Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 12 juillet 2022 par lesquels la préfète du Bas-Rhin, d'une part, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour en France pendant un an, d'autre part, a ordonné son assignation à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2204579 du 29 juillet 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande et a condamné M. B... au paiement d'une amende pour recours abusif de cinq cents euros en application des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 avril 2023, M. A... B..., représenté par Me Carraud, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2204579 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 29 juillet 2022 ;
2°) d'annuler les arrêtés de la préfète du Bas-Rhin du 12 juillet 2022 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relatif à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- la décision en litige est entachée d'un vice de procédure en raison d'une méconnaissance du droit d'être entendu garanti par les principes généraux du droit de l'Union européenne ;
- cette décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que la préfète du Bas-Rhin s'est estimée à tort en situation de compétence liée pour prendre à son encontre une mesure d'éloignement ;
- en considérant que son comportement représente une menace pour l'ordre public et qu'il serait entré irrégulièrement en France, la préfète du Bas-Rhin a commis une erreur d'appréciation ;
- la décision en litige méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- à titre subsidiaire, elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences au regard de sa situation personnelle ;
- la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- la décision en litige est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- cette décision est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation, dès lors que la préfète du Bas-Rhin a considéré à tort qu'il ne présentait pas des garanties de représentation suffisante au sens des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- subsidiairement, elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant interdiction de retour en France pendant un an est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il a été illégalement privé de délai de départ volontaire et qu'il justifie de circonstances humanitaires au regard de ses attaches privées et familiales et de son état de santé ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- subsidiairement, elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant fixation du pays de destination est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- la décision en litige est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du second alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- subsidiairement, elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant assignation à résidence destination est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation, dès lorsqu'elle porte une atteinte injustifiée et disproportionnée à sa liberté d'aller et de venir et à son droit à mener une vie familiale normale ;
- c'est à tort que le magistrat désigné l'a condamné au versement d'une amende de cinq cents euros pour recours abusif dès lors que sa demande de première instance, qui se fondait sur des éléments précis et circonstanciés, ne présentait pas de caractère dilatoire ou abusif.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2023, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... est un ressortissant géorgien, né le 15 juillet 2002. Il a déclaré être entré en France le 29 janvier 2021. Le 23 février 2021, il a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 26 avril 2021, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 17 juillet 2021. Il a fait l'objet, le 16 juin 2021, d'une mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré. L'intéressé, qui se maintient irrégulièrement sur le territoire français et qui n'a entrepris aucune démarche en vue de régulariser sa situation, a été interpellé et placé en garde à vue le 12 juillet 2022 pour des faits de délit sous condition par conjoint. Par deux arrêtés du même jour, la préfète du Bas-Rhin, d'une part, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour en France pendant un an, d'autre part, a prononcé son assignation à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de ces arrêtés préfectoraux. Il relève appel du jugement du 29 juillet 2022, qui rejette sa demande et le condamne au paiement d'une amende pour recours abusif de cinq cents euros en application des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait, qui en constituent le fondement. Cette décision, qui indique notamment que M. B... est en possession d'un passeport en cours de validité et qu'il déclare vivre en concubinage avec une ressortissante française, est suffisamment motivée au regard des exigences du premier alinéa de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté comme manquant en fait.
4. En deuxième lieu, il ne résulte, ni des motifs de la décision en litige, ni d'aucune des autres pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin se serait abstenue de procéder, avant d'édicter la mesure litigieuse, à un examen particulier de sa situation personnelle et familiale au regard des éléments dont elle avait connaissance. Par suite, et alors qu'il n'est pas démontré que l'intéressé aurait informé l'administration de ses problèmes de santé, le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit être écarté.
5. En troisième lieu, il résulte de la jurisprudence de la cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense et qu'il implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, le droit d'être entendu n'implique pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu à l'occasion de l'examen de sa demande d'asile ou de sa demande de titre de séjour.
6. De même, toute irrégularité dans l'exercice du droit de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... ait été mis à même par l'autorité préfectorale de formuler des observations écrites ou éventuellement, sur sa demande, orales, préalablement à l'intervention de la mesure d'éloignement prononcée à son encontre. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait pu présenter à l'administration des éléments, qui auraient été susceptibles d'influer effectivement sur le sens de la décision en litige. Dans ces conditions, la méconnaissance du droit d'être entendu n'a pas eu pour effet, eu égard à l'ensemble des circonstances de droit et de fait de l'espèce, de le priver de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que la procédure administrative le concernant aurait pu aboutir à un résultat différent. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure ne peut qu'être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; (...)
