Vu la requête, enregistrée le 4 septembre 2006, présentée pour la CAISSE INTERFEDERALE DE CREDIT MUTUEL qui a son siège 32, rue Mirabeau, à Le Relecq-Kerhuon (29480), par Me Anjuere, avocat au barreau de Strasbourg ; la CAISSE INTERFEDERALE DE CREDIT MUTUEL, qui vient aux droits de la Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne, demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n°s 03-2229 et 03-2230 en date du 22 juin 2006 du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution forfaitaire sur cet impôt auxquelles la Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne a été assujettie au titre des exercices clos en 1993, 1994, 1995 et 1996 ;
2°) de prononcer la réduction d'une partie des impositions susmentionnées ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 avril 2008 :
- le rapport de M. Martin, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par une décision postérieure à l'enregistrement de la requête, le délégué interrégional des impôts de la direction des vérifications nationales et internationales a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence de la somme de 51 158,69 euros, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1993 à raison de la remise en cause de la durée des amortissements pratiqués par le GIE Citi TGV Bail II ; que les conclusions de la requête de la CAISSE INTERFEDERALE DE CREDIT MUTUEL, qui vient aux droits de la Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne, relatives à cette imposition sont, par suite, devenues sans objet ;
Sur le surplus des conclusions de la requête :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de la minute du jugement que les premiers juges ont mentionné et analysé dans les visas la totalité des mémoires échangés par les parties et, notamment, le mémoire en réplique adressé par la CAISSE INTERFEDERALE DE CREDIT MUTUEL dans le cadre de l'instance n° 032229 et enregistré le 5 mars 2005 au greffe du tribunal ; que, par suite, la circonstance que, dans l'expédition du jugement notifiée à la société requérante, les visas ont été reproduits sous une forme abrégée est sans influence sur la régularité du jugement ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'examen du jugement, s'agissant du redressement relatif à la provision constituée par la Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne à raison du caractère douteux de ses créances sur la société Eurotunnel, que le tribunal, qui n'est pas tenu de répondre à tous les arguments développés par les parties devant lui, a répondu de façon suffisamment motivée à l'ensemble des moyens soulevés par la CAISSE INTERFEDERALE DE CREDIT MUTUEL relatifs à ce chef de redressement ;
Considérant, en troisième lieu, qu'en ce qui concerne les redressements relatifs à la réintégration de dividendes, le tribunal, ainsi que le fait valoir la CAISSE INTERFEDERALE DE CREDIT MUTUEL, n'a pas statué sur les conclusions, présentées à titre subsidiaire par la CAISSE INTERFEDERALE DE CREDIT MUTUEL, tendant à la réduction en base des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution forfaitaire sur cet impôt mises à la charge de la Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne, à concurrence d'un certain montant de frais et charges ; que, par suite, le jugement en date du 22 juin 2006 est entaché d'irrégularité ; qu'il y a lieu de l'annuler en tant qu'il a omis de statuer sur lesdites conclusions ;
Considérant qu'il suit de là qu'il y a lieu pour la Cour de se prononcer par voie d'évocation sur les conclusions subsidiaires des demandes de la CAISSE INTERFEDERALE DE CREDIT MUTUEL susmentionnées et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
S'agissant de la provision pour créances douteuses :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : “1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment (...) : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que les évènements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...)” ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise ;
Considérant que la Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne figurait parmi les établissements bancaires créanciers de la société Eurotunnel à raison d'un prêt qu'elle avait accordé en 1994 à cette société, d'un montant de 56 000 000 F ; qu'il est constant qu'en 1995, la société Eurotunnel présentait une situation financière très dégradée, justifiant la constitution par ses créanciers de provisions pour créances douteuses ; que, par lettre du 29 janvier 1996, la Confédération Nationale du Crédit Mutuel avait d'ailleurs informé la Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne de ce que la Commission bancaire, organisme collégial présidé par le Gouverneur de la Banque de France et chargé de contrôler le respect par les établissements de crédit et par les entreprises d'investissement