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24/05/2012 | FRANCE | N°10NT01784

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 24 mai 2012, 10NT01784


Vu la requête, enregistrée le 4 août 2010, présentée pour M. Lila X, demeurant ..., agissant en son nom propre et en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs Thomas et Jordan, et pour Mlle Asina X, M. Jonathan X et M. Florian X, enfants majeurs demeurant à la même adresse, par Me Sando, avocat au barreau de Paris ; les CONSORTS X demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 07-3026 du 10 juin 2010 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a limité à 10 000 euros pour M. Lila X et à 7 500 euros pour chacun de ses enfants les sommes que le cen

tre hospitalier régional d'Orléans a été condamné à leur verser en répa...

Vu la requête, enregistrée le 4 août 2010, présentée pour M. Lila X, demeurant ..., agissant en son nom propre et en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs Thomas et Jordan, et pour Mlle Asina X, M. Jonathan X et M. Florian X, enfants majeurs demeurant à la même adresse, par Me Sando, avocat au barreau de Paris ; les CONSORTS X demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 07-3026 du 10 juin 2010 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a limité à 10 000 euros pour M. Lila X et à 7 500 euros pour chacun de ses enfants les sommes que le centre hospitalier régional d'Orléans a été condamné à leur verser en réparation des préjudices résultant du décès de Mme Bontundo X, leur épouse et mère, survenu le 29 août 2000 ;

2°) de condamner le centre hospitalier régional d'Orléans à verser à M. Lila X la somme globale de 167 693,31 euros et à chacun de ses enfants la somme globale de 114 826,56 euros, ces sommes devant porter intérêts au taux légal à compter du 20 février 2007 avec capitalisation à compter du 21 février 2008 ;

3°) de condamner le centre hospitalier régional d'Orléans aux entiers dépens ;

4°) de mettre à la charge de cet établissement le versement de la somme de 40 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2012 :

- le rapport de M. Pouget, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Bergeron substituant Me Le Prado, avocat du centre hospitalier régional d'Orléans ;

Considérant que Mme X, enceinte de 7 mois et demi, a été admise le 15 août 2000 au service de gynécologie du centre hospitalier régional (CHR) d'Orléans à la suite de contractions, afin que soit pratiqué en urgence un accouchement par césarienne ; qu'elle a ressenti le lendemain matin de violentes douleurs abdominales qui se sont avérées être les symptômes d'une embolie pulmonaire, pour le traitement de laquelle Mme X a été maintenue hospitalisée ; qu'après une amélioration progressive de son état de santé, l'intéressée a ressenti dans la soirée du 28 août 2000 d'importantes difficultés respiratoires accompagnées d'une toux et d'un état fébrile ; que, devant la dégradation rapide de son état de santé dans les heures qui ont suivi, il a été décidé de transférer en urgence Mme X dans le service de cardiologie de l'établissement de La Source, où elle est décédée dès son arrivée au matin du 29 août 2000 ; que son époux et ses enfants relèvent appel du jugement du 10 juin 2010 du tribunal administratif d'Orléans en tant que celui-ci n'a pas fait droit intégralement à leurs demandes d'indemnisation dirigées contre le CHR d'Orléans ; que cet établissement, par la voie de l'appel incident, sollicite l'annulation du même jugement et le rejet des prétentions indemnitaires des requérants ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et plus particulièrement du rapport de l'expert désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans, que le décès de Mme X survenu le 29 août 2000 résulte d'une récidive massive de l'embolie pulmonaire dont elle avait souffert au lendemain de son accouchement, qui a entraîné un arrêt cardiaque ; qu'un certain nombre de fautes de la part du personnel médical et de dysfonctionnements du service où était hospitalisée la patiente ont pu être relevés ; qu'en particulier, le médecin anesthésiste de garde a commis une erreur en décidant le 26 août l'arrêt complet du traitement anticoagulant administré à Mme X ; qu'à cet égard la circonstance que l'intéressée avait subi dans les jours précédents un incident hémorragique n'excluait pas la recherche d'un dosage plus adapté du traitement ; que ce même praticien a simultanément ordonné le transfert de l'intéressée, sans qu'elle soit munie de bas anti-thrombose, vers un service de maternité dans lequel la surveillance médicale était beaucoup moins étroite que dans le service où elle était hospitalisée jusqu'alors ; qu'aucune transmission entre praticiens n'a eu lieu lors du changement de garde le lundi 28 août au matin alors que, par ailleurs, la tenue du dossier médical était lacunaire ; qu'en raison du nombre insuffisant de médecins anesthésistes et de leur surcharge de travail, compte tenu notamment de l'absence d'une salle de surveillance post-interventionnelle, le médecin de garde n'a pu se déplacer au chevet de Mme X lorsque l'infirmière lui a téléphoné dans la soirée du 28 août pour lui faire part de l'état préoccupant de la patiente ; qu'enfin, cette dernière n'a pas été mise correctement en condition avant son transfert dans le service de cardiologie d'un autre établissement de soins ; que la conjonction de ces fautes et manquements a compromis les chances de Mme X d'échapper au risque de récidive d'embolie et de décès qui s'est réalisé ; qu'ainsi, contrairement à ce que fait valoir le CHR d'Orléans, la faute commise par le service hospitalier présente un lien de causalité direct avec le décès de Mme X ;

Sur le préjudice :

En ce qui concerne la perte de chance :

Considérant que, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé, n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation, qui incombe à l'hôpital, doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ; qu'en l'espèce, si la première embolie pulmonaire survenue le lendemain de l'accouchement n'est imputable à aucune faute de l'établissement hospitalier, et s'il est constant que même lorsque toutes les précautions sont prises le taux de récidive des embolies pulmonaires s'élève à 10 %, le tribunal a, compte tenu des fautes et manquements divers mentionnés ci-dessus, et alors que Mme X se trouvait placée dans la catégorie des patients à risque devant faire l'objet d'une surveillance particulière, correctement évalué la perte de chance de survie de Mme X imputable au CHR d'Orléans en fixant celle-ci à 50 % ;

En ce qui concerne les préjudices des requérants :

Considérant, en premier lieu, que les CONSORTS X n'établissent pas plus en appel qu'en première instance que le décès de Mme X, dont il est constant qu'elle n'exerçait plus depuis 1998 son activité d'assistante maternelle, aurait été à l'origine d'une perte de revenus pour leur foyer ; qu'ils ne sont donc pas fondés à demander la condamnation du CHR d'Orléans à indemniser le préjudice économique qu'ils invoquent ;

Considérant, en second lieu, que les premiers juges ont, compte tenu du pourcentage de perte de chance retenu, fait une exacte appréciation du préjudice moral subi par M. X et par ses cinq enfants en condamnant le CHR d'Orléans à leur payer les sommes respectives de 10 000 euros pour l'époux et de 7 500 euros pour chacun des enfants ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les CONSORTS X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes ne leur a accordé que les sommes rappelées ci-dessus ; que le CHR d'Orléans n'est pas davantage fondé à demander l'annulation de ce jugement ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CHR d'Orléans, qui n'est pas partie perdante dans le présent litige, la somme que les CONSORTS X sollicitent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des CONSORTS X est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident du CHR d'Orléans sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Lila X, à Mlle Asina X, à M. Jonathan X, à M. Florian X, au centre hospitalier régional d'Orléans et à la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 10NT01784
Date de la décision : 24/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : SANDO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2012-05-24;10nt01784 ?
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