Vu le recours, enregistré le 22 septembre 2009, présenté par le MINISTRE D'ETAT, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES ; le MINISTRE D'ETAT, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 05-5548 du 8 juillet 2009 par lequel le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à verser à M. Sébastien X la somme de 5 000 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 6 juillet 2005, en réparation du préjudice subi par celui-ci du fait de ses conditions de détention à la maison d'arrêt de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Nantes ;
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Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 septembre 2010 :
- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Geffray, rapporteur public ;
- et les observations de Me Rousseau, avocat de M. X ;
Considérant que M. X a été incarcéré à la maison d'arrêt de Nantes pendant deux ans et trois mois, à compter du 9 avril 2003 ; qu'il a recherché la responsabilité de l'Etat en raison des conditions de sa détention dans cet établissement ; que le MINISTRE D'ETAT, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES relève appel du jugement du 8 juillet 2009 par lequel le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à verser à M. X la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi par celui-ci du fait de ses conditions de détention ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'aux termes de l'article 716 du code de procédure pénale, en vigueur à la date des faits : Les personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire sont placés au régime de l'emprisonnement individuel de jour et de nuit. Il ne peut être dérogé à ce principe que dans les cas suivants : (...) 4° Dans la limite de cinq ans à compter de la promulgation de la loi n° 2003-495 du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière, si la distribution intérieure des maisons d'arrêt ou le nombre de détenus présents ne permet pas un tel emprisonnement individuel. (...) ; qu'aux termes de l'article 719 du même code, codifié à l'article 717-2 à compter du 1er janvier 2005, dans sa rédaction alors applicable : Les condamnés sont soumis dans les maisons d'arrêt à l'emprisonnement individuel de jour et de nuit, (...). / Il ne peut être dérogé à ce principe qu'en raison de la distribution intérieure des locaux de détention ou de leur encombrement temporaire ou des nécessités d'organisation du travail. ; que par ailleurs, l'article D. 189 dudit code dispose : A l'égard de toutes les personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire, à quelque titre que ce soit, le service public pénitentiaire assure le respect de la dignité inhérente à la personne humaine et prend toutes les mesures destinées à faciliter leur réinsertion sociale ; qu'aux termes de l'article D. 349 de ce code : L'incarcération doit être subie dans des conditions satisfaisantes d'hygiène et de salubrité, tant en ce qui concerne l'aménagement et l'entretien des bâtiments, le fonctionnement des services économiques et l'organisation du travail, que l'application des règles de propreté individuelle et la pratique des exercices physiques. ; que l'article D. 350 du même code prévoit : Les locaux de détention et, en particulier, ceux qui sont destinés au logement, doivent répondre aux exigences de l'hygiène, compte tenu du climat, notamment en ce qui concerne le cubage d'air, l'éclairage, le chauffage et l'aération ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que durant sa détention M. X a occupé successivement huit cellules collectives qu'il a parfois dû partager avec six autres détenus ; que les cellules, dont les parois et les plafonds étaient le plus souvent très sales, n'étaient équipées pour la plupart que d'une seule fenêtre ouvrante à barreaudage horizontal ne permettant d'assurer ni un renouvellement satisfaisant de l'air ambiant, ni un éclairage naturel suffisant ; que le cloisonnement partiel des toilettes ne protégeait pas l'intimité des détenus ; que ces lieux d'aisance, démunis d'un système d'aération spécifique, étaient situés à proximité immédiate du lieu de vie et de prise des repas ; que l'insalubrité de ces locaux, aggravée par la promiscuité résultant de leur sur-occupation, suffit à caractériser la méconnaissance des dispositions précitées du code de procédure pénale et, partant, à engager la responsabilité de l'Etat dont les services de l'administration pénitentiaire doivent assurer le respect des normes d'hygiène et de dignité prescrites en milieu carcéral ;
Sur le préjudice :
Considérant que M. X a été condamné à deux peines de dix mois et six ans de prison ferme ; que l'indemnité à laquelle il peut prétendre ne saurait, par conséquent, être déterminée par référence aux sommes usuellement allouées aux personnes détenues à tort, au bénéfice desquelles ont été rendues des décisions de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement ; que, par ailleurs, les considérations générales dont fait état M. X, relatives aux problèmes médicaux susceptibles d'être provoqués par l'insuffisante intimité des toilettes, ne suffit pas à établir qu'il a personnellement, de ce fait, subi un préjudice physique ; qu'en revanche, les conditions insatisfaisantes d'hygiène et de salubrité supportées à M. X lors de sa détention à la maison d'arrêt de Nantes, lui ont causé un préjudice moral ouvrant droit à réparation ; que, dans les circonstances de l'espèce, cette réparation ne saurait toutefois excéder la somme de 1 200 euros tous intérêts confondus, montant auquel il y a lieu de ramener l'indemnité allouée par les premiers juges à M. X ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE D'ETAT, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à verser à M. X une somme supérieure à celle précitée de 1 200 euros en réparation du préjudice subi par celui-ci du fait des conditions de sa détention à la maison d'arrêt de Nantes ; que les conclusions d'appel incident présentées par M. X tendant à la majoration de cette somme seront rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement, en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, de la somme que le conseil de M. X demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 5 000 euros (cinq mille euros) que l'Etat (ministre de la justice) a été condamné à verser à M. X par le jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 juillet 2009 est ramenée à 1 200 euros (mille deux cents euros), tous intérêts confondus.
Article 2 : Le jugement n° 05-5548 du tribunal administratif de Nantes du 8 juillet 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE D'ETAT, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES est rejeté.
Article 4 : Les conclusions d'appel incident ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par M. X sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE D'ETAT, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES et à M. Sébastien X.
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N° 09NT02290 2
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