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16/05/2024 | FRANCE | N°23NC02049

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 16 mai 2024, 23NC02049


Vu les procédures suivantes :



Procédure contentieuse antérieure :



M. F... C... et Mme B... E..., épouse C..., ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg, chacun en ce qui le concerne, d'annuler les arrêtés du 1er juin 2022 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éloignement.



Par deux jugements nos 2207725 et 2207726 du 31 janvier 2023,

le tribunal administratif de Strasbourg a respectivement rejeté leur demande.













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Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... et Mme B... E..., épouse C..., ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg, chacun en ce qui le concerne, d'annuler les arrêtés du 1er juin 2022 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éloignement.

Par deux jugements nos 2207725 et 2207726 du 31 janvier 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a respectivement rejeté leur demande.

Procédures devant la cour :

I) Par une requête enregistrée sous le n° 23NC02049, le 26 juin 2023, M. C..., représenté par Me Burkatzki, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2207725 du 31 janvier 2023 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er juin 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard et dans l'attente, de lui délivrer l'autorisation provisoire de séjour prévue par l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de huit jours, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement, qui ne comporte aucune signature, ne comprend pas les mentions requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le principe du contradictoire énoncé à l'article L. 5 du code de justice administrative a été méconnu en ce qu'il n'a pas disposé du temps nécessaire pour répondre aux éléments nouveaux produits par le préfet ;

- le jugement est insuffisamment motivé ; alors qu'il avait soulevé devant le tribunal administratif les moyens tirés du caractère irrégulier de la procédure et de la méconnaissance des dispositions de l'article L.611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car la préfète n'avait pas statué dans le dispositif de son arrêt sur sa demande d'admission au séjour au titre de son état de santé, dont la dernière en date était le 12 mars 2021, mais uniquement sur sa demande d'admission exceptionnelle au séjour sollicitée le 27 septembre 2019, les premiers juges se bornent, sans qu'aucune démonstration ne soit faite, à affirmer que l'arrêté litigieux porterait également refus de titre de séjour au titre de la santé ;

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur de fait et d'une erreur de droit en estimant que l'arrêté litigieux portait également rejet de sa demande de titre de séjour fondée sur son état de santé et en écartant les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L.423- 23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article L.435-1 du même code, de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste commise par la préfète du Bas-Rhin dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté attaqué sur sa situation personnelle ;

- l'arrêté préfectoral litigieux est entaché d'un vice de procédure dans la mesure où, dans son arrêté, la préfète ne se prononce pas sur la demande d'admission au séjour qu'il a présentée au titre de son état de santé mais uniquement sur celle sollicitée le 27 septembre 2019 et correspondant à sa demande complémentaire formulée sur le fondement des articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicables ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la préfète n'a pas statué sur sa demande d'admission au séjour au titre de son état de santé ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code précité ;

-c'est à tort que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé dans ses deux derniers avis qu'il pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Géorgie ; le tercian ou son principe actif ne sont pas disponibles sur le marché pharmaceutique géorgien ;

-il ne sera pas en mesure de supporter les frais médicaux liés à sa prise en charge en Géorgie car sa pathologie psychiatrique l'empêche de travailler ;

-il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code précité et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- c'est à tort que l'administration a estimé qu'il ne pouvait pas se prévaloir de la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code précité ;

- il est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

La préfète du Bas-Rhin, à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.

II) Par une requête enregistrée sous le n° 23NC02050, le 26 juin 2023, Mme C..., représentée par Me Burkatzki, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2207726, du 31 janvier 2023 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er juin 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard et dans l'attente, de lui délivrer l'autorisation provisoire de séjour prévue par l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de huit jours, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement, qui ne comporte aucune signature, ne comprend pas les mentions requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le principe du contradictoire énoncé à l'article L. 5 du code de justice administrative a été méconnu en ce qu'elle n'a pas disposé du temps nécessaire pour répondre aux éléments nouveaux produits par le préfet ;

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur de fait et d'une erreur de droit en écartant les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L.423- 23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article L.435-1 du même code, des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et de l'erreur manifeste commise par la préfète du Bas-Rhin dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté attaqué sur sa situation personnelle ;

-l'arrêté préfectoral litigieux méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- c'est à tort que l'administration a estimé qu'elle ne pouvait pas se prévaloir de la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code précité ;

- il est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

La préfète du Bas-Rhin, à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.

