Vu la requête, enregistrée le 15 avril 2005, présentée pour M. Michel X, demeurant ..., par Me Gauchard, avocat au barreau d'Angers ; M. X demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 00-4922 en date du 28 janvier 2005 du Tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1995, 1996 et 1997, d'autre part, des cotisations supplémentaires de contribution sociale généralisée, de contribution pour le remboursement de la dette et de prélèvement social de 2 % auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1997 ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions susmentionnées laissées à sa charge ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 avril 2007 :
- le rapport de M. Martin, rapporteur ;
- les observations de Me Lefeuvre, substituant Me Gauchard, avocat de M. X ;
- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant que M. X a, par contrat du 2 janvier 1991, donné en location-gérance à l'EURL X, société dont il était l'unique associé, le fonds de restaurant-traiteur qu'il exploitait jusqu'alors à titre individuel à Montfaucon-sur-Moine (Maine-et-Loire) ; que ledit contrat stipulait le versement au bailleur par le preneur d'une redevance annuelle d'un montant de 240 000 F hors taxes ; que, par un premier avenant daté du 13 janvier 1992, les parties au contrat ont décidé de supprimer la clause stipulant que la redevance était indexée sur l'indice du coût de la construction ; que, par un second avenant daté du 10 mai 1995, elles sont convenues de ramener la redevance, à compter du 1er janvier 1994, à un montant de 180 000 F hors taxes ; que M. X a cédé son fonds à l'EURL le 30 avril 1997 moyennant le prix de 1 500 000 F ; qu'il a placé la plus-value réalisée à l'occasion de cette cession ainsi que celle correspondant à la reprise, à la même date, d'immeubles d'exploitation dans son patrimoine privé, sous le régime d'exonération prévu par l'article 151 septies du code général des impôts ; que l'administration a, d'une part, rehaussé les recettes perçues par le requérant, au titre des années 1995, 1996 et 1997, au motif que l'intéressé, en concluant les avenants susmentionnés, aurait anormalement renoncé à percevoir des loyers et, d'autre part, imposé les plus-values de cession du fonds et de reprise des immeubles d'exploitation au titre de l'année 1997 ; qu'elle a assorti les impositions supplémentaires assignées à M. X au titre de l'année 1997 de la majoration prévue par l'article 1729 du code général des impôts en cas d'abus de droit, au motif que l'avenant du 10 mai 1995, conclu dans un but exclusivement fiscal, était constitutif d'un abus de droit ;
Sur l'acte anormal de gestion :
Considérant que l'administration soutient qu'en acceptant, par la conclusion de l'avenant au contrat de location-gérance du 10 mai 1995, de ramener la redevance de 240 000 F à 180 000 F, sans justifier de l'intérêt que représentait pour son entreprise de louage de fonds une telle diminution de ses recettes, M. X a anormalement renoncé à la perception de recettes ; que, toutefois, elle se borne à contester les affirmations du contribuable selon lesquelles la situation financière de l'EURL justifiait la baisse des redevances et n'établit pas, alors notamment qu'elle admet ne pas opposer de termes de comparaison pertinents à ceux proposés par le requérant, que cette baisse aurait eu pour effet de porter la redevance à un niveau anormalement bas et, par suite, n'apporte pas la preuve qui lui incombe de ce que ledit avenant était constitutif d'un acte anormal de gestion ; qu'il suit de là que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort qu'a été réintégrée dans ses revenus, au titre des années 1995, 1996 et 1997, la fraction des redevances qu'il aurait dû percevoir en l'absence d'intervention de l'avenant ;
Sur l'abus de droit :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : “Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (...) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus (...). L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité (…). Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement” ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use de la faculté qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que celles de l'espèce où, en l'absence de saisine du comité consultatif pour la répression des abus de droit, la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif ou que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 151 septies du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : “Les plus-values réalisées dans le cadre d'une activité (…) commerciale (…) par des contribuables dont les recettes n'excèdent pas le double de la limite du forfait (…) sont exonérées, à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans, et que le bien n'entre pas dans le champ de l'article 691 (…)” ; que l'article 202 bis du même code, dans sa rédaction alors applicable, dispose qu'en cas “de cession ou de cessation de l'entreprise, la condition de plafond de recettes pour bénéficier de l'exonération prévue à l'article 151 septies doit s'apprécier sur l'année de réalisation de la plus-value et sur l'année précédente” ;
Considérant que, pour expliquer la révision du montant de la redevance, M. X fait notamment état de la nécessité de réaliser des investissements importants dans laquelle s'est trouvée l'EURL pour, à la fois, assurer le renouvellement du matériel d'exploitation et faire face aux besoins du développement rapide de l'activité de traiteur ; que dès lors que, comme il vient d'être dit, l'administration n'établit pas que le niveau de la redevance fixé par l'avenant en litige serait anormalement bas la circonstance, invoquée par celle-ci pour apporter la preuve qui lui incombe, que l'EURL ne connaissait aucune difficulté financière et aurait été en mesure de financer les investissements en cause sans le secours de la baisse de la redevance ne saurait conférer à la conclusion de l'avenant un caractère artificiel et par suite suffire à établir que cet avenant signé en 1995 ne pouvait être motivé que par la volonté d'éluder l'imposition des plus-values professionnelles réalisées en 1997 à la suite de la cession du fonds de commerce ;
Considérant que M. X est fondé à soutenir que l'administration n'était pas en droit, d'une part, de rehausser ses recettes réalisées, en sa qualité de loueur de fonds, en 1995, 1996 et 1997, et, d'autre part, lesdites recettes n'ayant pas dépassé le double de la limite du forfait, de lui refuser le bénéfice de l'exonération de ses plus-values en application des dispositions précitées des articles 151 septies et 202 bis du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner l'Etat à payer à M. X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : M. X est déchargé, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1995, 1996 et 1997 à raison de la réintégration dans son revenu imposable d'une fraction des redevances de location gérance et de la taxation de plus-values, d'autre part, des cotisations supplémentaires de contribution sociale généralisée, de contribution pour le remboursement de la dette et de prélèvement social de 2 % auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1997.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Nantes en date du 28 janvier 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Michel X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
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N° 05NT00598
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