Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 26 septembre 2000, présentée pour la société I.B.M. France, dont le siège est Tour Descartes, La Défense V - 2, avenue Gambetta, 92066 Paris La Défense Cedex, représentée par son président-directeur général, par Me Laurent DERUY, avocat au barreau de Paris ;
La société I.B.M. France demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 98-2763 et 98-2764 en date du 25 juillet 2000 du Tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à ce que l'agence de l'eau Loire-Bretagne soit condamnée à lui payer une somme de 2 002 288,02 F au titre de l'utilisation de logiciels qu'elle avait fournis à cet établissement public ;
2°) de condamner, soit sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, soit sur celui de l'enrichissement sans cause, l'agence de l'eau Loire-Bretagne à lui verser une indemnité de 2 002 288,02 F augmentée, soit des intérêts moratoires prévus au code des marchés publics, soit des intérêts de droit ;
3°) de condamner l'agence de l'eau Loire-Bretagne à lui verser, en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, une somme de 20 000 F ;
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C+ CNIJ n° 39-04
n° 39-05-01-02
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réforme à caractère économique et financier ;
Vu le décret n° 77-699 du 27 mai 1977 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes et de services ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2003 :
- le rapport de M. LEPLAT, président,
- les observations de Me VAUDESCAL substituant Me DELAPORTE, avocat de l'agence financière de bassin Loire-Bretagne,
- et les conclusions de M. MORNET, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 12.3 de l'acte d'engagement, valant, aux termes de l'article 1.2 du même acte, cahier des clauses administratives particulières applicables au marché par lequel la société I.B.M. France a concédé à l'agence de l'eau Loire-Bretagne le droit d'usage de progiciels : La personne publique doit, dans le mois suivant l'interruption, par l'une ou l'autre des parties, d'une concession de droit d'usage, détruire l'original du progiciel ainsi que toutes ses reproductions totales ou partielles, et celles qui ont été fusionnées dans des ensembles progiciels distincts ou faisant partie d'oeuvres dérivées. ; qu'en l'absence de toute autre stipulation relative aux obligations de la personne publique à l'expiration de la durée du marché, fixée au 31 décembre 1996 en application des stipulations de l'article 12.2 de l'acte d'engagement et de l'article 54 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes et de services approuvé par le décret susvisé du 27 mai 1977, les stipulations précitées de l'article 12.3 de l'acte d'engagement doivent être regardées comme s'appliquant aussi bien en cas d'interruption de la concession d'usage d'un ou plusieurs progiciels qu'à la date de l'expiration du marché et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que telle était bien la commune intention des parties ; que ces stipulations, dont l'objet même était de mettre à la charge d'une des parties au contrat une obligation ne trouvant à s'appliquer qu'après l'expiration de la durée de celui-ci, avaient nécessairement pour effet de maintenir une relation contractuelle après cette expiration et pouvaient, dès lors et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, être utilement invoquées par l'autre partie au-delà de la période d'exécution du contrat ; que, contrairement à ce que soutient l'agence de l'eau Loire-Bretagne, ces mêmes stipulations n'auraient pas pour effet, en autorisant sans limite la tacite reconduction du marché, de permettre aux parties de s'affranchir des principes et règles qui gouvernent la passation et l'exécution des marchés publics du seul fait qu'elles devraient être regardées comme impliquant nécessairement que la personne publique qui ne détruit pas les progiciels et continue d'en faire usage est tenue de payer les redevances correspondant à cet usage telles qu'elles sont prévues au contrat ; que, toutefois, l'indemnité due au fournisseur des progiciels en cas d'inexécution par la personne publique des obligations résultant de ces stipulations, si elle doit être représentée par les redevances contractuelles, ne saurait, sous peine de se transformer en rémunération d'un marché illégalement reconduit, correspondre au versement de ces redevances au-delà du terme de la période dont disposait ce fournisseur pour accomplir, notamment en saisissant le cas échéant le juge du contrat d'une demande tendant qu'il soit enjoint à la personne publique de se conformer à ses obligations contractuelles, les diligences nécessaires ; que, dans les circonstances de l'espèce, la durée de cette période doit être fixée à quatre mois courant à compter de l'expiration du délai d'un mois après l'expiration de la durée du marché dont disposait la personne publique pour procéder à la destruction des progiciels ;
Considérant, qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, la durée du marché litigieux s'achevait le 31 décembre 1996 ; qu'il n'est pas contesté que l'agence de l'eau Loire-Bretagne a continué de faire usage des progiciels, sans verser aucune redevance, jusqu'au 12 août 1998, date à laquelle a été notifié à la société I.B.M. France un nouveau marché conclu pour la concession de ces progiciels ; que, pour les raisons qui viennent d'être exposées, la société ne peut prétendre aux redevances contractuelles que pour la période s'étendant du 1er février 1997 au 31 mai 1997 ; que, compte tenu du montant non contesté de 2 002 288,02 F TTC demandé par cette société au titre de ces redevances pour une période de 19,4 mois, le montant de celles auxquelles elle peut prétendre pour une période de 4 mois doit être établi, sans qu'il y ait lieu de procéder à l'expertise sollicitée, à la somme de 412 842,89 F, soit 62 937,50 euros TTC ;
Considérant que la société I.B.M. France n'est pas fondée à soutenir qu'une somme de cette nature, qui ne figure pas au nombre de celles dont le mandatement devait intervenir dans les conditions et délais fixés par les stipulations contractuelles, devrait produire intérêts au taux fixé pour les intérêts moratoires par le code des marchés publics et que c'est à tort que les premiers juges ont décidé qu'elle porterait intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 1998, date de sa demande ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société I.B.M. France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans n'a que partiellement fait droit à sa demande ; qu'en revanche, l'agence de l'eau Loire-Bretagne est fondée à soutenir que les premiers juges ont fait, compte tenu notamment des négligences de la société requérante, une évaluation exagérée de l'indemnité qui devait lui être accordée ; que l'agence de l'eau Loire-Bretagne est, par suite, fondée à demander, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'agence de l'eau Loire-Bretagne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à la société I.B.M. France la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, il y a lieu de condamner la société I.B.M. France à verser à l'agence de l'eau Loire-Bretagne une somme de 1 000 euros au titre des frais de même nature exposés par cette dernière ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'indemnité que l'agence financière de bassin Loire-Bretagne, dénommée l'agence de l'eau Loire-Bretagne, est condamnée à verser à la société I.B.M. France est ramenée de 1 343 218,48 F (un million trois cent quarante trois mille deux cent dix huit francs et quarante huit centimes) à 412 842,89 F, soit 62 937,50 euros TTC (soixante deux mille neuf cent trente sept euros et cinquante centimes). Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 1998.
Article 2 : Le jugement en date du 25 juillet 2000 du Tribunal administratif d'Orléans est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La requête de la société I.B.M. France et le surplus des conclusions de l'agence financière de bassin Loire-Bretagne, dénommée l'agence de l'eau Loire-Bretagne, sont rejetés.
Article 4 : La société I.B.M. France paiera à l'agence financière de bassin Loire-Bretagne, dénommée l'agence de l'eau Loire-Bretagne, une somme de 1 000 euros (mille euros) en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société I.B.M. France, à l'agence financière de bassin Loire-Bretagne, dénommée l'agence de l'eau Loire-Bretagne et au ministre de l'écologie et du développement durable.
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