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29/06/2006 | FRANCE | N°03NT01575

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ere chambre b, 29 juin 2006, 03NT01575


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la Cour le 24 septembre et le 23 décembre 2003, présentés pour la SA ALROC ROUX, dont le siège est ..., par Me X..., avocat au barreau de Paris ; la SA ALROC ROUX demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9900358 en date du 3 juin 2003 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1993 et 1994, ainsi que des pénalités dont ils étaie

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2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'E...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la Cour le 24 septembre et le 23 décembre 2003, présentés pour la SA ALROC ROUX, dont le siège est ..., par Me X..., avocat au barreau de Paris ; la SA ALROC ROUX demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9900358 en date du 3 juin 2003 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1993 et 1994, ainsi que des pénalités dont ils étaient assortis ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat au paiement des intérêts moratoires à compter du 10 mai 1996 ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juin 2006 :

- le rapport de Mme Michel, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure de contrôle :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité s'est déroulée dans les locaux de l'entreprise et que la SA ALROC ROUX ne démontre pas que le vérificateur, lors de ses douze interventions et de la réunion de synthèse tenue le 12 juillet 1995, se serait refusé à tout échange de vues avec son représentant ; qu'en tout état de cause, les dispositions des articles L.45 et R.45 B-1 du livre des procédures fiscales n'imposent pas au vérificateur fiscal qui, au cours de la vérification ou au cours de l'instruction des observations du contribuable, recueille l'avis du ministère de la recherche et de la technologie dans les conditions prévues à ces articles, de porter la teneur et la portée dudit avis à la connaissance du contribuable pour lui permettre d'en discuter le contenu ; que si, avant d'adresser à la SA ALROC ROUX la notification de redressements en date du 27 juillet 1995, le vérificateur a sollicité l'avis du ministère de la recherche et de la technologie sur le caractère innovant des projets pour lesquels la société avait engagé les dépenses qu'elle estimait éligibles au crédit d'impôt pour dépenses de recherche, l'expert du secrétariat d'Etat à la recherche n'a toutefois rendu son avis que le 12 octobre suivant ; que, dans ces conditions, les redressements notifiés à la SA ALROC ROUX ont été établis, s'agissant de la remise en cause du crédit d'impôt pour dépenses de recherche prévu par l'article 244 quater B du code général des impôts qu'elle avait déclaré au titre des exercices 1993 et 1994, sur les seuls éléments recueillis par le vérificateur lors de ses propres opérations de contrôle ; qu'ainsi la requérante ne peut utilement soutenir que le service se serait refusé à tout débat oral et contradictoire au motif qu'il se serait exclusivement appuyé sur l'avis émis par l'expert du secrétariat d'Etat à la recherche ;

Considérant qu'en tout état de cause les dispositions des articles L.45 B et R.45 B-1 du livre des procédures fiscales n'imposent pas aux agents du ministère de la recherche et de la technologie d'engager avec l'entreprise un débat oral et contradictoire sur la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt ; que si elles prévoient que les résultats du contrôle effectué par ces agents sont communiqués au contribuable, cette obligation ne porte pas sur le rapport d'expertise établi par le ministère chargé de la recherche et la technologie ;

Sur la régularité de la procédure de redressement :

Considérant qu'aux termes de l'article L.57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'espèce : “L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (…)” ; qu'aux termes de l'article R.57-1 du même livre : “La notification de redressement prévue par l'article L.57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la notification” ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une notification de redressement doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ;

Considérant que la notification de redressement, qui se réfère aux dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts et de l'article 49 septies F de l'annexe III à ce code, indique pour les années 1993 et 1994, les montants en cause et précise les raisons pour lesquelles les projets présentés par la SA ALROC ROUX ne pouvaient être regardés comme des opérations de recherche éligibles au crédit d'impôt recherche ; qu'elle mentionne également l'absence dans l'entreprise de personnel disposant de la formation suffisante indispensable à la réalisation de travaux de recherche et de conception et les anomalies affectant la quotité et les modalités de détermination des dépenses de recherche ; qu'ainsi la notification de redressement qui était suffisamment motivée en droit et en fait et permettait à son destinataire d'engager utilement le débat contradictoire, répond aux exigences de l'article L.57 du livre des procédures fiscales ; qu'au demeurant, l'administration fiscale a repris, dans la réponse aux observations du contribuable en date du 24 novembre 1994, en fin d'exposé, les termes de l'avis de l'expert du secrétariat d'Etat à la recherche ; qu'enfin, la circonstance que le vérificateur a informé la société qu'il saisissait le ministère de la recherche et de la technologie n'a pas eu pour effet de priver de portée les éventuelles observations ultérieures du contribuable ;

