Vu la requête, enregistrée le 18 août 2006, présentée pour M. et Mme Didier X, demeurant ..., par Me Bondiguel, avocat au barreau de Rennes ; M. et Mme X demandent à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 03-2751 en date du 8 juin 2006 du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 1997 ;
2°) de leur accorder la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser, en application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative, la somme de 6 000 euros ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 septembre 2007 :
- le rapport de M. Martin, rapporteur ;
- les observations de Me Poirrier-Jouan, substituant Me Bondiguel, avocat de M. et Mme X ;
- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X a acquis le 12 janvier 1984 à Audierne (Finistère) les murs et le fonds d'un hôtel-restaurant qu'il a exploité à titre individuel ; que, par contrat daté du 11 octobre 1990, il a donné ledit fonds de commerce ainsi que le matériel et les bâtiments d'exploitation en location-gérance à la SARL Horizon, société dont il était gérant et associé ; que ce contrat stipulait le versement par le preneur d'une redevance annuelle de 504 000 F hors taxes ; que, par quatre avenants audit contrat conclus respectivement les 12 novembre 1990, 21 octobre 1992, 21 septembre 1993 et 26 décembre 1995, le montant annuel hors taxes de la redevance a été fixé successivement à 612 000 F, 552 000 F, 452 000 F et 240 000 F ; que, le 18 février 1997, M. et Mme X ont cédé le fonds de commerce ainsi que le matériel et les immeubles d'exploitation à des tiers ; qu'ils ont placé les plus-values réalisées lors de cette cession sous le régime d'exonération prévu par l'article 151 septies du code général des impôts ; qu'à l'issue d'une vérification de la comptabilité de leur entreprise individuelle de louage de fonds, l'administration a, d'une part, réintégré dans leurs recettes de l'année 1997 une somme de 99 000 F, au motif qu'elle correspondait à une fraction de la redevance que les intéressés avaient anormalement renoncé à percevoir, et une recette de 505 690 F, consécutive au retour gratuit en fin de bail d'aménagements réalisé par la société locataire, d'autre part, procédé à l'imposition, au titre de l'année 1997, entre les mains de M. et Mme X, des plus-values exonérées au motif que, par l'effet des rehaussements susmentionnés, les recettes de l'année 1997 avaient dépassé le seuil d'exonération de 300 000 F fixé par les articles 151 septies et 202 bis du code général des impôts ;
Sur l'existence d'un acte anormal de gestion :
Considérant que l'administration soutient que M. et Mme X, en acceptant, par la conclusion d'un avenant au contrat de location-gérance, de fixer la redevance à un montant de 240 000 F hors taxes par an, sans justifier de l'intérêt que représentait pour leur entreprise de louage de fonds une telle diminution de leurs recettes, ont commis un acte anormal de gestion ; qu'elle a substitué à ce montant de 240 000 F celui de 504 000 F fixé initialement par le contrat de location-gérance ; qu'elle a en conséquence rehaussé de 99 000 F le montant de la redevance perçue par les intéressés au titre de l'exercice ouvert le 1er octobre 1996 et clos le 18 février 1997 ; que, toutefois, l'administration, qui se borne à contester les affirmations des contribuables selon lesquelles la dégradation de la situation financière de la SARL Horizon justifiait une diminution aussi importante de la redevance, ne démontre, ni même allègue que la mise en oeuvre de l'avenant en cause a eu pour effet de porter la redevance à un niveau anormalement bas ; que si elle fait valoir qu'eu égard aux prix auxquels M. et Mme X ont cédé respectivement leur clientèle, leur matériel et leurs immeubles d'exploitation, le montant total annuel de la redevance ne pouvait être inférieur à 300 000 F, elle ne justifie pas de la pertinence des taux de capitalisation qu'elle a appliqués auxdits prix pour parvenir à ce montant ; qu'elle ne peut, dès lors, être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de l'existence de l'acte anormal de gestion qu'elle invoque ; qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête relatifs à ce chef de redressement, que M. et Mme X sont fondés à soutenir que c'est à tort qu'a été réintégrée dans leurs recettes de l'année 1997 la somme de 99 000 F ;
Sur l'imposition des plus-values :
Considérant qu'aux termes de l'article 151 septies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : “Les plus-values réalisées dans le cadre d'une activité (…) commerciale (…) par des contribuables dont les recettes n'excèdent pas le double de la limite du forfait (…) sont exonérées, à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans (…)” ; et qu'aux termes de l'article 202 bis du même code, dans sa rédaction alors applicable : “ En cas de cession ou de cessation de l'entreprise, les plus-values mentionnées à l'article 151 septies ne sont exonérées que si les recettes de l'année de réalisation, ramenées le cas échéant à douze mois, et celles de l'année précédente ne dépassent pas le double des limites de l'évaluation administrative ou du forfait” ;
