Vu la requête n 93NT00719 enregistrée au greffe de la cour le 7 juillet 1993, présentée par Mme Denise X... demeurant à Saint-Germain- du-Corbeis (Orne) ... ;
Mme Denise X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 4 mai 1993 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1986, 1987 et 1988 ;
2 ) de lui accorder la décharge des impositions contestées ;
3 ) de décider que, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le pourvoi, il soit sursis à l'exécution du jugement et des impositions contestées ;
4 ) de lui accorder le remboursement des frais irrépétibles estimés à 90 000 F hors T.V.A. ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;. Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mars 1995 :
- le rapport de M. Grangé, conseiller,
- les observations de Me Simon, avocat de Mme X...,
- et les conclusions de M. Chamard, commissaire du gouvernement,
Considérant qu'à la suite des rehaussements du bénéfice imposable de la SARL X..., dont Mme Denise X... est la gérante, l'administration a imposé entre les mains de M. et Mme X..., dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les suppléments de bénéfices réalisés, considérés comme revenus distribués ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L.57 du livre des procédures fiscales : "L'administration adresse au contribuable une notification de redressements qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation" ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que l'administration a adressé à M. ou Mme X... le 6 septembre 1989 une notification de redressements dans laquelle elle indiquait que la vérification de comptabilité de la société gérée par Mme X... avait permis d'établir que certaines sommes devaient être considérées comme des revenus distribués en application des articles 109 à 111 du code général des impôts, que ces sommes étaient imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, et que dans la réponse à la notification de redressement adressée à la société Mme X... avait explicitement accepté cette désignation en qualité de gérant ; qu'en outre cette notification comportait l'indication des rehaussements que l'administration envisageait d'opérer ainsi qu'en annexe une copie de la notification de redressements adressée à la société ; qu'une telle notification qui indiquait clairement la nature des redressements envisagés, le montant de ces redressements, la catégorie de revenus, l'impôt et les années d'imposition était suffisamment explicite pour permettre au contribuable d'engager une discussion contradictoire avec l'administration et de présenter utilement ses observations ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'aux termes de l'article 109-1 du code général des impôts relatif aux revenus de capitaux mobiliers : "Sont considérés comme revenus distribués : 1 Tous les bénéfices et produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital" ; qu'aux termes de l'article 110 du même code : "Pour l'application de l'article 109-1-1 , les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assujetissement de l'impôt sur les sociétés" ; qu'enfin aux termes de l'article 117 du même code : "Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale ..., celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution ..." ;
En ce qui concerne l'existence et le montant des revenus distribués :
Considérant en premier lieu que la société X..., qui exploite une discothèque à Saint-Germain-du-Corbeis (Orne), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à la suite d'un avis en date du 4 février 1989 remis en main propre, et qui a débutée par un contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ainsi que de l'existence et de l'état des documents comptables ; qu'il résulte de l'instruction que les agents chargés du contrôle se sont présentés dans l'établissement le 3 février peu avant minuit ; que la date préimprimée figurant sur l'avis de vérification a été modifiée manuellement après minuit, lors de la remise du document au représentant du contribuable, pour être remplacée par celle du 4 février ; que si la requérante soutient que les opérations de contrôle ont débuté dès l'entrée des agents dans l'établissement, soit le 3 février, par l'enregistrement du dernier numéro du carnet à souche des entrées, elle n'en justifie par aucune pièce du dossier et notamment pas par les témoignages produits qui se bornent à faire état de la présence des agents avant minuit, sans qu'il en résulte qu'ils avaient alors commencé leurs investigations, ni par la constatation de l'heure d'achèvement de celles-ci ; qu'elle ne justifie pas davantage son allégation selon laquelle l'avis de vérification n'aurait été remis qu'à l'issue des opérations de contrôle du stock et de l'état des documents comptables ; que les irrégularités dont serait entaché le procès-verbal dressé à l'issue du contrôle inopiné sont sans incidence sur la régularité de la procédure de vérification ;
Considérant en deuxième lieu qu'il résulte de l'instruction que la société X... enregistrait globalement chaque jour les recettes de faible montant et n'a été en mesure de présenter aucune pièce justificative de ces recettes ; qu'ainsi, alors même que cette pratique n'aurait concerné que les recettes du bar, la comptabilité était, de ce seul fait et pour l'ensemble de la période vérifiée, dépourvue de toute valeur probante ; que l'administration pouvait, dès lors, reconstituer le chiffre d'affaires et le bénéfice ;
Considérant en troisième lieu que pour opérer cette reconstitution, le vérificateur a appliqué aux achats revendus les prix pratiqués par catégorie de produits en retenant les quantités unitaires déterminées en accord avec le représentant du contribuable ; qu'un pourcentage de 10 % du chiffre d'affaires du bar, porté ultérieurement à 20 %, a été retenu au titre des "offerts" ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les doses réellement pratiquées sont supérieures à celles retenues, avec l'accord du contribuable, par le vérificateur, ni que les billets d'entrée, qui donnaient droit à une consommation gratuite, pouvaient également conduire à d'autres consommations offertes alors que la société ne comptabilisait aucun "offert" à ce titre, ni l'existence d'une consommation personnelle et de pertes ; qu'ainsi l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'existence et du montant des revenus distribués résultant des redressements apportés aux bénéfices de la société ;
En ce qui concerne l'appréhension des revenus distribués :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que dans la réponse à la notification de redressements du 31 juillet 1989 adressée à la société, Mme X..., en sa qualité de gérante de celle-ci, s'est désignée comme bénéficiaire des revenus réputés distribués résultant des rehaussements du bénéfice de la société ; que dès lors, et à défaut d'apporter devant le juge de l'impôt la preuve d'une appréhension par une autre personne, Mme X... doit être regardée comme ayant appréhendé lesdits revenus nonobstant la circonstance que sa désignation serait intervenue à titre conservatoire et qu'elle n'aurait pas été contresignée par elle en qualité de bénéficiaire, et bien que l'administration n'ait pas établi, ce à quoi elle n'était pas tenue, l'existence d'un solde inexpliqué d'une balance de trésorerie ni celle d'une confusion de son patrimoine avec celui de la société ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est régulièrement motivé, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que Mme X... succombe dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme au titre des frais qu'elle a exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Article 1er - La requête de Mme X... est rejetée.
Article 2 - Le présent arrêt sera notifié à Mme X... et au ministre du budget.