Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés des 13 juin 2023 par lesquels la préfète du Bas-Rhin les a assignés à résidence dans le département de Meurthe-et-Moselle pour une durée de quarante-cinq jours et les a obligés à se présenter chaque lundi, hors jours fériés, à 9 heures au commissariat de police de Mont-Saint-Martin.
Par des jugements du 26 juin n° 2301874 et n° 2301884, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I.) Par une requête enregistrée le 14 novembre 2023 sous le n° 23NC03340, M. B..., représenté par Me Kipffer, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2301874 du 26 juin 2023 ;
2°) de renvoyer la procédure devant un tribunal, autre que le tribunal administratif de Nancy afin qu'il statue sur sa demande d'annulation de l'arrêté du 13 juin 2023 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que le jugement est irrégulier en ce que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré du défaut de motivation.
La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
II.) Par une requête enregistrée le 24 novembre 2023 sous le n° 23NC03447, Mme C..., représentée par Me Kipffer, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2301884 du 26 juin 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 juin 2023 la concernant ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal a méconnu la charge de la preuve et n'a pas suffisamment motivé son jugement qui ne répond pas de manière complète au moyen tiré de l'erreur de droit ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit en ce que son transfert ne constitue pas une perspective raisonnable dans la mesure où la préfète n'a justifié d'aucune diligence pour procéder à son transfert.
La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. B... et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 12 octobre et du 7 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Mosser a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... et Mme C..., ressortissants russes nés respectivement le 7 janvier 1989 et le 29 mai 2001, sont entrés en France en janvier 2023 afin d'y solliciter l'asile. Le 11 janvier 2023, une attestation de demande d'asile leur a été remise. La consultation du fichier Eurodac a fait ressortir que les intéressés ont préalablement été identifiés en Croatie. Les autorités croates ont accepté de les reprendre en charge le 31 janvier 2023. Par des arrêtés des 20 mars 2023, la préfète du Bas-Rhin a ordonné leur remise aux autorités croates responsables de leurs demandes d'asile et les a assignés à résidence. Leur recours contre ces arrêtés a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Nancy du 24 mai 2023, leur appel contre cette décision a fait l'objet d'une ordonnance du 16 février 2024 de non-lieu. Par les arrêtés contestés des 13 juin 2023, la préfète du Bas-Rhin les a assignés à résidence dans le département de Meurthe-et-Moselle pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... et Mme C... relèvent appel, par des requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, des jugements des 26 juin, 2023 par lesquels le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la régularité du jugement n° 2301874 du 26 juin 2023 :
2. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a soulevé devant le tribunal administratif le moyen tiré du défaut de motivation du 13 juin 2023 le concernant et que ce moyen est visé dans le jugement n° 2301874 du 26 juin 2023 sans qu'il y soit répondu dans les motifs. Dès lors, M. B... est fondé à soutenir que le premier juge n'a pas examiné le moyen tiré du défaut de motivation. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé.
3. Toutefois, M. B... n'a pas repris devant la cour ses conclusions sur le fond. Ainsi, il y a lieu de le renvoyer devant le tribunal administratif de Nancy pour y être à nouveau statué sur sa demande.
Sur la régularité du jugement n° 2301884 du 26 juin 2023 :
4. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
5. Il ressort des pièces du dossier que le premier juge qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments des parties, a répondu de manière suffisamment détaillée aux moyens invoqués à l'appui de la demande de Mme C.... En particulier, en indiquant que Mme C..., en n'apportant aucun élément au soutien de ses allégations, ne conteste pas utilement que son transfert demeure une perspective raisonnable, il répond de manière suffisante au moyen tiré de l'erreur de droit. Enfin, la requérante ne peut utilement se prévaloir de ce que le premier juge aurait inversé la charge de la preuve pour contester la régularité du jugement attaqué. Il s'ensuit que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le premier juge a insuffisamment motivé son jugement.
Sur la légalité de l'arrêté du 23 juin relatif à Mme C... :
6. Aux termes de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge peut être assigné à résidence par l'autorité administrative pour le temps strictement nécessaire à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. (...) En cas de notification d'une décision de transfert, l'assignation à résidence peut se poursuivre si l'étranger ne peut quitter immédiatement le territoire français mais que l'exécution de la décision de transfert demeure une perspective raisonnable. L'étranger faisant l'objet d'une décision de transfert peut également être assigné à résidence en application du présent article, même s'il n'était pas assigné à résidence lorsque la décision de transfert lui a été notifiée ".
7. Les autorités croates, qui ont expressément accepté de reprendre en charge Mme C... le 31 janvier 2023, ont, à la suite du recours formé par l'intéressée contre l'arrêté de transfert, été dûment informées de la prolongation du délai de transfert jusqu'au 24 novembre 2023. Dans ces conditions et alors que Mme C... n'apporte aucun commencement de preuve de nature à établir qu'à la date du 13 juin 2023 à laquelle a été adopté l'arrêté contesté, son transfert en Croatie ne demeurait pas une perspective raisonnable au sens de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de ce que la préfète du Bas-Rhin aurait commis une erreur de droit en adoptant par l'arrêté contesté l'assignation à résidence alors que l'exécution de l'arrêté de transfert ne constitue pas une perspective raisonnable ne peut qu'être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le conseil de M. B... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Les conclusions à fin d'annulation étant rejetées, les conclusions présentées par le conseil de Mme C... sur le même fondement doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2301874 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy du 26 juin 2023 est annulé.
Article 2 : M. B... est renvoyé devant le tribunal administratif de Nancy pour qu'il soit statué sur sa demande.
Article 3 : Les conclusions présentées par Me Kipffer dans la requête n° 23NC03340 sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La requête n° 23NC03447 de Mme C... est rejetée.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et Mme D... C..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Kipffer.
Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2024, à laquelle siégeaient :
M. Agnel, président,
Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,
Mme Mosser, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.
La rapporteure,
Signé : C. MosserLe président,
Signé : M. Agnel
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 23NC03340 et 23NC03447