Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 4 février 2002, présentée pour M. Alain X, demeurant ..., par Me ROSSINYOL, avocat au barreau de Nantes ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 96.2427 et 96.2428, en date du 23 novembre 2001, du Tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1990 et 1991, d'autre part, du supplément de contribution sociale généralisée mis à sa charge au titre de l'année 1991, enfin, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1991 ;
2°) de lui accorder la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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C
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er septembre 2004 :
- le rapport de M. MARTIN, premier conseiller,
- les observations de Me ROSSINYOL, avocat de M. X,
- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 376, alors en vigueur, de l'annexe II au code général des impôts : ... seuls les fonctionnaires titulaires ou stagiaires appartenant à des corps des catégories A et B peuvent, dans le ressort territorial du service auquel ils sont affectés, fixer les bases d'imposition ou notifier des redressements. Les fonctionnaires territorialement compétents pour contrôler les déclarations de revenu global d'une personne physique peuvent également vérifier la situation fiscale des exploitations ou des entreprises, ou celle qui résulte des activités professionnelles que cette personne... dirige ou exerce en droit ou en fait... quel que soit le lieu où ces exploitations, entreprises et activités sont situées ou exercées... ;
Considérant que M. X ne conteste pas être domicilié fiscalement dans le département de Loire-Atlantique ; que, dès lors, en application des dispositions précitées de l'article 376 de l'annexe II au code général des impôts, le vérificateur affecté à la direction des services fiscaux de ce département a pu à bon droit vérifier la situation fiscale de l'activité professionnelle de loueur de fonds que M. X exerçait dans le département du Morbihan ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L.13 du livre des procédures fiscales : Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables ; qu'il résulte de ces dispositions que toute vérification de comptabilité doit en principe se dérouler dans les locaux de l'entreprise vérifiée ; que les locaux dont il s'agit sont ceux effectivement utilisés par l'entreprise à la date de la vérification et non ceux qui auraient été utilisés durant la période vérifiée ;
Considérant que M. X a été destinataire, en sa qualité de loueur de fonds, d'un premier avis de vérification daté du 18 janvier 1993 l'informant que le vérificateur se présenterait à son établissement sis 140, avenue du Général de Gaulle, à La Baule (Loire-Atlantique), le 29 janvier suivant ; que, par lettre du 22 janvier 1993, il a fait savoir audit vérificateur, d'une part, qu'il avait cédé le fonds sis à l'adresse sus-indiquée le 31 janvier 1992, d'autre part, qu'il continuait à exercer son activité à Quiberon (Morbihan) où il donnait en location un autre fonds de commerce, enfin, que le premier rendez-vous pouvait se tenir dans les bureaux appartenant à la société Bout d'Laine, dont il était le gérant, sis 125, avenue du Général de Gaulle, à La Baule ; que, par un second avis de vérification en date du 1er février 1993, le vérificateur a indiqué à M. X qu'il se présenterait à son établissement de Quiberon le 16 février suivant ; que, dès lors, le vérificateur, en décidant de fixer le lieu de la vérification à Quiberon, au seul endroit où s'exerçait encore l'activité de loueur de fonds de M. X et alors même que le contrôle fiscal aurait porté également sur la location, durant la période vérifiée, de fonds sis en Loire-Atlantique, n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L.13 du livre des procédures fiscales ; que si M. X soutient que l'établissement de Quiberon ne constituait pas son principal établissement et que le déplacement à Quiberon du lieu de la vérification aurait porté atteinte aux droits de la défense, il n'assortit ces moyens d'aucune justification de nature à leur conférer une portée utile ;
Considérant, en troisième lieu, que M. X fait valoir qu'ayant reçu, à la suite de la vérification de sa comptabilité, deux notifications de redressement datées respectivement des 20 avril et 21 septembre 1993, portant sur la même année d'imposition et la même catégorie de revenus, il aurait fait l'objet d'une double vérification de comptabilité, en violation des dispositions de l'article L.51 du livre des procédures fiscales qui interdit à l'administration de procéder à une seconde vérification de comptabilité au regard des impôts et pour la période qui ont déjà fait l'objet d'une première vérification de comptabilité ; que, toutefois, contrairement à ses affirmations, ledit article ne prohibe pas l'envoi de plusieurs notifications de redressement à la suite d'une vérification de comptabilité ; que le requérant n'allègue pas que le vérificateur aurait procédé à un nouvel examen de documents comptables postérieurement à l'envoi de la première notification de redressements ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction que, dans sa réponse, en date du 7 juin 1993, aux observations émises par le contribuable sur les redressements qui lui avaient été notifiés par lettre du 20 avril 1993, le service des impôts a suffisamment développé, au regard des observations émises, les motifs pour lesquels il entendait maintenir les redressements ; que, par suite et en tout état de cause, le moyen tiré de la motivation insuffisante de cette réponse manque en fait ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le montant des recettes de location-gérance :
