Vu le recours, enregistré le 13 avril 2001, présenté par le ministre de l'emploi et de la solidarité ; le ministre de l'emploi et de la solidarité demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 95-3212 du 24 octobre 2000 du Tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a annulé la mise en demeure en date du 4 septembre 1995 par laquelle le contrôleur du travail de la 2ème section de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de la Loire-Atlantique s'est réservé la possibilité de relever à l'encontre de la société à responsabilité limitée (SARL) Grand Jour une infraction aux articles L.320, L.324-9 et L.324-10 du code du travail ;
2°) de rejeter la demande présentée par la SARL Grand Jour devant le Tribunal administratif de Nantes ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 novembre 2005 :
- le rapport de M. Geffray, rapporteur ;
- les conclusions de M. Millet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par un jugement du 24 octobre 2000, le Tribunal administratif de Nantes a annulé la décision en date du 4 septembre 1995 par laquelle le contrôleur du travail de la 2ème section de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de la Loire-Atlantique, après avoir constaté que les conditions d'embauche étaient irrégulières, a invité la société à responsabilité limitée (SARL) Grand Jour à régulariser cette situation, faute de quoi il se réservait la possibilité de relever à son encontre l'infraction aux dispositions des articles L.320, L.324-9 et L.324-10 du code du travail ; que le ministre de l'emploi et de la solidarité fait appel de ce jugement ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant que, dans sa lettre du 4 septembre 1995, le contrôleur du travail a demandé à la SARL Grand Jour de régulariser la situation des candidats à des emplois dans cette société, appelés à subir des tests professionnels et lui a indiqué, d'une part, qu'elle devait verser à une candidate le salaire correspondant à deux journées de travail effectuées les 17 et 18 août 1995, d'autre part, qu'en l'absence de régularisation, il se réserve la possibilité de relever à son encontre l'infraction à l'article L.320 du code du travail et/ou l'infraction aux articles L.324-10 et L.324-9 respectivement relatifs à la déclaration préalable à l'embauche et au travail clandestin ; que, compte tenu de l'injonction qu'elle contient et de la menace de sanction dont elle est assortie, cette mise en demeure comporte, contrairement à ce que soutient le ministre de l'emploi et de la solidarité, une décision faisant grief à l'intéressée et susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que, par suite, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Nantes n'a pas accueilli la fin de non-recevoir opposée par le ministre ;
Sur la légalité de la décision contestée :
Considérant qu'aux termes de l'article L.320 du code du travail, alors en vigueur : L'embauche d'un salarié ne peut intervenir qu'après déclaration nominative effectuée par l'employeur auprès des organismes de protection sociale désignés à cet effet dans les conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat. Cette déclaration, dont la mise en oeuvre sera progressivement étendue à l'ensemble des départements, est obligatoire à compter du 1er septembre 1993, selon les modalités prévues par décret en Conseil d'Etat. A cette date, le non-respect de l'obligation de déclaration est sanctionné par les peines prévues par décret en Conseil d'Etat et constaté par les agents énumérés à l'article L.324-12… ; qu'aux termes de l'article L.324-9 du même code, alors en vigueur : Le travail clandestin est la dissimulation de tout ou partie de l'une des activités mentionnées à l'article L.324-10 et exercées dans les conditions prévues par cet article. Le travail clandestin est interdit ainsi que la publicité, par quel que moyen que ce soit, tendant à favoriser, en toute connaissance de cause, le travail clandestin. Il est également interdit d'avoir recours sciemment, directement ou par personne interposée, aux services de celui qui exerce une activité dans les conditions visées au premier alinéa. Toutefois, sont exclus des interdictions ci-dessus les travaux d'urgence dont l'exécution immédiate est nécessaire pour prévenir les accidents imminents ou organiser les mesures de sauvetage ; qu'aux termes de l'article L.324-10 du même code, alors en vigueur : Est réputé clandestin l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne physique ou morale qui s'est soustraite intentionnellement à l'une quelconque des obligations suivantes : 1° requérir son immatriculation au répertoire des métiers ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire ; 2° procéder aux déclarations exigées par les organisations de protection sociale et par l'administration fiscale ; 3° en cas d'emploi de salariés, effectuer au moins deux des formalités prévues aux articles L.143-3, L.143-5 et L.620-3 du présent code. Il en est de même de la poursuite d'une des activités mentionnées au premier alinéa du présent article après refus d'immatriculation au répertoire des métiers ou au registre du commerce et des sociétés, ou postérieurement à une radiation ;
Considérant que s'il est reproché à la SARL Grand Jour de ne pas avoir respecté les durées des tests prévues aux convocations des candidats à l'emploi de phoniste et d'avoir fait travailler ceux-ci au-delà de ces durées, le Tribunal administratif de Nantes, pour annuler la décision du contrôleur du travail en date du 4 septembre 1995, a retenu la circonstance que celui-ci avait totalisé l'ensemble des durées consacrées aux tests ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal n° 65-95 établi le 1er décembre 1995 par les services de l'inspection du travail de Loire-Atlantique, produit en appel par le ministre de l'emploi et de la solidarité, que le représentant de la SARL Grand Jour, exploitant un local commercial à Orvault, qui avait fait l'objet d'un contrôle des services du travail le 29 août 1995, avait reconnu qu'une candidate à l'emploi de phoniste a travaillé douze heures les 17 et 18 août 1995 ; que c'est dès lors à tort que, par l'article premier du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur une inexactitude matérielle des faits ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SARL Grand Jour tant devant le Tribunal administratif de Nantes que devant la Cour ;
Considérant que la circonstance que la décision attaquée du 4 septembre 1995 n'aurait pas comporté la mention des voies et délais de recours est sans incidence sur sa légalité ;
Considérant que les faits reprochés à la SARL Grand Jour ne concernent ni une situation exposant les salariés à un danger grave et imminent pour leur intégrité physique, ni l'hygiène, la sécurité et les conditions de travail ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la mise en demeure en date du 4 septembre 1995 ne comporterait pas les mentions prévues par les dispositions du quatrième alinéa de l'article L.231-4 du code du travail est inopérant ;
Considérant que le 29 août 1995, M. X a reçu les services de l'inspection du travail ; qu'au cours de cette inspection, il a refusé d'admettre l'embauche d'une des candidates dès le 17 août 1995 ; qu'ainsi, il s'est comporté comme le représentant de l'employeur ; que, dès lors, l'administration a pu valablement envoyer à M. X et à l'adresse de la société Sodifra à Toulouse la mise en demeure litigieuse ;
Considérant qu'alors qu'elle ne devait subir que des tests professionnels d'une durée, selon sa convocation, allant d'une heure à deux heures, une candidate à l'emploi de phoniste a, comme il a été précédemment dit, travaillé douze heures les 17 et 18 août 1995 ; que, compte tenu de cette durée, c'est par une exacte application des dispositions précitées que l'administration a considéré que cette candidate à l'embauche a exercé un travail rémunéré au cours de ces deux journées et que la SARL Grand Jour devait lui verser le salaire correspondant à ses journées de travail et déclarer préalablement l'embauche des candidats recrutés ;
Considérant que le détournement de procédure n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'emploi et de la solidarité est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du contrôleur du travail en date du 4 septembre 1995 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la SARL Grand Jour la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Nantes du 24 octobre 2000 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société à responsabilité limitée Grand Jour devant le Tribunal administratif de Nantes et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement et à la société à responsabilité limitée Grand Jour.
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N° 01NT00645
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