M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, chacun en ce qui le concerne, par deux décisions du 22 mai 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant géorgien, né le 2 octobre 1980 est entré en France le 18 décembre 2014, accompagné de son épouse, Mme C..., également ressortissante géorgienne née le 7 mai 1976, et de leur enfant. Ils ont sollicité la reconnaissance du statut de réfugié le 12 février 2015. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 15 décembre 2015 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 27 septembre 2016. Le 18 novembre 2016, M. C... a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11, alors applicable, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en faisant valoir son état de santé. Le 25 septembre 2019, il a sollicité, à titre complémentaire, son admission au séjour sur le fondement des articles L. 313-11-7° et L. 313-14, alors applicables, du même code. Mme C... a sollicité, quant à elle, le 18 novembre 2016, son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-11-7° du même code. Le 25 septembre 2019, elle a sollicité, à titre complémentaire, son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code. Par deux arrêtés du 1er juin 2022, la préfète du Bas-Rhin a refusé, chacun en ce qui le concerne, de les admettre au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par deux requêtes, qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, M. et Mme C... relèvent appel, chacun en ce qui le concerne, des jugements n° 2207725 et 2207726 du 31 janvier 2023 du tribunal administratif de Strasbourg qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces arrêtés préfectoraux du 1er juin 2022.

Sur la régularité des jugements attaqués :

2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes ". Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".

3. Il ressort des pièces du dossier que les deux mémoires en défense produits par la préfète du Bas-Rhin ont été mis à disposition du conseil des requérants en ce qui concerne M. C..., le mercredi 4 janvier 2023 à 17h00 et lu par celui-ci le jeudi le 5 janvier à 9h04 et en ce qui concerne Mme C..., le mercredi 4 janvier 2023 à 17h00 et lu par celui-ci le jeudi 5 janvier à 9h01. Par ailleurs, la clôture d'instruction automatique est intervenue le vendredi 6 janvier 2023 à minuit pour une audience fixée au 10 janvier 2023.

4. Ainsi, et alors que le conseil des requérants a uniquement disposé d'un délai d'environ 48 heures pour répliquer à ces mémoires avant la clôture d'instruction automatique, les premiers juges, pour rejeter la demande des requérants se sont fondés sur les éléments produits dans ces mémoires tels que les relevés Télemofpra mentionnant la date de notification des décisions de rejet prises par la Cour nationale du droit d'asile à leur encontre et pour la demande de M. C..., également de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 2 juin 2021 et du bordereau de transmission mentionnant le nom du médecin ayant établi le premier rapport médical. Par conséquent, les requérants sont fondés, dans les circonstances de l'espèce, à soutenir que les jugements sont intervenus à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres, l'annulation de ceux-ci.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Sur la légalité des décisions du 1er juin 2022 :

En ce qui concerne les moyens propres à M. C... :

6. D'une part, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ". Par ailleurs, l'article R. 425-11 du même code dispose que : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...). ". L'article R. 425-13 dudit code dispose que : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège ".

7. D'autre part, aux termes de l'article L. 611-1 du même code : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ".

8. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté en litige que la préfète du Bas-Rhin, après avoir visé l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise que le requérant a sollicité une demande de titre de séjour sur ce fondement, que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a rendu un avis le 2 juin 2021 pour en conclure qu'après un examen attentif de sa situation, M. C... " ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 425-9 ". Ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, et quand bien même l'article 1er de l'arrêté préfectoral ne vise pas la date de sa demande de titre de séjour sollicitée sur ce fondement, la préfète s'est prononcée sur la demande d'admission au séjour qu'il a présentée au regard de son état de santé. Les moyens tirés de ce que la procédure serait irrégulière et de ce que les dispositions de l'article L. 611-1 précité auraient été méconnues au motif que la préfète n'aurait pas statué sur sa demande d'admission au séjour au titre de son état de santé doivent donc être écartés.

9. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le rapport médical sur l'état de santé de M. C... prévu à l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été établi par un premier médecin le 16 avril 2021, pour être soumis au collège de médecins de l'OFII. Ce collège, au sein duquel ont siégé trois autres médecins, s'est réuni le 2 juin 2021 pour émettre ledit avis. Il s'ensuit que l'avis a été émis dans le respect des dispositions des articles R. 425-11 et R. 425-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment dans le respect de la règle selon laquelle le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. Aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit la communication de l'avis du collège de médecins avant l'adoption de l'arrêté en litige. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière.

10. En troisième lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout élément permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

11. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, par un avis rendu le 2 juin 2021, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de M. C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pouvait bénéficier d'un traitement approprié et voyager sans risque vers son pays d'origine.

