Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 30 juin 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement no 2208020 du 26 janvier 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juin 2023, Mme B..., représentée par Me Zind, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
- la décision en litige est entachée d'erreur de fait quant à ses attaches familiales et à celles de ses enfants en Russie ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale compte tenu de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
La préfète du Bas-Rhin, à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 30 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport C... Brodier, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante russe d'origine tchétchène née en 1985, est entrée sur le territoire français le 4 octobre 2016, en compagnie de ses quatre enfants mineurs. Elle a fait l'objet d'une décision de transfert vers les autorités polonaises, avant que sa demande d'asile ne soit examinée par les autorités françaises. Celle-ci a été rejetée par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 16 octobre 2018 et de la Cour nationale du droit d'asile du 20 mai 2019. Par un arrêté du 29 avril 2021, la préfète du Bas-Rhin lui a alors fait obligation de quitter le territoire français. Le 25 novembre 2021, Mme B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 30 juin 2022, la préfète du Bas-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 26 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Par ailleurs, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. D'une part, si Mme B... résidait en France depuis cinq ans et demi à la date de la décision en litige, elle tient la durée de son séjour à son maintien sur le territoire en dépit d'une décision de transfert aux autorités polonaises qui étaient initialement compétentes pour l'examen de sa demande d'asile puis en méconnaissance de la mesure d'éloignement prononcée à son encontre par arrêté du 29 avril 2021 à l'issue du rejet de sa demande d'asile par les autorités françaises. Il ressort par ailleurs de la décision en litige, et n'est pas contesté, que sa présence a été enregistrée sur le territoire allemand en 2019. D'autre part, la requérante ne se prévaut d'aucune attache familiale ou amicale sur le territoire français, alors qu'il n'est pas contesté qu'elle dispose d'attaches dans son pays d'origine, où elle a vécu jusque l'âge de 31 ans et où résident son père et ses frères et sœurs. Par ailleurs, le fait d'avoir participé à des cours de français pendant quelques mois entre mai 2018 et mars 2019 ne suffit pas à attester une intégration particulière dans la société française. Quant à la scolarisation de ses quatre enfants pendant cinq années, elle ne suffit pas à conférer à l'intéressée un droit au séjour en France. Dans ces conditions, le refus de délivrer un titre de séjour à Mme B... ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées doit être écarté.
4. En deuxième lieu, Mme B..., qui indique que sa mère ainsi que le père de ses deux premiers enfants sont décédés, soutient que la décision en litige est entachée d'erreurs de fait. Toutefois, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent quant à ses attaches familiales dans son pays d'origine, ces erreurs sont demeurées sans incidence sur l'appréciation portée par la préfète du Bas-Rhin sur l'étendue de ses attaches en France et en Russie et, partant, sur la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
6. Mme B... se prévaut de sa situation de femme isolée avec ses quatre enfants mineurs et des risques de violences et de discriminations qu'elle court en cas de retour en Tchétchénie. Toutefois, et alors que son récit d'asile, qui faisait état notamment de violences subies de la part du père de ses deux enfants cadets, n'a convaincu ni l'OFPRA ni la CNDA, elle ne justifie pas que sa situation personnelle relèverait de considérations humanitaires au sens des dispositions précitées. Par ailleurs, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que les conditions de son séjour en France depuis octobre 2016 avec ses enfants caractériseraient des motifs exceptionnels. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
8. Il ressort des certificats scolaires produits que les deux enfants aînés C... Mme B..., âgés de 7 et de 9 ans lors de leur entrée sur le territoire français, ont été scolarisés à compter de janvier 2017 en classes respectivement de CE1 et de CM1, les deux enfants cadets, âgés de 3 ans et de 5 ans lors de leur entrée en France, n'ayant été scolarisés qu'en juin 2017 en petite section et grande section de maternelle respectivement. Il est justifié de la progression des enfants jusqu'en 2020/2021, où ils étaient respectivement en CE1, CM1, CM2 et 5ème. Au titre de l'année scolaire 2021/2022, précédant l'intervention de l'arrêté en litige, il est justifié que l'enfant Dinara, qui souffre d'un handicap de type déficience intellectuelle et avait bénéficié d'une scolarisation en Unité localisée pour l'inclusion scolaire (ULIS) dans une école " type Troubles des fonctions cognitives " entre septembre 2018 et juillet 2021 et d'un accompagnement médico-social par un service d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) rattaché à un institut médico-éducatif sur la même période, était scolarisée en 6ème ULIS et qu'une nouvelle décision favorable de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) du 10 février 2021 prolongeait cette orientation pour la période allant jusqu'au 31 juillet 2023. Toutefois, et alors même que les enfants C... B... ont bénéficié de cinq années de scolarité en France, la requérante n'apporte pas d'éléments suffisamment probants et personnalisés de nature à établir que ses enfants, qui ont vocation à la suivre et n'en seront pas séparés du fait de la décision en litige, ne pourraient pas s'adapter dans leur pays d'origine et y poursuivre leur scolarité, en langue russe, y compris Dinara le cas échéant dans une institution spécialisée à ses besoins. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision lui refusant un titre de séjour méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 -1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français serait illégale compte tenu de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale compte tenu de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 juin 2022. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête C... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Zind et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Agnel, président,
- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,
- Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.
La rapporteure,
Signé : H. BrodierLe président,
Signé : M. Agnel
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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No 23NC01968