Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Biesles a rejeté sa réclamation préalable et l'arrêté du n° 046-2018 du 6 juin 2018 en tant qu'il procède à la reprise de la tombe n° 0013, carré 13 ; d'autre part, d'enjoindre à la commune de Biesles de lui restituer la concession perpétuelle dont elle était héritière et de ré-inhumer les restes de Mme D... née A..., dans cet emplacement, aux frais de la commune et enfin de condamner la commune de Biesles à lui verser la somme de 8 000 euros au titre du préjudice qu'elle estime avoir subi, majorée des intérêts à compter de la réception de sa demande préalable, soit le 14 mai 2022.
Par un jugement n° 2201777 du 11 juin 2024, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 6 juin 2018, en tant qu'il constate l'état d'abandon physique de la concession n° 99, tombe n° 0013 carré 13, a condamné la commune de Biesles à verser à Mme B... D... une somme de 5 997,90 euros de dommages et intérêts, majorée des intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2022 et lui a enjoint de réattribuer à Mme B... D... la concession perpétuelle n° 99 accordée initialement ou, si celle-ci est occupée, une concession similaire dans le même cimetière dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 novembre et 11 décembre 2024, la commune de Biesles, représentée par Me Bigot, demande à la cour de sursoir à l'exécution de ce jugement.
Elle soutient que :
- l'exécution de l'injonction prononcée par le jugement est de nature à créer des conséquences difficilement réparables : la commune sera exposée à débourser une somme d'argent importante dès lors qu'une concession perpétuelle vaut entre 7 000 et 9 000 euros ;
- les moyens invoqués dans la requête d'appel sont sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué ainsi que le rejet des conclusions accueillies par ce jugement : Mme D... a su dès 2019 que la tombe avait disparu de sorte que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa fin de non-recevoir tirée de la tardiveté des conclusions d'annulation.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 29 novembre et 26 décembre 2024, Mme B... D..., représentée par Me Saada-Dusart, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Biesles la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce que soutient la commune, cette dernière ne sera pas exposée à verser une quelconque somme dès lors qu'elle est propriétaire du terrain et que la concession initiale n'a pas disparu ; le manque à gagner éventuel est par ailleurs assez minime ;
- l'absence d'état d'abandon de la tombe est clairement établi de sorte que le jugement ne pourra être que confirmé ;
- la requête est irrecevable faute pour la commune de produire la délibération du conseil municipal autorisant le maire à ester dans cette instance.
Vu :
- la requête n° 24NC02054 enregistrée au greffe de la cour, le 1er août 2024, par laquelle la commune de Biesles demande l'annulation du même jugement ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Ghisu-Deparis, présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement n° 2201777 du 11 juin 2024 le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a d'une part, annulé l'arrêté du 6 juin 2018, portant reprise de la tombe n° 0013 carré 13, d'autre part, condamné la commune de Biesles à verser à Mme D... une somme de 5 997,90 euros de dommages et intérêts, majorée des intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2022 et lui a enfin enjoint de réattribuer la concession perpétuelle n° 99 accordée initialement ou, si celle-ci est occupée, une concession similaire dans le même cimetière dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Au regard des moyens soulevés dans sa requête, la commune de Biesles doit être regardée comme demandant uniquement le sursis à exécution des articles 1er et 3 de ce jugement qui a annulé partiellement l'arrêté du 6 juin 2018 et lui a enjoint la restitution de la concession n° 99 ou à défaut une autre.
2. D'une part, aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 222-25 du code de justice administrative : " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. / Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17 ".
Sur la recevabilité de la requête à fin de sursis :
4. La commune de Biesles a produit une délibération de son conseil municipal du 9 décembre 2024 dont l'objet est d'autoriser son maire à ester en justice dans l'instance n° 2402776 relative au sursis à exécution du jugement rendu par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. Elle justifie ainsi, malgré des erreurs de plume au sein de la délibération, de la qualité du maire à la représenter dans la présente instance. La fin de non-recevoir opposée par Mme D... doit en conséquence être rejetée.
Sur le bien-fondé de la requête à fin de sursis :
5. D'une part, aux termes de l'article L. 2223-17 du code général des collectivités territoriales : " Lorsque, après une période de trente ans, une concession a cessé d'être entretenue, le maire peut constater cet état d'abandon par procès-verbal porté à la connaissance du public et des familles. Si, un an après cette publicité régulièrement effectuée, la concession est toujours en état d'abandon, le maire a la faculté de saisir le conseil municipal, qui est appelé à décider si la reprise de la concession est prononcée ou non. Dans l'affirmative, le maire peut prendre un arrêté prononçant la reprise par la commune des terrains affectés à cette concession ". Aux termes de l'article R. 2223-19 du même code : " L'arrêté du maire qui prononce la reprise des terrains affectés à une concession est exécutoire de plein droit dès qu'il a été procédé à sa publication et à sa notification ".
6. D'autre part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée / (...) ".
7. Enfin, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.
8. Il est constant que l'arrêté du 6 juin 2018 en tant qu'il prononce la reprise par la commune de la tombe n° 0013, carré 013, n'a pas été notifié à Mme D.... Toutefois, au regard des termes du courrier du 11 septembre 2019 que Mme D... a adressé au maire de la commune de Biesles qui fait expressément référence à la " reprise de la tombe des familles C... D... A... ", Mme D... doit être regardée comme ayant eu connaissance, à cette date, de la décision du maire de reprise de la concession en litige alors même qu'elle n'en avait pas possession. Cette circonstance a été de nature à déclencher, en application du principe évoqué au point précédent, un délai de recours d'un an qui a expiré le 11 septembre 2020. Par suite, le moyen tiré de la tardiveté des conclusions d'annulation de l'arrêté du 6 juin 2018, en tant qu'il constate l'état d'abandon physique de la concession n° 99, tombe n° 0013, carré 13, enregistrées devant le tribunal administratif au moyen de l'application Télérecours le 29 juillet 2022, paraît, nonobstant le recours préalable du 13 mai 2022, également tardif, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation des articles 1er et 3 du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement et par voie de conséquence celles accessoires à fin d'injonction.
Sur les frais de l'instance :
9. La commune de Biesles n'étant pas la partie perdante à l'instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de Mme D... tendant à leur bénéfice.
D E C I D E :
Article 1er : Jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la requête n° 24NC02054 il sera sursis à l'exécution des articles 1er et 3 du jugement n° 2201777 du 11 juin 2024 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.
Article 2 : Les conclusions de Mme D... tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Biesles et à Mme B... D....
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2025.
La présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Marne, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 24NC02776