Considérant que les redressements relatifs à la remise en cause des crédits d'impôt recherche ayant été confirmés le 24 novembre 1995 sur les seuls éléments relevés par le vérificateur lors de ses propres opérations de contrôle, la SA ALROC ROUX ne peut utilement soutenir qu'elle aurait été privée des garanties liées au caractère contradictoire de la procédure de redressement ;

Considérant enfin que le crédit d'impôt recherche litigieux, qui est une modalité du paiement de l'impôt dû par le contribuable, n'entre dans aucun des cas susceptibles d'être soumis à la commission départementale des impôts, en application de l'article L.59 du livre des procédures fiscales, dès lors qu'il ne peut se rattacher aux débats portant sur la détermination des bases d'imposition, et notamment du montant du bénéfice industriel et commercial ; que, dès lors, le fait que l'administration se soit abstenue de saisir la commission n'a pas affecté la régularité de la procédure contradictoire appliquée aux redressements en litige ;

Sur le bien fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts alors en vigueur, sont considérées comme opérations de recherche scientifique et technique, pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du même code relatives au crédit d'impôt pour dépenses de recherche, outre les activités ayant un caractère de recherche et celle ayant un caractère de recherche appliquée, celles “ayant le caractère de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services, ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté” ;

Considérant que, pour apprécier la déductibilité des dépenses au titre du crédit d'impôt recherche, il y a lieu d'examiner si les opérations de développement expérimental en cause présentent un caractère de nouveauté au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts ;

Considérant que la SA ALROC ROUX, sise à Tuffe (Sarthe), qui a pour activité la fabrication d'outils, a entendu bénéficier d'un crédit d'impôt recherche au titre de l'exercice clos en 1993 d'un montant de 385 428 F et au titre de l'exercice clos en 1994 d'un montant de 476 000 F ; qu'il résulte de l'instruction que l'objectif des travaux menés par la SA ALROC ROUX est de concevoir des outils, pinces et matériels pour dénuder les câbles, travaux pour lesquels elle exploite des brevets passés, pour bon nombre d'entre eux, dans le domaine public ; que l'examen par le vérificateur des projets présentés par le contribuable a révélé que sur les vingt-et-un projets présentés pour l'année 1993, six avaient été abandonnés, que d'autres projets concernent des dossiers pour lesquels une procédure en revendication de propriété de brevets est pendante, ou encore ne consistent qu'en de simples modifications des outils et pinces existants ; qu'en outre le vérificateur a constaté que la SA ALROC ROUX a eu accès à des procédés déjà élaborés par d'autres entreprises par des acquisitions ou concession de droits d'exploitation ; que ces éléments mettent en évidence la nécessité pour la société requérante d'exploiter les travaux d'autrui ; que, par ailleurs, il résulte des investigations effectuées sur place que les travaux de la SA ALROC ROUX sont menés sans étude préalable et sans recherche bibliographique ; que le département recherche n'effectue aucun suivi précis du développement des produits et les études menées ne sont pas synthétisées dans un document d'analyse ; que les travaux consistent en l'amélioration progressive des produits existants, directement sur la machine ; que si la société requérante se prévaut d'une attestation en date du 7 juin 1995 rédigée par un conseil en propriété industrielle qui déclare avoir effectué des recherches bibliographiques, lesdites recherches ont toutefois été effectuées aux fins de présentation des demandes de brevets auprès de l'Institut national de la propriété intellectuelle et non en préalable à des travaux de recherche ; que les dossiers techniques présentés aux fins de demande de dépôt de brevets ne contiennent aucun élément permettant d'identifier des travaux de recherche et de développement ; que cela a été confirmé par l'avis de l'expert du ministère de la recherche ; qu'il résulte de ce qui précède que les opérations menées par le SA ALROC ROUX consistent à utiliser des techniques existantes auxquelles elle apporte des améliorations qui ne présentent pas un caractère de nouveauté de nature à constituer le résultat d'une recherche au sens des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts ; que c'est par suite à bon droit que l'administration a remis en cause l'éligibilité des projets présentés au titre du crédit d'impôt recherche ;

En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation de la loi fiscale donnée par l'administration :

Considérant que l'instruction 4 A-6-88 du 22 avril 1988 ne donne pas des opérations de développement expérimental une interprétation différente de celle qui résulte de la loi fiscale ; que, par suite, la SA ALROC ROUX ne peut utilement s'en prévaloir, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, pour demander la prise en compte au titre du crédit d'impôt recherche, des dépenses exposées par elle ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA ALROC ROUX n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la SA ALROC ROUX la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SA ALROC ROUX est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA ALROC ROUX et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

N° 03NT01575

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ere chambre b
Numéro d'arrêt : 03NT01575
Date de la décision : 29/06/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme MAGNIER
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: M. HERVOUET
Avocat(s) : MONTRAVERS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-06-29;03nt01575 ?
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