Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a ordonné son transfert aux autorités bulgares.
Par un jugement n° 2300982 du 28 février 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 27 mars et le 20 septembre 2023, M. B..., représenté par Me Le Guennec-Schmitt, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 février 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2023 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et de lui remettre les formulaires pour la demande d'asile dans un délai de dix jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté de transfert est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen sérieux en l'absence de prise en compte de la situation personnelle du requérant ;
- il est entaché d'une erreur de droit et d'appréciation eu égard au risque d'être soumis à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à l'article 17 du règlement (UE) n° 604-2013 dans la mesure où il démontre l'existence d'un motif humanitaire justifiant son maintien sur le territoire français pour l'examen de sa demande d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 juillet 2023, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- à titre principal, la requête d'appel est irrecevable en l'absence d'éléments nouveaux ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Mosser a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant afghan, est arrivé irrégulièrement en France à la fin de l'année 2022 et a présenté une demande d'asile auprès du guichet unique de la préfecture le 6 décembre 2022. La consultation du fichier Eurodac a fait ressortir que l'intéressé a préalablement été identifié en Bulgarie. Le 9 décembre 2022, la préfète a saisi les autorités bulgares d'une demande de reprise en charge, lesquelles ont donné leur accord le 20 décembre suivant en application du b) du 1. de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013. Par un arrêté du 13 janvier 2023, la préfète du Bas-Rhin a ordonné son transfert aux autorités bulgares. M. B... relève appel du jugement du 28 février 2023 par lequel le magistrat désigné par le président tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, l'arrêté en litige comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Ainsi, la préfète du Bas-Rhin qui n'avait pas à viser toutes les circonstances de fait de la situation de M. B..., a cité les éléments pertinents dont elle avait connaissance et qui fondent sa décision à savoir qu'après consultation du fichier Eurodac, il ressort que l'intéressé a sollicité l'asile auprès des autorités bulgares qui ont accepté de le reprendre en charge. Elle ajoute que les éléments de fait, notamment les douleurs et démangeaisons dont se plaint le requérant, ne sont pas de nature à justifier une dérogation au transfert en application des articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ". Par ailleurs, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
4. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire.
5. M. B... soutient que son transfert vers la Bulgarie l'expose à un risque de subir des traitements inhumains et dégradants en raison des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile qui existent dans ce pays. S'il se prévaut d'un rapport de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés relatif aux violences policières en Bulgarie et en Croatie du 13 septembre 2022, du rapport 2022 de l'organisation non gouvernementale Amnesty international relatif à la Bulgarie, du rapport annuel 2022 du comité contre la torture du Conseil de l'Europe faisant état de mauvais traitement infligés aux migrants aux frontières des Etats membres du Conseil de l'Europe et d'un article publié le 8 juillet 2022 dans le journal le Monde faisant état de détention de migrants dans des lieux non répertoriés à la frontière bulgare, ces éléments généraux ne sont pas de nature à établir qu'il existerait, à la date de l'arrêté en litige, des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Bulgarie, entraînant un risque de traitement inhumain ou dégradant dans ce pays, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, M. A... soutient qu'il risquerait d'être personnellement exposé à de tels traitements en cas de transfert en Bulgarie dans la mesure où lors de son passage en Bulgarie, il aurait fait l'objet de violences lors de son séjour. S'il se prévaut à cet égard d'une photographie de ses blessures et d'une prescription médicale réalisée en France, ni la photographie qui n'est ni datée, ni circonstanciée, ni la prescription d'un antidouleur n'est de nature à démontrer les violences dont il aurait fait l'objet alors qu'il n'a fait état d'aucune blessure ou crainte lors de l'entretien individuel dont il a bénéficié le 6 décembre 2022. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige serait contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation doivent être écartés.
6. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, et alors qu'il vient d'être dit que le risque de subir des traitements inhumains et dégradants n'est pas établi, que la préfète du Bas-Rhin aurait entaché son arrêté d'un défaut d'examen sérieux de la situation du requérant en décidant de son transfert aux autorités bulgares.
7. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". La mise en œuvre par les autorités françaises de l'article 17 doit être assurée à la lumière des exigences définies par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, aux termes duquel : " les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ". Aux termes de l'article L. 571-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 précité, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
8. Ainsi qu'il a été exposé au point 5, le requérant n'établit pas que sa demande d'asile, enregistrée par les autorités bulgares, ne sera pas examinée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, ni que les autorités bulgares le renverront en Afghanistan sans réel examen des risques auxquels il y serait exposé. Par suite, et alors que le requérant en se bornant à faire état du conflit existant en Afghanistan et de son parcours migratoire n'établit pas l'existence de circonstance particulière susceptible de déroger au critère de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, la préfète du Bas-Rhin n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013. Ce moyen doit ainsi être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir présentée par la préfète du Bas-Rhin que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en annulation. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Le Guennec-Schmitt.
Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 15 février 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Mosser, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2024.
La rapporteure,
Signé : C. MosserLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 23NC00955