Considérant qu'il résulte des dispositions sus-reproduites que le bénéfice de l'exonération des plus-values professionnelles réalisées à l'occasion de la cession de leur entreprise par les titulaires de bénéfices industriels et commerciaux est subordonné, notamment, à la condition que les recettes toutes taxes comprises de l'entreprise n'excèdent pas, pour la période de douze mois correspondant à l'année civile au cours de laquelle l'opération est intervenue et pour l'année précédente, le double de la limite du forfait, ladite condition devant être appréciée pour chacune des deux années en faisant la somme des recettes réalisées par le contribuable provenant d'activités imposables dans cette catégorie ;
Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la réintégration opérée par l'administration, dans les recettes de l'année 1997 des requérants, d'une fraction des redevances ne peut être admise ; que, dans ces conditions, il est constant que les recettes réalisées par M. et Mme X, en leur qualité de loueur de fonds au titre des années 1996 et 1997 n'ont pas dépassé le double de la limite du forfait, sauf, s'agissant de l'année 1997, à admettre que l'administration était fondée à inclure dans les recettes des requérants la somme de 505 690 F correspondant, comme il a été dit, au retour en fin de bail dans le patrimoine du bailleur des aménagements réalisés par le preneur ;
Considérant, toutefois, que M. et Mme X soutiennent que la recette susmentionnée de 505 690 F, dès lors qu'elle présente un caractère exceptionnel, doit être exclue, en tout état de cause, de leur chiffre d'affaires de l'année 1997 qu'il y a lieu de comparer à la limite du double du forfait ; que si les dispositions précitées des articles 151 septies et 202 bis du code général des impôts ne permettent pas l'exclusion d'une recette au seul motif qu'elle présenterait un caractère exceptionnel, la documentation administrative 4 B-212 du 15 juin 1991, dont les intéressés se prévalent sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, précise, il est vrai, dans son paragraphe n° 12, que, pour le calcul du plafond des recettes, il est fait abstraction “des recettes exceptionnelles provenant notamment de la cession globale des stocks en fin d'exploitation” ; que si ladite recette trouve son origine dans la résiliation du contrat de location-gérance dont les stipulations prévoient, en termes généraux, qu'elle entraîne le retour au bailleur des constructions éventuellement réalisées par le preneur en cours de bail, il est constant que la résiliation du contrat de location-gérance est intervenue consécutivement à la cession du fonds de commerce ; que, par suite, M. et Mme X sont fondés à soutenir que la recette en cause a constitué une recette exceptionnelle provenant de la cession de leur fonds devant être exclue, en application de la documentation administrative précitée, du total des produits de l'année 1997 pour apprécier la condition du plafond de recettes mentionnée aux articles 151 septies et 202 bis du code général des impôts ;
Considérant qu'il est constant que le chiffre d'affaires de l'année 1997, diminué de la recette exceptionnelle réintégrée par l'administration, n'a pas dépassé le double de la limite du forfait ; que, dès lors, quel que soit le bien-fondé de cette réintégration, M. et Mme X sont fondés à soutenir qu'ils étaient en droit de bénéficier de l'exonération de leurs plus-values en application des articles 151 septies et 202 bis du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté les conclusions de leur demande tendant à la décharge du supplément d'imposition mis à leur charge au titre de l'année 1997 à raison de la réintégration de redevances et de la remise en cause de leur droit à bénéficier de l'exonération de leurs plus-values ;
Sur la réintégration des travaux et aménagements réalisés par le preneur :
Considérant que les stipulations du contrat de location-gérance conclu le 11 octobre 1990 prévoyaient que le preneur pouvait apporter, à ses frais, toutes améliorations à l'installation donnée en location, ces améliorations restant, à la fin de la gérance, la propriété du bailleur, sans indemnité ; qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que la SARL Horizon a, durant la période de location-gérance, réalisé à ses frais divers travaux immobiliers qu'elle a inscrits à son actif au poste “installations générales, agencements, aménagements divers” ; que l'administration, estimant que ces travaux et aménagements avaient eu pour effet d'augmenter la valeur des immeubles donnés en location-gérance par M. et Mme X et inscrits à l'actif de l'entreprise individuelle de louage, les a réintégrés dans le bénéfice industriel et commercial des requérants, au titre de l'année 1997, pour une valeur de 505 690 F ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : “L'administration adresse au contribuable une notification de redressements qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (…)” ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans la notification de redressements adressée le 18 décembre 2000 à M. X, le vérificateur a indiqué que le montant des travaux pris en charge par la SARL Horizon devait être regardé comme un supplément de loyer au 18 février 1997, date à laquelle le bail avait pris fin, et qu'il y avait lieu en conséquence de rapporter au montant des loyers perçus par le loueur de fonds, à l'expiration du bail, le coût des travaux assurés par la SARL Horizon s'élevant à 505 690 F hors taxes ; que cette motivation, alors même qu'elle ne précisait pas le détail des travaux et aménagements pris en compte, était suffisante pour permettre à M. X de présenter ses observations de façon entièrement utile ; que, par suite, le moyen tiré par les requérants de la méconnaissance par l'administration