposables.
Sur les charges déductibles :
En ce qui concerne les charges justifiées par des tickets de caisse :
7. Aux termes de l'article 31 du code général des impôts : " I. - Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° Pour les propriétés urbaines : a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire ; (...) ; b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) ".
8. Les dépenses mentionnées au I de l'article 31 du code général des impôts précités ne peuvent être déduites du revenu foncier brut que dans la mesure où, notamment, les charges alléguées sont dûment justifiées, se rapportent à des immeubles dont les revenus sont imposables dans la catégorie des revenus fonciers, sont effectivement supportées par le propriétaire et sont engagées en vue de l'acquisition ou de la conservation du revenu.
9. Par ailleurs, les dépenses de réparation, d'entretien ou d'amélioration doivent notamment, pour être admises en déduction, avoir été effectuées par le propriétaire, réellement payées au cours de l'année d'imposition, et qu'il appartient au contribuable de justifier de la réalité, de la consistance et, par suite, du caractère déductible de ces charges en produisant des pièces justificatives, qui sont constituées de factures, de plans, de photographies et de tous autres éléments permettant d'établir avec précision la nature, le montant et la réalité de la charge supportée.
10. En l'absence de production d'autres pièces justificatives que les seules attestations de la mère de Mme A..., établies a posteriori et pour les besoins de la cause, l'administration a pu ne pas admettre en déduction, les sommes correspondant à des factures ou des tickets de caisse, émis entre janvier 2015 et décembre 2016, ne précisant pas le nom du client ni l'immeuble auquel les dépenses se rapportent. Dans ces conditions, les contribuables n'établissent pas que les dépenses en cause sont des charges déductibles au sens de l'article 31 du code général des impôts précités.
En ce qui concerne les charges relatives aux immeubles vacants :
11. En premier lieu, aux termes de l'article 13 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu. (...).". Aux termes de l'article 14 du même code : " Sous réserve des dispositions de l'article 15, sont compris dans la catégorie des revenus fonciers, lorsqu'ils ne sont pas inclus dans les bénéfices d'une entreprise industrielle, commerciale ou artisanale, d'une exploitation agricole ou d'une profession non commerciale : 1° Les revenus des propriétés bâties, (...) ". Aux termes du II de l'article 15 de ce code : " Les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu. ". Selon l'article 28, " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété visées à l'article 31 du même code. ". Enfin aux termes de l'article 156 de ce code : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l'article 6, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent, sous déduction : / I. du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; (...) / Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation : / (...) 3° Des déficits fonciers, lesquels s'imputent exclusivement sur les revenus fonciers des dix années suivantes ; (...) "
12. Il résulte de ces dispositions combinées que pour être déductibles du revenu foncier compris dans le revenu global soumis à l'impôt sur le revenu, les charges supportées par le propriétaire d'un bien immobilier doivent se rapporter à un bien produisant des revenus entrant dans cette même catégorie et que les charges afférentes aux logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne peuvent pas venir en déduction de ce revenu foncier. La réserve de jouissance est établie, notamment, par l'accomplissement ou non de diligences ayant pour objet de donner le bien en location. Il appartient donc au propriétaire d'apporter la preuve qu'il a offert à la location pendant l'année en cause le logement resté vacant au titre duquel il demande la déduction de charges foncières, et qu'il a pris toutes les dispositions nécessaires pour le louer.
13. M. et Mme A... versent au dossier des photographies qui établiraient la nécessité de procéder à une remise en état des appartements libérés par les locataires et qui seraient de ce fait vacants le temps des travaux mais demeureraient destinés à la location. Toutefois, l'administration fait valoir sans être contestée que seule la taxe foncière afférente aux immeubles non loués n'a pas été admise en déduction par le service en raison de la vacance des logements. Pour la SCI Nathade, il s'agit de la taxe foncière de l'immeuble situé 40 rue Georges Clémenceau à Hirson, vacant en 2015 et des deux appartements vacants sis 32 rue de la République, St Michel, vacants en 2015 et 2016 et pour la SCI Stenata, la taxe foncière de l'immeuble sis 40 rue Joubert Philips à Hirson, vacant en 2015 et 2016. Concernant ces appartements, les contribuables n'ont versé au dossier que des photographies qui seraient relatives à l'un des appartements sis 32 rue de la République à St Michel. Toutefois, ces photographies, non datées, ne permettent pas de justifier à elles seules que le logement n'était pas en état d'être loué. En outre, si la mère de Mme A... atteste, plusieurs années après la période en litige, que les photographies auraient été prises le 16 mai 2016 après libération des lieux et après travaux de remise en état, il résulte de l'instruction que le logement était vacant en 2015 et 2016 ce qui ne correspond pas aux faits décrits dans l'attestation. Dans ces conditions, M. et Mme A... ne sont pas fondés à demander la déduction des impositions relatives à ces logements demeurés vacants.
14. En second lieu, d'une part, à supposer même que la doctrine administrative à laquelle les requérants font allusion donne une interprétation différente de la loi fiscale dont il est fait application dans la présente décision, M. et Mme A... ne sauraient se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative référencée BOI-RFPI-BASE-20-40-20120912, § 70, qui admet que les dépenses locatives définitivement supportées par le propriétaire pendant la période de vacance d'un bien destiné à la location sont déductibles dès lors que les contribuables, ainsi qu'il a été dit, n'établissent pas que les logements laissés vacants étaient destinés à la location sur la période en litige. D'autre part, M. et Mme A... ne sauraient pas davantage se prévaloir de la réponse ministérielle faite à M. D..., député, le 12 mars 1990, qui ne concerne pas la situation des contribuables dès lors qu'elle traite uniquement de la déduction des intérêts d'emprunt contractés pour acquérir ou construire un immeuble donné en location même si cette habitation a été antérieurement occupée par le propriétaire.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande. Par suite, leurs conclusions aux fins de décharge doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Mosser, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.
La rapporteure,
Signé : C. MosserLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 21NC00814