5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ".
9. D'une part, il ne ressort, ni des motifs de la décision en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier, que la préfète du Bas-Rhin se serait estimée à tort en situation de compétence liée pour prendre à l'encontre de M. B... une obligation de quitter le territoire français. D'autre part, à supposer même que le requérant serait entré en France de façon régulière et que son comportement ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, il résulte de l'instruction que la préfète aurait pris la même décision si elle s'était fondée exclusivement sur les dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, il y a lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation.
10. En cinquième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".
11. M. B... fait valoir qu'il présente un état psychique fragile nécessitant une prise en charge médicale spécialisée. Toutefois, en se bornant à indiquer avoir consulté à deux reprises, en mai et en septembre 2021, un médecin psychiatre du centre hospitalier d'Erstein, qui lui a prescrit un antidépresseur, puis un neuroleptique, à faire état d'une prise de
rendez-vous à une date indéterminée auprès de l'Etablissement public de santé Alsace Nord et à verser aux débats des documents généraux sur les insuffisances de l'offre de soins en Géorgie, notamment dans le domaine psychiatrique, le requérant n'établit pas que son état de santé l'empêcherait de voyager sans risque à destination de son pays d'origine, ni qu'il ne pourrait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° du premier alinéa de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli.
12. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
13. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est arrivé en France le 29 janvier 2021 et justifiait ainsi, à la date de la décision en litige, d'une durée de séjour inférieure à dix-huit mois. Il a fait l'objet, le 16 juin 2021, d'une mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré et n'a entrepris, depuis le rejet définitif de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile le 17 juillet 2021, et antérieurement à l'arrêté litigieux, aucune démarche en vue de régulariser sa situation. Célibataire et sans enfant à charge, il ne justifie pas posséder des attaches familiales en France et n'établit pas davantage, ni même n'allègue, être isolé dans son pays d'origine. Si le requérant a déclaré vivre en concubinage, depuis le 2 mars 2022, avec une ressortissante française, qui l'héberge à titre gratuit, il est constant que cette relation était, à la date de la décision en litige, très récente et que l'intéressé, qui a été interpellé et placé en garde à vue pour des faits de délit sous condition par conjoint, a indiqué le 12 juillet 2022, lors de son audition par les services de police, vouloir rompre avec sa compagne. Ainsi, il ne justifie pas de l'effectivité et de la stabilité de la communauté de vie dont il se prévaut. Par suite, et alors que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations en cause doit être écarté.
14. En septième et dernier lieu, eu égard aux circonstances qui ont été analysées aux points 11 et 13 du présent arrêt, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Dans ces conditions, le moyen invoqué en ce sens ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
15. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Au regard des circonstances de fait précédemment rappelées, les moyens tirés de ce qu'elle méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B... doivent également être écartés.
16. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 et les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées. ".
17. La décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait, qui en constituent le fondement. Elle est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.
18. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 du présent arrêt, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'un défaut d'examen particulier de la situation personnelle de M. B....
19. En quatrième et dernier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...). ".
20. Si M. B... fait valoir qu'il a remis le 12 juillet 2022 à l'administration son passeport en cours de validité et que sa compagne de nationalité française l'hébergeait à titre gratuit à la date de la décision en litige, il n'est pas contesté qu'il a également indiqué, lors de son placement en garde à vue pour des faits de délit sous condition par conjoint, vouloir rompre avec celle-ci. Dans ces conditions, le requérant ne peut être regardé comme justifiant d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale et, partant, comme présentant des garanties de représentation suffisantes au sens du 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, et alors que la décision en litige relève également que M. B... se maintient irrégulièrement sur le territoire français, la préfète du Bas-Rhin n'a pas commis d'erreur de droit, ni d'erreur d'appréciation, en considérant qu'il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet et en refusant de lui accorder le bénéfice d'un délai de départ volontaire.
En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :
21. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Au regard des circonstances de fait précédemment rappelées, les moyens tirés de ce qu'elle méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B... doivent également être écartés.
22. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
23. La décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.
24. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 du présent arrêt, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'un défaut d'examen particulier de la situation personnelle de M. B....
25. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
26. Ainsi qu'il a été dit au point 11 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé en Géorgie. Si le requérant fait également valoir qu'il aurait été victime de discriminations et de mauvais traitements dans son pays d'origine en raison de sa religion, il n'apporte aucun élément probant susceptible d'établir qu'il risquerait d'être exposé, en cas de retour sur le territoire géorgien, à des risques pour sa vie et sa sécurité. Par suite et alors que sa demande d'asile a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du second alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour en France pendant un an :
27. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. M. B... n'est pas davantage fondé à soutenir qu'il a été illégalement privé de délai de départ volontaire, pour contester l'interdiction de retour. Au regard des circonstances de fait précédemment rappelées, les moyens tirés de ce que l'interdiction de retour méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B... doivent également être écartés.
28. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. " Aux termes du premier alinéa de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
29. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, le préfet assortit, en principe et sauf circonstances humanitaires, l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour. La durée de cette interdiction doit être déterminée en tenant compte des critères tenant à la durée de présence en France, à la nature et l'ancienneté des liens de l'intéressé avec la France, à l'existence de précédentes mesures d'éloignement et à la menace pour l'ordre public représentée par la présence en France de l'intéressé.
30. Il incombe à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
31. Pour justifier le prononcé d'une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, la préfète du Bas-Rhin a notamment retenu que M. B... avait été privé de délai de départ volontaire, qu'il a irrégulièrement gagné le territoire français, qu'il s'y maintient de façon irrégulière, que son comportement constitue un trouble à l'ordre public, qu'il ne respecte pas les lois de la République et qu'il ne démontre pas l'intensité de ses liens avec la France. En outre, contrairement aux allégations du requérant, elle a également relevé que l'intéressé n'a pas fait valoir des circonstances humanitaires susceptibles de faire obstacle à l'édiction de la décision en litige et que celles-ci ne ressortaient pas davantage de son dossier. La préfète du Bas-Rhin a ainsi suffisamment motivé cette décision au regard des critères énoncés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
32. En troisième lieu, il ressort des motifs de la décision en litige que la préfète du Bas-Rhin, avant de prononcer une mesure d'interdiction de retour en France d'un an, a notamment examiné si M. B... justifiait de circonstances humanitaires susceptibles de faire obstacle à l'édiction d'une telle mesure, avant d'apprécier les autres éléments pertinents relatifs à sa situation. Elle a ainsi procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré du défaut d'un tel examen ne peut être accueilli.
33. En quatrième lieu, eu égard aux circonstances qui ont été analysées aux points 11, 13 et 20 du présent arrêt et alors que M. B... ne justifie pas de circonstances humanitaires au regard de son état de santé et de ses attaches privées et familiales, la préfète du Bas-Rhin n'a commis, ni erreur de droit, ni erreur d'appréciation, en interdisant au requérant le retour en France pendant un an.
En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
34. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
35. En second lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ".
36. D'une part, il n'est pas contesté que M. B... fait l'objet d'une obligation de quitter sans délai le territoire français prise moins d'un an avant l'édiction de la décision en litige et que son éloignement demeure une perspective raisonnable. Dans ces conditions, la préfète du Bas-Rhin pouvait légalement prononcer à l'encontre de l'intéressé une assignation à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours. D'autre part, le requérant ne fait valoir aucun élément permettant d'établir qu'une telle mesure serait de nature à porter une atteinte non justifiée et disproportionnée à sa liberté d'aller et de venir et à son droit à mener une vie familiale normale.
37. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation des arrêtés de la préfète du Bas-Rhin du 12 juillet 2022, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.
En ce qui concerne l'amende pour recours abusif :
38. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros. ".
39. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande de première instance, eu égard aux moyens invoqués, présentait un caractère abusif. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg lui a infligé une amende de cinq cents euros en application des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative et à demander, dans cette seule mesure, l'annulation du jugement contesté.
Sur les frais de justice :
40. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B... en application des dispositions combinées des
articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2204579 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 29 juillet 2022 est annulé en tant qu'il a infligé à M. B... une amende de cinq cents euros en application des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Samson-Dye, présidente,
- M. Meisse, premier conseiller,
- Mme Stenger, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.
Le rapporteur,
Signé : E. Meisse
La présidente,
Signé : A. Samson-Dye
La greffière,
Signé : S. Blaise
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière :
S. Blaise
N° 23NC01291 2