Considérant que M. X a donné en location-gérance à compter du 30 décembre 1983 à la SARL Bout d'Laine, dont il était le gérant, deux fonds de commerce lui appartenant, sis l'un à La Baule, l'autre à Quiberon, moyennant le paiement d'une redevance comprenant une part fixe annuelle de 60 000 F et une part proportionnelle égale à la moitié des bénéfices avant impôt réalisés par la société locataire dans les fonds loués et arrêtés au 31 décembre de l'année précédente ; qu'à la suite de la vérification de comptabilité dont la SARL Bout d'Laine a été l'objet, l'administration a réintégré dans les résultats de cette société des recettes qui avaient été omises au titre des exercices clos en 1988, 1989 et 1990 ; que cette réintégration a eu pour effet de rendre bénéficiaires les résultats déclarés par la société à la clôture des exercices 1989 et 1990 comme étant déficitaires ; que l'administration a estimé qu'en ayant renoncé à percevoir au titre des années 1990 et 1991 la part proportionnelle de la redevance sus-mentionnée alors que les résultats de la société constatés aux 31 décembre 1989 et 1990 étaient devenus bénéficiaires, M. X avait commis un acte anormal de gestion ; que, par suite, elle a réintégré dans les revenus imposables du requérant, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, au titre des années 1990 et 1991, une somme égale à la moitié des bénéfices réalisés par la société Bout d'Laine, soit 53 385 F (8 138,49 euros) en 1990 et 81 025 F (12 352,18 euros) en 1991 ;
Considérant que M. X soutient que la clause du contrat de gérance libre relative à la fraction proportionnelle de la redevance a été supprimée par un avenant audit contrat conclu le 22 décembre 1984 ; que cet avenant, dont il a produit une copie, a, à compter du 1er janvier 1985, porté le montant de la part fixe de la redevance de 60 000 F à 80 000 F et supprimé la part proportionnelle ; que les rapports établis par la gérance de la société Bout d'Laine au titre des exercices clos en 1984 et 1985 en application de l'article 50 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, repris à l'article L.223-19 du code du commerce, qui prévoit que le gérant présente à l'assemblée un rapport sur les conventions intervenues entre la société et l'un de ses gérants ou associés, s'ils ne mentionnent pas l'existence d'un tel avenant, font état d'une augmentation de la redevance de 20 000 F entre 1984 et 1985 ; que M. X fait valoir, en versant aux débats des pièces extraites de la comptabilité de la société Bout d'Laine, qu'il a effectivement perçu une redevance de 80 000 F au cours des années 1990 et 1991 ; que si l'administration met en cause l'authenticité de l'avenant litigieux et fait valoir qu'il est dépourvu de date certaine et que son existence n'a été révélée par le contribuable que lors de son audition par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, elle n'établit pas, ainsi qu'elle en a la charge, que le versement d'une redevance d'un montant de 80 000 F ne correspondrait pas à un accord entre les parties ; que, par ailleurs, elle n'allègue pas que ce montant serait anormalement bas ; qu'il suit de là que l'administration n'était pas fondée à réintégrer dans les bases d'imposition sur le revenu du requérant, au titre des années 1990 et 1991, une somme correspondant à la moitié des bénéfices réalisés par la société Bout d'Laine ;
En ce qui concerne la cession d'un local commercial :
Considérant que M. X a cédé, par acte du 27 septembre 1991, un local commercial lui appartenant sis à Nantes, pour un montant de 1 300 000 F ; qu'après réception d'une mise en demeure, il a souscrit le 18 mai 1993, à raison de cette vente, une déclaration mentionnant une plus-value à long terme s'élevant à 220 106 F ; que le vérificateur, estimant que cette opération relevait du régime de taxation des plus-values privées prévu par les dispositions de l'article 150 A du code général des impôts, a fixé le montant de la plus-value taxable à 686 120 F ; que le requérant soutient que, ayant été imposé dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux à raison des revenus tirés de la location du local vendu, la plus-value constatée à l'occasion de la vente dudit local ne saurait relever du régime des plus-values des particuliers ;
Considérant toutefois qu'il est constant que l'immeuble dont il s'agit n'était pas inscrit à l'actif de l'entreprise individuelle de location de M. X ; qu'en maintenant cet immeuble dans son patrimoine privé, M. X a pris une décision de gestion qui lui est opposable ; qu'ainsi, la cession du local ne portant pas sur un élément d'actif immobilisé, la plus-value réalisée ne pouvait être soumise au régime de taxation des plus-values professionnelles en application des dispositions de l'article 39 duodecies du code général des impôts ; que M. X ne saurait, en tout état de cause, utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L.80 B du livre des procédures fiscales, de ce que, dans ses notifications de redressements en date du 22 août 1988, 20 avril 1993 et 14 mai 1993, l'administration a indiqué que les revenus tirés de la location dudit local commercial relevaient de plein droit des bénéfices industriels et commerciaux et constituaient un accessoire à la location du fonds sis à La Baule dont la cession a donné lieu à l'imposition d'une plus-value professionnelle, dès lors que ces prises de position ne portent pas sur le régime d'imposition applicable à la plus-value constatée à l'occasion de la cession dudit local ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté en totalité le surplus des conclusions de ses demandes ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner l'Etat à verser à M. X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er :
Les bases de l'impôt sur le revenu assignées à M. Alain X dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux sont réduites d'un montant de 8 138,49 euros (huit mille cent trente-huit euros quarante-neuf centimes) au titre de l'année 1990 et de 12 352,18 euros (douze mille trois cent cinquante-deux euros dix-huit centimes) au titre de l'année 1991.
Article 2 :
M. Alain X est déchargé de la différence entre le montant des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1990 et 1991 et le montant résultant de l'article précédent.
Article 3 :
Le jugement du Tribunal administratif de Nantes en date du 23 novembre 2001 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 :
Le surplus des conclusions de la requête de M. Alain X est rejeté.
Article 5 :
L'Etat versera à M. Alain X une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 6 :
Le présent arrêt sera notifié à M. Alain X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
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