Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler l'arrêté du 17 février 2022 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire, et à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour.
Par un jugement n° 2203150 du 24 mai 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg, après avoir renvoyé devant une formation collégiale les conclusions aux fins d'annulation de la décision par laquelle le préfet du Haut-Rhin a refusé de délivrer un titre de séjour à M. C... ainsi que les conclusions accessoires dont elles étaient assorties, a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 mars 2023, M. C..., représenté par Me Boukara, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 mai 2022 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 février 2022 du préfet du Haut-Rhin en tant que celui-ci lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, durant cette attente, et sous un délai de huit jours, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros HT, soit 2 400 TTC, à verser à son conseil, en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
-la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas été précédée de la procédure contradictoire en application du principe général du droit de l'union ; le préfet ayant pris l'initiative de lui refuser un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il aurait alors dû le mettre en mesure de faire valoir ses observations ;
-la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie d'exception en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- la décision portant refus de titre de séjour qui lui a refusé le séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas respecté la procédure contradictoire telle que prévue à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
-il remplit les conditions pour se voir attribuer un titre de séjour de plein droit sur le fondement de l'article L. 423-23 précité ;
-il souffre d'une pathologie cardiovasculaire ;
-la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
-elle est entachée d'une insuffisance d'examen ;
-la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une insuffisance d'examen, d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés ;
- l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rendu un avis le 2 janvier 2023 selon lequel si l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait toutefois pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
- il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé quant à sa vie privée et familiale dans la mesure où le retour de M. C... dans son pays d'origine pour l'obtention d'un visa long séjour ne générerait qu'une séparation temporaire avec son épouse française.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 6 février 2023, rectifiée le 17 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant marocain né le 23 décembre 1986, entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations le 1er juin 2016, a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 27 juillet 2020, à l'exécution de laquelle il s'est soustrait. Le 14 décembre 2021, il a présenté une demande de titre de séjour en faisant valoir son mariage célébré le 3 octobre 2020 avec une ressortissante française. Par un arrêté du 17 février 2022, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un arrêté préfectoral du 10 mai 2022, M. C... a été assigné à résidence. Par un jugement n° 2203150 du 24 mai 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg, après avoir renvoyé devant une formation collégiale les conclusions aux fins d'annulation de la décision portant refus de titre de séjour, a rejeté les conclusions de M. C... tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. M. C... relève appel de ce jugement qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français du 17 février 2022 :
En ce qui concerne l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ".
3. Si, dans le cadre de l'examen de la demande présentée par M. C... tendant à la délivrance d'un titre de séjour en sa qualité de conjoint de ressortissante Française, le préfet a examiné d'office s'il n'y avait pas lieu de lui délivrer un titre de séjour sur un autre fondement, cette circonstance n'impliquait pas qu'au préalable, le préfet recueille ses observations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 précitées doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". Et selon l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Enfin, l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories (...) qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré en France le 1er juin 2016, démuni de visa. S'il se prévaut de son mariage le 3 octobre 2020 avec Mme B..., ressortissante française avec laquelle il indique être en couple depuis août 2018, son mariage est récent et le couple n'a pas d'enfant. Les différentes pièces produites par le requérant ne sont pas de nature à démontrer une ancienneté de sa relation avec Mme B..., les éléments les plus anciens consistant en des photographies du couple de fin 2019. S'il fait valoir la présence régulière en France de trois de ses sœurs, il n'apporte aucun élément démontrant l'intensité des liens qu'il entretiendrait avec celles-ci. Par ailleurs, en produisant plusieurs contrats de vendangeur et une promesse d'embauche en qualité de peintre en bâtiment du 14 mai 2022, il ne démontre pas une capacité particulière d'insertion professionnelle en France. S'agissant de son état de santé, il ne démontre pas ne pas être en mesure de se faire soigner dans son pays d'origine, ni qu'il aurait besoin de son épouse à ses côtés pour l'assister de manière quotidienne. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait démuni d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans et dans lequel réside sa mère. Dans ces circonstances, et alors que le requérant ne démontre pas ne pas être en mesure de retourner dans son pays d'origine afin d'obtenir un visa long séjour, la décision portant refus de titre de séjour n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise. Par suite, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celui de l'erreur manifeste d'appréciation de la décision sur sa situation personnelle doivent être écartés.
6. En troisième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté préfectoral, qui mentionne de façon circonstanciée les éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de M. C..., que le préfet du Haut-Rhin a procédé à un examen attentif et particulier de la situation personnelle de l'intéressé.
En ce qui concerne les autres moyens :
7. En premier lieu, faute d'établir l'illégalité de la décision portant refus de séjour prise à son encontre, M. C... ne peut utilement en exciper à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ".
9. Il résulte de la jurisprudence de la cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, le droit d'être entendu n'implique pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu à l'occasion de l'examen de sa demande d'asile ou de sa demande de titre de séjour.
10. En l'espèce, M. C... qui ne pouvait raisonnablement ignorer qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, il était susceptible de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, a pu présenter, dans le cadre de l'instruction sa demande, ses observations écrites ou orales. Il n'établit pas, ni même n'allègue avoir sollicité en vain un entretien avec les services de la préfecture. En outre, il ne précise pas en quoi il disposait d'informations pertinentes tenant à sa situation personnelle qu'il a été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la mesure d'éloignement qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à la décision l'obligeant à quitter le territoire français. Par suite, et quand bien même le préfet du Haut-Rhin a examiné d'office s'il pouvait prétendre à un titre de séjour sur un autre fondement que celui sollicité, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.
11. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être exposés au point 5 du présent arrêt, l'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, ni d'une insuffisance d'examen.
12. ll résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, la requête de l'intéressé doit être rejetée en toutes ses conclusions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Boukara.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin .
Délibéré après l'audience du 16 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Agnel, président,
- M. Barteaux, premier conseiller,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2024
La rapporteure,
Signé : S. RoussauxLe président,
Signé : M. Agnel
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 23NC00782