des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables et de sanctionner les manquements constatés, avait recommandé de provisionner les créances sur la société Eurotunnel à hauteur de 30 % de leur montant intérêts compris ; que la Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne a provisionné en conséquence au 31 décembre 1995 le capital à hauteur de 30 % et les intérêts y afférents pour 100 % de leur montant ; que l'administration, estimant que le taux de 30 % devait s'appliquer aux intérêts comme au capital, a réduit le montant de la provision d'une somme de 1 399 972 F correspondant à 70 % des intérêts ; que la CAISSE INTERFEDERALE DE CREDIT MUTUEL soutient que la Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne était tenue en l'espèce de provisionner la totalité des intérêts, conformément aux recommandations émises par la Commission bancaire ; qu'elle se prévaut à cet égard d'une lettre adressée le 8 janvier 1997 par la Confédération nationale du Crédit Mutuel précisant que le pourcentage de 30 % s'applique au capital de la créance, les intérêts, lorsqu'ils sont comptabilisés, devant être provisionnés à 100 % ; que cette lettre fait elle-même référence à une note méthodologique de la Commission bancaire aux termes de laquelle : “lorsque les intérêts sont portés au crédit du compte de résultat, ils doivent être obligatoirement provisionnés à due concurrence. S'il est procédé à une provision globale (capital + intérêts courus + intérêts échus), celle-ci doit être au moins égale aux intérêts portés au compte de résultat” ; qu'en l'espèce, la société requérante n'établit pas que la provision globale constituée par la Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne et partiellement remise en cause par l'administration n'aurait pas été au moins égale aux intérêts portés au compte de résultat ; que, par suite et en tout état de cause, la seule invocation de la recommandation prudentielle émise par la Commission bancaire ne suffit pas à démontrer l'absence de surévaluation de la provision litigieuse par la Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne ; que la CAISSE INTERFEDERALE DE CREDIT MUTUEL n'établit pas davantage que la provision avait été évaluée avec une approximation suffisante en se bornant à invoquer de manière générale, sans faire état d'éléments précis tirés de l'exploitation, les difficultés financières et commerciales auxquelles la société Eurotunnel était confrontée en 1995 et le fait qu'étant minoritaire parmi les établissements créanciers, la Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne ne pouvait influer sur l'orientation des mesures prises pour restructurer l'endettement de ladite société ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a réintégré dans les résultats de la banque, au titre de l'exercice clos en 1995, la somme susmentionnée de 1 399 972 F ;
S'agissant de la provision pour charges de passage à l'euro :
Considérant que la Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne a constitué, à la clôture de son exercice en 1996, une provision de 34 862 000 F destinée à faire face au surcroît de dépenses informatiques futures nécessitées par le passage à l'euro ; qu'il résulte cependant de l'instruction que ces dépenses devaient être engagées et immobilisées par un GIE dont la Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne était membre ; que, par suite et en tout état de cause, la banque n'était pas en droit de constituer une provision pour des charges qui ne lui incombaient pas ; que si le GIE facturait à ses membres des loyers en contrepartie de la mise à leur disposition des moyens informatiques dont il disposait et si les dépenses engagées en vue du passage à l'euro étaient susceptibles d'entraîner une hausse desdits loyers, la CAISSE INTERFEDERALE DE CREDIT MUTUEL ne soutient, ni même n'allègue devant la Cour que la provision litigieuse était destinée à faire face à cette augmentation de loyers ; que, par suite et en tout état de cause, c'est à bon droit que l'administration a réintégré la somme de 34 862 000 F dans le résultat imposable de la Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne au titre de l'exercice clos en 1996 ;
S'agissant de la réintégration des dividendes distribués par les sociétés Europartiaire et Etloe Company :