des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que le cabinet comptable de M. X a, au cours des opérations de contrôle, adressé par voie postale au vérificateur, à sa demande, un tableau des immobilisations de la SARL Horizon récapitulant les montants des différents travaux et aménagements réalisés par la société locataire-gérante, dont le total a été évalué à 505 690 F ; que l'envoi de ce document n'a pas eu pour effet de dessaisir M. X d'une pièce comptable tirée de sa propre comptabilité de loueur de fonds ; qu'il ne saurait, dès lors, être assimilé à l'emport par le vérificateur d'un document comptable ; que, par suite, le moyen tiré par les requérants de l'irrégularité de l'emport ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, que si M. et Mme X soutiennent que le tableau des immobilisations de la SARL Horizon n'a pas fait l'objet d'un débat oral et contradictoire durant la vérification, ils n'apportent pas la preuve qui leur incombe de ce que le vérificateur se serait refusé à tout échange de vues sur l'évaluation des travaux réalisés par la société locataire-gérante ; qu'ils n'établissent pas davantage que leur comptable aurait communiqué ledit tableau au vérificateur à leur insu ;
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu du 2 de l'article 38 du code général des impôts, le bénéfice net imposable est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice ; que, pour l'application de cette règle dans le cas d'un immeuble appartenant à un commerçant, que celui-ci a donné à bail et qui a fait l'objet, en cours de bail, d'améliorations réalisées par le preneur aux frais de ce dernier, l'augmentation de valeur de l'immeuble imputable à ces améliorations accroît à due concurrence la valeur d'actif de cette immobilisation et doit être réputée acquise à la date à laquelle le bailleur a recouvré la disposition de son immeuble ; que cette augmentation de valeur constitue, par suite, un bénéfice de l'exercice en cours à cette date ;
Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être énoncé que M. et Mme X ne sont pas fondés à contester le principe de l'imposition, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, de la recette générée par le retour en fin de bail, dans leur patrimoine de loueur, des aménagements réalisés à ses frais par la société locataire-gérante ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts : “Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. Cette valeur s'entend : (…) Pour les immobilisations acquises à titre gratuit, de la valeur vénale (…)” ; qu'il résulte de ces dispositions que l'administration, pour évaluer l'augmentation de la valeur de l'immeuble, doit se fonder, non sur le prix de revient ou la valeur nette comptable des aménagements immobilisés dans la comptabilité du preneur mais sur l'accroissement de la valeur vénale de l'immeuble résultant des aménagements réalisés par le preneur ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'entre 1984 et 1990, M. X a réalisé, en sa qualité d'exploitant individuel, dans son ensemble immobilier à usage d'hôtel-restaurant d'importants travaux comportant notamment la construction d'un bloc sanitaire et l'aménagement de chambres ; que ces travaux lui ont permis d'obtenir en juin 1989 le classement de son établissement dans la catégorie “hôtel de tourisme” 2 étoiles ; que de 1991 à 1997, la SARL Horizon a réalisé à son tour, en tant que locataire-gérante, des aménagements et travaux divers dont le coût total s'est élevé, selon les requérants, à 700 000 F ; qu'il n'est pas établi par les pièces versées au dossier que ces aménagements et travaux divers, dont certains présentaient un caractère immobilier et se sont intégrés aux immeubles d'exploitation du fonds, auraient consisté uniquement en de simples travaux d'entretien et de mise aux normes insusceptibles d'accroître la valeur vénale dudit ensemble immobilier ; que l'état du dossier ne permet pas à la Cour de déterminer la valeur vénale ainsi acquise par les immeubles en cause du fait de ces aménagements ; qu'il y a lieu, par suite d'ordonner un supplément d'instruction afin, pour le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, contradictoirement avec M. et Mme X, de déterminer l'accroissement de la valeur vénale de l'ensemble immobilier résultant des travaux d'aménagement effectués par la SARL Horizon ;
DÉCIDE :
Article 1er : M. et Mme X sont déchargés de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 1997 à raison de l'intégration dans leur base imposable, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, de la somme de 99 000 F et de l'imposition de leurs plus-values de cession.
Article 2 : Avant de statuer sur le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X, il sera procédé, par les soins du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, contradictoirement avec M. et Mme X, à un supplément d'instruction en vue de déterminer le montant de l'accroissement de la valeur vénale procurée à l'ensemble immobilier à usage d'hôtel-restaurant par les travaux d'aménagement réalisés par la SARL Horizon, à la date du 18 février 1997.
Article 3 : Il est accordé au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique et à M. et Mme X un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt pour satisfaire à la mesure d'instruction prescrite à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Didier X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
N° 06NT01554
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