Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 3 juillet 2003, présentée pour M. Richard X, demeurant au lieudit ...), par Me Lalande, avocat au barreau d'Alençon ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 02-569 du 17 avril 2003 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 février 2002 du préfet de la Manche lui refusant l'autorisation d'exploiter un parc à huîtres de 209 ares 24 ca dans l'archipel de Chausey, sur le territoire de la commune de Granville ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Manche de communiquer la liste des conchyliculteurs installés sur les îles Chausey depuis 1990 à ce jour, avec mention des dates d'octroi des concessions conchylicoles ;
4°) de condamner le préfet de la Manche à réexaminer sa demande et à prendre une décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 80 euros par jour de retard, sur le fondement des dispositions des articles L. 911-2 et L. 911-3 du code de justice administrative ;
5°) de condamner le préfet de la Manche à lui verser une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 83-228 du 22 mars 1983 modifié, fixant le régime de l'autorisation des exploitations des cultures marines ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2005 :
- le rapport de M. Sire, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Artus, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X interjette appel du jugement du 17 avril 2003 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 février 2002 du préfet de la Manche lui refusant l'autorisation d'exploiter un parc à huîtres de 209 ares 24 ca dans l'archipel de Chausey, sur le territoire de la commune de Granville ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 22 mars 1983 fixant le régime de l'autorisation des exploitations de cultures marines : “Toute exploitation est constituée par l'ensemble des parcelles faisant l'objet d'autorisations accordées à un même exploitant par le commissaire de la République, sous la forme d'actes de concession, sur la proposition du directeur des affaires maritimes. L'acte de concession (…) : 1° Fixe la durée de l'autorisation, les conditions d'occupation et d'utilisation du domaine public concédé, y compris les aménagements et ouvrages nécessités par cette utilisation ainsi que la nature des cultures autorisées et les techniques utilisées ; 2° Détermine les modalités suivant lesquelles ces conditions peuvent être modifiées en cours de concession, soit à la demande du concessionnaire, soit par décision du commissaire de la République, prise sur proposition du directeur des affaires maritimes après avis de la commission des cultures marines mentionnée à l'article 3 (…)” ; qu'aux termes de l'article 8 du même décret : “(…) l'acte de concession est accordé par le préfet, commissaire de la République du département, qui le notifie à son titulaire (…)” ;
Considérant, d'une part, que le premier motif du refus prononcé par l'arrêté préfectoral du 13 février 2002, selon lequel la délivrance de nouvelles concessions de cultures marines dans l'archipel de Chausey, zone de protection spéciale, constituerait un risque de rupture de l'équilibre actuel entre les différentes activités, professionnelles ou de loisir, déjà présentes, ne repose sur aucun élément du dossier permettant d'en justifier la pertinence ;
Considérant, d'autre part, que l'arrêté préfectoral contesté est également motivé par le fait que “la zone où se situe la demande de création de ce parc est utilisée de manière fréquente par les activités de pêche de loisir et d'échouage de navires de plaisance, faits constatés lors de toutes les missions de contrôle et de surveillance effectuées par des agents des Affaires Maritimes, et notamment le 31 janvier 2002” et que “cette zone ne saurait être concédée sans créer un danger à la navigation de plaisance et à la pêche de loisir, les tables ostréicoles constituant un obstacle à la navigation et à la circulation” ; que, toutefois, le risque ainsi allégué par le préfet de la Manche n'est établi par aucune pièce du dossier, alors qu'il est constant que la parcelle où M. X projette la création d'un parc à huîtres appartient à une zone supportant déjà des parcelles ostréicoles exploitées, dont les emplacements sont matérialisés par des balisages spécifiques ;
Considérant, enfin, que pour refuser l'autorisation d'exploiter sollicitée, le préfet de la Manche a également estimé qu'“une approche de précaution est à retenir tant que les limites de biomasse acceptables n'ont pas été évaluées scientifiquement pour éviter de remettre en cause la viabilité des stocks en élevage” et qu'“en l'absence d'étude scientifique permettant d'évaluer ce niveau sur Chausey, il convient de ne pas augmenter la biomasse en élevage par l'attribution de nouvelles concessions” ; que si le schéma des structures des exploitations de cultures marines du département de la Manche, approuvé par arrêté préfectoral du 10 juillet 1998, a classé le secteur des îles Chausey au nombre de ceux saturés, l'administration ne se réfère, cependant, à aucune étude scientifique permettant de justifier le bien-fondé d'un tel classement, lequel s'appuie seulement sur un avis du 29 septembre 1997 de l'IFREMER constatant une saturation pour “le bassin conchylicole de la Côte Ouest du Cotentin”, émis avant toute étude définitive ; que si le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales produit, en appel, un rapport de mars 2002 de l'IFREMER relatif à la nécessité d'une régulation des élevages conchylicoles, un tel rapport, au demeurant postérieur à la date de l'arrêté contesté, porte sur le département de la Manche dans son ensemble, sans évoquer la situation particulière de l'archipel de Chausey ; que, par suite, alors que le requérant produit une étude de septembre 2000 de l'IFREMER, dont les conclusions non contestées, citent les îles Chausey où sont relevés de bons résultats en terme de rendement et de taux de croissance ostréicole, le préfet de la Manche a fait reposer son refus opposé à la demande d'autorisation d'exploiter un parc à huîtres présentée par M. X sur une appréciation erronée de la situation caractérisant la zone dont dépend la parcelle retenue pour ce projet ; qu'il suit de là que l'arrêté contesté du 13 février 2002 doit être annulé ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 911-2 et L. 911-3 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : “Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé.” ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : “Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet.” ;
Considérant que l'annulation de l'arrêté du 13 février 2002 du préfet de la Manche implique nécessairement que celui-ci statue à nouveau sur la demande dont il a été saisi par M. X ; que, dès lors, il y a lieu, sur le fondement des dispositions précitées, d'enjoindre au préfet de la Manche de réexaminer la demande de M. X dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 février 2002 du préfet de la Manche lui refusant l'autorisation d'exploiter un parc à huîtres dans l'archipel de Chausey, sur le territoire de la commune de Granville ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner l'Etat à verser à M. X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 17 avril 2003 du Tribunal administratif de Caen et l'arrêté du 13 février 2002 du préfet de la Manche sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Manche de statuer à nouveau sur la demande de M. X dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 80 euros (quatre-vingt euros) par jour de retard.
Article 3 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Richard X et au ministre de l'agriculture et de la pêche.
N° 03NT01044
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N° «Numéro»
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