Considérant que la Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne a souscrit, en 1989, à hauteur de 13 %, au capital de la société de droit luxembourgeois Europartiaire, qui exerçait une activité de holding de participation financière soumise à un régime d'exonération des bénéfices, exception faite d'un droit d'abonnement de faible montant ; qu'elle a également souscrit, au cours de cette même année, à hauteur de 14 %, au capital de la société de droit irlandais Etloe Company, dont l'activité de prise de participations, comparable à celle de la société Europartiaire, était soumise à un régime fiscal privilégié, le taux d'imposition de ses bénéfices n'étant que de 5,27 % ; qu'elle a soustrait de son bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés les dividendes distribués par les sociétés Europartiaire et Etloe Company, en faisant application des dispositions des articles 145 et 216 du code général des impôts relatives au régime spécial des sociétés mères ; que l'administration a estimé que la création et le fonctionnement des deux sociétés luxembourgeoise et irlandaise constituaient un abus de droit et a réintégré, sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans la base imposable à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 1993, 1994 et 1995, le montant des dividendes reçus par la Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne de ses filiales et a assorti les cotisations supplémentaires correspondantes de la pénalité prévue par l'article 1729 du code général des impôts en cas d'abus de droit ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 145 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : “1. Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu'il est défini aux articles 146 et 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions ci-après : a. Les titres de participations doivent revêtir la forme nominative (...) b. les titres de participation doivent représenter au moins 10 % du capital de la société émettrice (...) c. Les titres de participation doivent avoir été souscrits à l'émission (...)” ; et qu'aux termes de l'article 216 du même code, dans sa rédaction alors applicable : “I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci.” ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L.64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : “Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (...) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus (...) L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement” ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration use de la faculté qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif, ou, que, recherchant le bénéfice d'une interprétation littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ;
Considérant que l'administration fait valoir que la société Europartiaire est restée, au cours de la période en litige, sous l'entière dépendance de la Banque Internationale du Luxembourg, établissement bancaire à l'origine de sa création, en ce qui concerne tant sa gestion que ses investissements, que la totalité de ses actifs était composée de valeurs mobilières, qu'elle n'avait aucune compétence technique en matière de placements financiers, que ses actionnaires ne prenaient aucune part aux assemblées statutaires, et qu'ainsi, cette société était dépourvue de substance ; que, selon l'administration, il en allait de même pour la société Etloe Company, dont tous les administrateurs étaient des salariés du groupe bancaire néerlandais ABN AMRO, lequel assumait pleinement la direction et l'administration de la société ; que la Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne, qui admet s'être comportée en investisseur passif, ne contredit pas utilement les affirmations de l'administration en se bornant à faire valoir que les sociétés Europartiaire et Etloe Company n'ont pas constitué des entités fictives et ont fonctionné conformément à leurs statuts et aux règles de droit luxembourgeoises ou irlandaises auxquelles elles étaient soumises ; que l'administration fait également valoir, sans être davantage contredite, que les sociétés Europartiaire et Etloe Company ne supportaient dans leur pays respectifs que des impositions de faible montant, et qu'en prenant une participation à hauteur de respectivement 13 et 14 % dans le capital de ces sociétés, la Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne se plaçait sous le régime du bénéfice fiscal des sociétés mères prévu aux articles 145 et 216 du code général des impôts, tout en évitant l'application de l'article 209 B du même code relatif aux entreprises détenant au moins le quart des actions d'une société étrangère soumise à un régime fiscal privilégié, de sorte à être dispensée en France de tout impôt sur les sociétés sur les revenus nets distribués ; que la CAISSE INTERFEDERALE DE CREDIT MUTUEL ne peut utilement se prévaloir du principe de liberté de gestion des entreprises, ni de ce que le régime des sociétés mères aurait été applicable de plein droit à la Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne, ni davantage de ce que ce régime aurait permis une optimisation du rendement des placements financiers effectués, et aurait, ainsi, présenté un intérêt financier, dès lors qu'elle n'établit pas que la localisation des holdings de participation financière en cause à l'étranger plutôt qu'en France aurait présenté un quelconque avantage à cet égard, ni par la suite que le choix d'une telle localisation aurait procédé de motifs non exclusivement liés à l'avantage fiscal qui en résultait ; que si elle fait valoir que la SA Europartiaire a été constituée avec d'autres établissements financiers dans le cadre du sauvetage de la banque Al Saudi, dans le but de faciliter la restructuration de la dette de cette banque tout en présentant des perspectives favorables de rentabilité et en limitant les risques juridiques encourus, ces allégations, non assorties de justifications, ne sont pas de nature à établir que la constitution de cette société aurait poursuivi un but autre que fiscal ;