12. M. C..., qui a levé le secret médical, souffre de pathologies psychiatriques pour lesquelles il bénéficie d'un suivi médical et d'un traitement médicamenteux à base de rispéridone et de tercian, ce dernier étant un antipsychotique ayant pour principe actif la cyamémazine. Si le requérant produit une attestation établie par le ministère géorgien de la santé aux termes de laquelle ni le tercian ni la cyamémazine ne sont disponibles sur le marché pharmaceutique géorgien, il ressort du rapport MEDCOI produit que le rispéridone est disponible en Géorgie. S'agissant du tercian, et alors qu'il ressort des pièces du dossier que les troubles psychiatriques peuvent être traités au moyen de nombreux médicaments disponibles en Géorgie, le requérant ne produit aucune pièce médicale précisant que ce médicament ne pourrait pas être substitué par un autre. Enfin, s'il fait valoir qu'il n'est pas en capacité de travailler, il ressort du rapport OSAR que la " plupart des traitements psychiatriques pour les personnes atteintes de troubles mentaux sont couverts l'Etat ". Ainsi, les pièces produites ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée tant par le collège des médecins de l'OFII que par la préfète concernant la disponibilité, dans son pays d'origine, d'un traitement équivalent. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concernes les moyens communs soulevés par M. et Mme C... :

13. En premier lieu, par un arrêté du 4 mars 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, la préfète du Bas-Rhin a donné délégation à M. A... D..., directeur des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer tous actes et décisions relevant des attributions dévolues à la direction des migrations et de l'intégration, à l'exception de certaines décisions au nombre desquelles ne figurent pas celles en litige. Par suite, le moyen tiré de ce que M. D..., signataire de ces décisions, ne disposait pas d'une délégation de compétence doit être écarté comme manquant en fait.

14. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant stipule : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

15. Les requérants se prévalent de leur séjour sur le territoire français depuis plus de sept ans à la date des décisions en litige ainsi que de la présence de leur fille mineure scolarisée. Toutefois les requérants n'ont jamais bénéficié d'un titre de séjour et la durée de leur séjour sur le territoire français est en grande partie liée à l'examen de leur demande d'asile et de leur demande de titre de séjour. Rien ne s'oppose à ce que leur fille mineure poursuive sa scolarité dans leur pays d'origine. Enfin, il n'est pas établi qu'ils seraient dépourvus de toute attache dans leur pays d'origine où ils ont vécu la majeure partie de leur vie. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment aux conditions de séjour des intéressés en France, la préfète, en adoptant les décisions en litige, n'a pas porté au droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue desquelles les décisions ont été prises. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des mesures sur la situation personnelle des intéressés ne peuvent qu'être écartés.

16. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

17. Les requérants se prévalent des graves troubles psychiatriques de Monsieur rendant nécessaire l'assistance quotidienne de Madame, de leur intégration en France et de la scolarisation de leur enfant. Toutefois, dans les circonstances rappelées au point 15 et alors qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis du collège de médecins de l'OFII susmentionné, que M.C... peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Géorgie et que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque, la préfète n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

18. En quatrième lieu, il ne ressort pas des termes des décisions litigieuses que la préfète du Bas-Rhin leur a refusé le titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté comme étant inopérant.

19. En cinquième lieu, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui se borne à énoncer des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation.

20. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3 ". Aux termes de l'article L.743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ". Aux termes du III de l'article R. 723-19 de ce code : " (...) La date de notification de la décision de l'office (...) qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire ".

21. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, notamment des relevés Telemofpra produits par la préfète du Bas-Rhin dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, que M.C... et Mme C... se sont vu notifier respectivement le 7 octobre 2016 et 14 octobre 2016 la décision de la Cour nationale du droit d'asile rejetant leur recours. Ils ne sont dès lors pas fondés à soutenir, qu'en application des dispositions précitées, ils bénéficiaient du droit de se maintenir sur le territoire français et ne pouvaient faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut pas être accueilli.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à demander l'annulation des décisions du 1er juin 2022 de la préfète du Bas-Rhin. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les jugements du tribunal administratif de Strasbourg n° 2207725 et 2207726 du 31 janvier 2023 sont annulés.

Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Strasbourg et les conclusions des requêtes sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C..., à Mme B... E..., épouse C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Burkatzki.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 16 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Agnel, président,

- M. Barteaux, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2024.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLe président,

Signé : M. AgnelLa greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 23NC02049 et 23NC02050


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02049
Date de la décision : 16/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : BERARD JEMOLI SANTELLI BURKATZKI BIZZARRI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-16;23nc02049 ?
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