VU la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la Cour le 1er et le 2 juillet 1991, présentés pour M. X..., demeurant à "Y... Robert", à SAINT ANTOINE DU ROCHER (Indre-et-Loire), par la SCP SAINT-CRICQ et NEGRE, avocat au Barreau de TOURS ;
M. X... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 11 avril 1991 par lequel le Tribunal administratif d'ORLEANS a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1981 à 1984 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités dont elles ont été assorties à hauteur des montants suivants : 82 407 F pour l'année 1981, 56 360 F pour l'année 1982, 153 748 F pour l'année 1983 et 289 287 F pour l'année 1984 et de la pénalité de 10 % afférente auxdites impositions ;
3°) d'ordonner que, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le pourvoi, il soit sursis à l'exécution de l'article du rôle correspondant ;
4°) d'ordonner le remboursement des frais de poursuites dont il a fait l'objet, soit une somme de 66 937 F ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
VU la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989 ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 février 1993 :
- le rapport de M. ISAIA, conseiller,
- et les conclusions de M. CHAMARD, commissaire du gouvernement,
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par une décision en date du 6 août 1992, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux d'Indre-et-Loire a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence d'une somme de 289 287 F du complément d'impôt sur le revenu auquel M. X... a été assujetti au titre de l'année 1984 ; que les conclusions de la requête de M. X... relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans la notification des redressements effectués dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, l'administration s'est bornée, après avoir fait référence à la vérification de comptabilité de la société "Le Rouge et le Noir" dont M. X... était le gérant, en droit ou en fait, au cours des années en litige, à lui indiquer qu'il avait été désigné par celle-ci comme bénéficiaire des revenus distribués et qu'il serait soumis, sur le montant des recettes dissimulées et des bénéfices qui n'avaient pas été mis en réserve ou incorporés au capital, à l'impôt sur le revenu, sans mentionner les raisons de fait ni de droit pour lesquelles elle estimait devoir rehausser les résultats de la société ; qu'en s'abstenant de fournir, même de manière succincte, des précisions sur ce point, l'administration n'a pas indiqué au contribuable les motifs des redressements, en méconnaissance de l'article L.57 du livre des procédures fiscales, qui dispose : "L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation" ; que, par suite, la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité sur ce chef de redressement ;
Considérant, il est vrai, que le ministre demande, pour le cas où les redressements effectués dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers seraient jugés irréguliers, de leur substituer un autre fondement et de confirmer les impositions à concurrence du montant des sommes qui auraient dû être taxées d'office au titre des revenus d'origine indéterminée et que le vérificateur aurait anormalement réduites ; que, par ce moyen, inexactement qualifié de substitution de base légale dès lors qu'il concerne une matière imposable différente de celle qui a été effectivement imposée, le ministre doit être regardé comme ayant, en fait, entendu demander le bénéfice de la compensation prévue par l'article L.203 du livre des procédures fiscales qui dispose : "Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande" ;
Considérant que le vérificateur a demandé à M. X... de justifier l'origine des fonds lui ayant permis d'effectuer des versements sur ses comptes bancaires et de financer son train de vie ; qu'il a considéré que le contribuable devait être regardé comme s'étant abstenu de répondre pour une partie des sommes à justifier ; que, cependant, il a déduit, des sommes qui n'avaient pu être justifiées, les revenus distribués de façon occulte à l'intéressé par la société "Le Rouge et le Noir" ; qu'aucun rehaussement n'a été effectué pour 1981 et 1983 et que celui de l'année 1982 a, en conséquence, été limité à 127 185 F ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur s'est borné, en ce qui concerne le train de vie, à procéder à une estimation forfaitaire des dépenses nécessaires pour l'entretien d'une famille de quatre personnes, sans déterminer les ressources dégagées au cours des années litigieuses et sans rechercher la part des dépenses qui pouvaient avoir fait l'objet de paiements par chèques ; que, ce faisant, il ne peut être regardé comme ayant réuni, sur ce point, les éléments mentionnés à l'article L.16 du livre des procédures fiscales, permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés ; que, dans ces conditions, les sommes correspondantes ne pouvaient donner lieu à taxation d'office et, par suite, ne constituent pas une omission ou une insuffisance de nature à compenser les dégrèvements reconnus justifiés ;
Considérant, d'autre part, que si le vérificateur était en droit de demander des justifications au contribuable sur l'origine de sommes portées au crédit de ses comptes bancaires et de regarder comme équivalant à un refus de réponse les explications relatives au rapatriement de fonds en provenance du Cameroun, pour lesquels M. X... n'a jamais été en mesure, malgré deux demandes de complément d'information, de justifier de leur origine camérounaise, il lui appartenait, en revanche, de prendre en considération, comme il l'a envisagé, les revenus distribués à son gérant par la société "Le Rouge et le Noir" et dont l'existence n'est pas affectée par le vice de la procédure d'imposition susmentionné ; que le montant de ces distributions comparé à celui des crédits bancaires est de nature, compte tenu du solde favorable au contribuable pour chaque année, à constituer la justification qui était demandée à l'intéressé ; que, sur ce point, la demande de l'administration ne peut, non plus, être accueillie et qu'en outre, M. X... est fondé à soutenir que la taxation d'office des revenus d'origine indéterminée au titre de l'année 1982 est sans fondement ;
Considérant que les conclusions tendant au remboursement des frais de poursuites ont été formulées pour la première fois en appel ; qu'elles sont, en tout état de cause, irrecevables ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'ORLEANS a rejeté sa demande ;
Article 1er - A concurrence de la somme de deux cent quatre vingt neuf mille deux cent quatre vingt sept francs (289 287 F), en ce qui concerne le complément d'impôt sur le revenu auquel M. X... a été assujetti au titre de l'année 1984, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. X....
Article 2 - Le jugement du Tribunal administratif d'ORLEANS en date du 11 avril 1991 est annulé.
Article 3 - Les bases de l'impôt sur le revenu assignées à M. X... au titre des années 1981, 1982 et 1983 sont réduites respectivement des sommes de deux cent neuf mille quatre vingt dix francs (209 090 F), cent soixante six mille trois cent cinquante et un francs (166 351 F) et quatre cent mille cent francs (400 100 F).
Article 4 - Il est accordé à M. X... décharge des droits et pénalités correspondant à la réduction des bases d'imposition définie à l'article 3.
Article 5 - Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 6 - Le présent arrêt sera notifié à M. X... et au ministre du budget.