Considérant, par ailleurs, que le régime fiscal des sociétés mères, issu d'une loi de 1920 et codifié aujourd'hui aux articles 145 et 216 du code général des impôts, a eu pour objet depuis sa création d'éviter une double imposition des bénéfices imposés entre les mains d'une filiale lorsqu'ils concourent aux bénéfices de la mère ; que, dès lors, l'administration est fondée à soutenir qu'en recherchant le bénéfice de ce régime à raison de la perception de dividendes alors même que le risque de double imposition était en l'espèce inexistant, la Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne a agi à l'encontre des objectifs poursuivis par les auteurs dudit régime ;
Considérant que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de ce que le montage auquel a participé la Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne, qui a consisté à acquérir une participation dans deux holdings luxembourgeoise et irlandaise dépourvues de toute substance dans le seul but d'éluder l'impôt, était constitutif d'un abus de droit ;
S'agissant des déficits antérieurs imputables sur le bénéfice de l'exercice clos en 1996 :
Considérant que la CAISSE INTERFEDERALE DE CREDIT MUTUEL demande que les déficits constatés au titre des exercices clos en 1993, 1994 et 1995 et modifiés à la suite des dégrèvements prononcés par l'administration soient reportés sur le bénéfice de l'exercice clos en 1996, lequel est définitivement bénéficiaire ; que, toutefois, l'administration fait valoir sans être contredite que la société avait opté pour le report en arrière des déficits constatés au titre des exercices clos en 1993, 1994 et 1995 ; qu'il n'est pas établi que l'abandon des redressements et les dégrèvements prononcés en conséquence au cours de la présente instance aient eu pour effet d'augmenter lesdits déficits pour un montant excédant celui de la créance de report en arrière accepté par l'administration ; que, par suite, en tout état de cause, l'option exercée fait obstacle au report en avant de ces mêmes déficits ;
En ce qui concerne les intérêts de retard :
Considérant qu'aux termes de l'article 1732 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : “Lorsqu'un contribuable fait connaître, par une indication expresse portée sur la déclaration ou l'acte, ou dans une note y annexée, les motifs de droit ou de fait pour lesquels il ne mentionne pas certains éléments d'imposition en totalité ou en partie, ou donne à ces éléments une qualification qui entraînerait, si elle était fondée, une taxation atténuée, ou fait état de déductions qui sont ultérieurement reconnues justifiées, les redressements opérés à ce titre n'entraînent pas l'application de l'intérêt de retard visé à l'article 1727” ;
Considérant qu'il est constant que la Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne, s'estimant en droit de bénéficier du régime fiscal des sociétés mères lorsqu'elle a déclaré ses résultats des exercices clos en 1993, 1994 et 1995, a précisé en annexe à ses déclarations les motifs pour lesquels elle avait soustrait de son bénéfice imposable les dividendes perçus de ses filiales luxembourgeoise et irlandaise ; que si l'administration fait valoir qu'elle avait déjà réintégré des dividendes de même nature au titre des exercices clos en 1990, 1991 et 1992 de telle manière que la société ne pouvait ignorer, lorsqu'elle a souscrit ses déclarations, la position de l'administration concernant le traitement fiscal desdits dividendes, cette circonstance ne saurait priver la société requérante du bénéfice des dispositions susrappelées dès lors qu'elle a satisfait aux conditions clairement et limitativement posées par ce texte ; qu'il suit de là que la CAISSE INTERFEDERALE DE CREDIT MUTUEL est fondée à demander la décharge des intérêts de retard mis à sa charge à raison de l'imposition de dividendes ;
