Vu la requête, enregistrée le 3 octobre 2011, présentée pour Mme Maria de Lurdes X, demeurant ... par Me Riandey, avocat au barreau d'Orléans ; Mme X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1003395 du 4 août 2011 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 septembre 2010 par laquelle le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique a retiré sa décision implicite, née le 16 août 2010, de rejet du recours hiérarchique de la société Rial Industrie, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du Loiret du 23 février 2010 refusant son licenciement et a autorisé la société Rial Industrie à la licencier pour motif économique ;
2°) d'annuler ladite décision du 10 septembre 2010 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 septembre 2012 :
- le rapport de M. Francfort, président-assesseur ;
- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;
Considérant que la société Rial Industrie, qui exerçait une activité de plasturgie en sous-traitance pour le secteur de l'automobile, a été placée en redressement judiciaire par un jugement du tribunal de commerce d'Orléans du 7 octobre 2009 et que le juge commissaire a autorisé la suppression de 35 des 56 postes de travail que comptait l'entreprise, dont 17 des 26 emplois d'agent de fabrication ; que la société Rial Industrie a demandé le 22 décembre 2009 à l'inspecteur du travail du Loiret l'autorisation de licencier pour motif économique Mme X qui occupait un poste d'agent de fabrication dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée et était déléguée syndicale, membre titulaire du comité d'entreprise et représentante des salariés dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ; que, par décision du 23 février 2010, l'inspecteur du travail a refusé de délivrer cette autorisation au motif que la demande de licenciement était en lien avec les mandats détenus par Mme X ; que, saisi le 15 avril 2010 par la société Rial Industrie d'un recours hiérarchique contre cette décision, le ministre chargé du travail a conservé le silence pendant quatre mois, ce qui a fait naitre le 16 août 2010, en application de l'article R. 2422-1 du code du travail, une décision implicite de rejet ; que, par une décision expresse du 10 septembre 2010, le ministre chargé du travail a retiré sa décision implicite de rejet, annulé la décision de l'inspecteur du travail du Loiret du 23 février 2010 refusant le licenciement de Mme X et autorisé le licenciement pour motif économique de celle-ci ; que Mme X fait appel du jugement en date du 4 août 2011 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre ;
Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Considérant, encore, qu'aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail : " (...) aucun salarié ne peut être (...) licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, (...) en raison (...) de ses activités syndicales ou mutualistes (...) " ; qu'aux termes de l'article L.1134-1 du même code : " Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, [ dans lequel figure l'article L. 1132-1 ] (...) le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte (...). Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. " ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 1233-5 du code du travail : " Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Ces critères prennent notamment en compte : 1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ; 2° L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ; 3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ; 4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie. " ; que l'employeur peut légalement privilégier le critère tiré des qualités professionnelles à condition de tenir également compte des autres critères ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour déterminer les 35 emplois à supprimer, la société Rial Industrie a usé de la possibilité dont elle disposait de privilégier le critère des qualités professionnelles et décidé d'évaluer ces qualités à partir de quatre éléments - la ponctualité, la polyvalence, l'autonomie, le respect des consignes - ; que l'évaluation de Mme X, établie le 10 novembre 2009, a conduit à lui attribuer la note de 6 sur 15 pour le critère des qualités professionnelles, lequel a été déterminant pour la faire figurer parmi les 17 agents de fabrication appelés à être licenciés ;
Considérant que l'évaluation de Mme X a été effectuée de manière non contradictoire, sans qu'il apparaisse que les critères d'évaluation pris en compte à cette occasion aient été abordés à l'occasion de l'entretien annuel d'évaluation de la requérante ; que l'appréciation correspondante a été formulée par les deux supérieurs hiérarchiques de la Mme X avec lesquels cette dernière avait eu quelques mois auparavant un vif différend dans le cadre de l'exercice de ses mandats représentatifs ; que, par ailleurs, il ressort plus largement des pièces du dossier que Mme X avait rencontré des difficultés dans l'exercice de ses mandats et notamment que la direction de l'entreprise avait peu apprécié le soutien qu'elle avait apporté à certains salariés lors de procédures devant la juridiction prudhommale ; qu'ainsi, compte tenu du manque d'objectivité qui a entaché l'appréciation portée sur les qualités professionnelles de Mme X, le ministre chargé du travail ne pouvait sans erreur d'appréciation estimer que la demande d'autorisation de licenciement dont il était saisi était dépourvue de liens avec les mandats de l'intéressée ; que l'autorisation de licenciement attaquée ne peut par suite qu'être annulée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Rial Industrie le paiement de la somme de 1 500 euros que réclame Mme X au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que lesdites dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme X, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le paiement d'une somme au titre des frais exposés par la société Rial Industrie et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif d'Orléans en date du 4 août 2011 et la décision du ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique du 10 septembre 2010 sont annulés.
Article 2 : La société Rial Industrie versera une somme de 1 500 euros à Mme X au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Rial Industrie au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Maria de Lurdes X, à la société Rial Industrie et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
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N° 11NT02686