Considérant, par ailleurs, que la CAISSE INTERFEDERALE DE CREDIT MUTUEL se prévaut de la documentation administrative de base 13 N-1112, n° 17, du 14 juin 1996, selon laquelle “les insuffisances relevées dans les actes ou déclarations qui ont fait l'objet d'une mention expresse dans les conditions prévues à l'article 1732 et qui, de ce fait, sont exonérées de tout intérêt de retard, ne doivent pas être prises en compte pour apprécier si la tolérance trouve ou non à s'appliquer” pour soutenir que cette interprétation administrative lui ouvre droit à bénéficier de la tolérance légale prévue à l'article 1733 du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales et en particulier de la référence faite à un “rehaussement d'impositions”, que le droit qu'elles reconnaissent au contribuable, de se prévaloir, à l'encontre de l'administration, de l'interprétation donnée par celle-ci d'un texte fiscal, a pour seul objet de lui permettre de contester le bien-fondé d'une imposition à l'établissement de laquelle l'administration a procédé en faisant usage de ses pouvoirs de contrôle et de reprise, et ne peut, en revanche, fonder une contestation du bien-fondé propre des intérêts de retard ou majorations dont a été assortie cette imposition ; que, par suite, la CAISSE INTERFEDERALE DE CREDIT MUTUEL ne peut utilement se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A des énonciations de la doctrine susmentionnée relative au champ d'application de la tolérance légale en matière d'intérêts de retard ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, s'agissant des impositions restant en litige, la CAISSE INTERFEDERALE DE CREDIT MUTUEL est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté les conclusions de ses demandes tendant à la décharge des intérêts de retard dont ont été assortis les suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution forfaitaire sur cet impôt mis à la charge de la Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne au titre des exercices clos en 1993, 1994 et 1995 à raison de la perception de dividendes ;
En ce qui concerne les conclusions subsidiaires, présentées par la CAISSE INTERFEDERALE DE CREDIT MUTUEL en première instance et en appel, tendant à la réduction en base des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution forfaitaire sur cet impôt mis à la charge de la Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne au titre des exercices clos en 1993, 1994 et 1995 à raison de la réintégration de dividendes :
Considérant que si la CAISSE INTERFEDERALE DE CREDIT MUTUEL demande que les dividendes imposés à l'impôt sur les sociétés sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales au titre des exercices clos en 1993, 1994 et 1995 soient diminués d'une quote-part de frais et charges calculée forfaitairement qu'elle soutient avoir réintégrée dans son bénéfice imposable au titre de chacun de ces exercices, elle ne justifie pas de la réalité de cette réintégration alors que, pour la détermination des résultats des exercices ouverts à compter du 1er janvier 1993, l'article 104-I de la loi de finances pour 1993 a supprimé la réintégration dans le bénéfice imposable de la société mère de la quote-part forfaitaire de frais et charges, laquelle réintégration était antérieurement prévue par le I de l'article 216 du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions subsidiaires susmentionnées de la CAISSE INTERFEDERALE DE CREDIT MUTUEL ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente espèce, soit condamné à payer à la CAISSE INTERFEDERALE DE CREDIT MUTUEL la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : A concurrence de la somme de 51 158,69 euros (cinquante-un mille cent cinquante-huit euros soixante-neuf centimes), en ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1993, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la CAISSE INTERFEDERALE DE CREDIT MUTUEL.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Rennes en date du 22 juin 2006 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions subsidiaires des demandes de la CAISSE INTERFEDERALE DE CREDIT MUTUEL tendant à la réduction des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution proportionnelle sur cet impôt mis à la charge de la Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne au titre des exercices clos en 1993, 1994 et 1995 à raison de la réintégration de dividendes.
Article 3 : Les conclusions subsidiaires visées à l'article 2 sont rejetées.
Article 4 : La CAISSE INTERFEDERALE DE CREDIT MUTUEL est déchargée des intérêts de retard dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution proportionnelle sur cet impôt auxquelles la Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne a été assujettie au titre des exercices clos en 1993, 1994 et 1995 à raison de la réintégration de dividendes.
Article 5 : Le jugement du Tribunal administratif de Rennes en date du 22 juin 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de la CAISSE INTERFEDERALE DE CREDIT MUTUEL est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la CAISSE INTERFEDERALE DE CREDIT MUTUEL et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
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N° 06NT01643
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