Vu le recours, enregistré le 19 octobre 2012, présentée par le ministre de l'intérieur, qui demande à la cour de décider qu'il sera sursis à l'exécution du jugement n° 1009343 du 27 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes, après avoir annulé la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de M. B... dirigé contre la décision du consul général de France à Bamako du 12 janvier 2009 refusant à l'enfantC... B... la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'enfant étranger mineur d'un ressortissant français, a ordonné au consul général de France à Bamako de délivrer à l'enfantC... B... un visa d'entrée et de long séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement ;
Il soutient que :
- son recours, présenté en application des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative, est recevable ;
- la condition mise au sursis par l'article R. 811-17 du code de justice administrative est remplie dès lors que l'exécution de l'injonction prononcée par le jugement aurait des conséquences difficilement réparables ;
- plusieurs moyens sont de nature, en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ;
- les premiers juges n'ont pas suffisamment motivé leur décision ;
- les actes d'état civil produits comportent des irrégularités sérieuses de nature à les priver de toute valeur probante ;
- seul a été présenté un extrait du jugement supplétif d'acte de naissance du 12 juillet 2010, et non le jugement supplétif intégral comme le prévoit la loi malienne, et l'acte de naissance établi le 15 juillet 2010 sur la base de ce jugement est incomplet et irrégulier ;
- le tribunal administratif n'a pas pris en compte la circonstance que les deux jugements supplétifs présentés sont contraires à la loi malienne et a, ainsi, commis une erreur de droit ;
- le fait que deux jugements supplétifs soient intervenus est contraire à cette loi, dès lors qu'un tel jugement ne peut faire suite à la production d'un acte de naissance et encore moins à celle d'un précédent jugement supplétif ;
- les documents présentés comportent tous le sceau du même officier d'état civil, dont la signature varie néanmoins d'un document à l'autre ;
- M. B... n'a produit, ni les originaux des actes de naissance présentés, ni aucun des jugements supplétifs intégraux auxquels se réfèrent les quatre différentes photocopies d'extraits d'actes présentés ;
- un faisceau d'indices permet ainsi d'établir que les jugements supplétifs produits sont des jugements de complaisance, sans valeur probante ; la fraude est ainsi établie ;
- l'administration ne peut que conclure que les jugements supplétifs ainsi que les actes de naissance en question délivrés, quelle que soit leur date, par la même personne, avec des signatures différentes, sont des documents de complaisance, d'autant plus que les deux jugements supplétifs ont été rendus après le refus de visa opposé par les autorités consulaires à Bamako ;
- en tout état de cause, les actes d'état civil présentées par M. B... sont contestables et ne permettent en aucun cas d'établir l'identité du demandeur de visa et, par voie de conséquence, la filiation entre M. B... et la personne se présentant comme étant M. C... B... ; toutes ces incohérences sont suffisamment flagrantes pour faire naître un fort doute sur l'identité de l'enfant, auquel, dès lors, l'administration se trouvait dans l'impossibilité de délivrer un visa ;
- le tribunal a également commis une erreur manifeste dans l'appréciation des éléments de preuve des liens de filiation entre M. A... B...et l'enfant C...B... ;
- en effet, l'absence de lien de filiation établie par des documents d'état civil n'est contredite par aucun élément propre à établir une possession d'état, dès lors que M. B... n'a pas justifié avoir pourvu à l'éducation ou à l'entretien de son fils allégué, qui est né au Mali alors que M. B... était déjà installé en France, que M. B... s'est marié avec la mère de l'enfant plus d'un an après la naissance de ce dernier, qu'il n'a reconnu l'enfant que le 7 mars 2006 et qu'il ne s'en est soucié que très tardivement et n'en avait pas fait mention en 2003 dans sa demande de naturalisation ;
- M. B... n'apporte à aucun moment la preuve qu'il bénéficie de l'autorité parentale exclusive sur son fils allégué afin de pouvoir le faire venir en France ;
- ainsi, il est établi que le lien familial n'est pas tissé entre M. B... et son enfant allégué ;
Vu le jugement dont est demandé le sursis à l'exécution ;
Vu la décision du 10 décembre 2012 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu l'ordonnance du 23 avril 2013 fixant la clôture de l'instruction au 13 mai 2013 ;
Vu l'ordonnance du 26 avril 2013 reportant la clôture de l'instruction au 31 mai 2013 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2013, présenté pour M. B... par Me Rossinyol, avocat au barreau de Paris, qui demande à la cour :
1°) de rejeter le recours du ministre de l'intérieur ;
2°) d'ordonner au ministre de l'intérieur de délivrer à l'enfant C...B...un visa de long séjour, dans un délai d'un mois et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Il fait valoir que :
- l'exécution du jugement attaqué n'est pas de nature à entraîner des conséquences difficilement réparables ;
- il a bien présenté des copies conformes aux documents originaux et ce, contrairement à ce que soutient le ministre ;
- s'il n'a pas présenté l'original de l'acte de reconnaissance de l'enfant en 2006, c'est parce que ce document est conservé, sinon retenu, par les autorités consulaires françaises à Bamako ;
- les documents d'état civil ne présentent pas un caractère frauduleux et l'absence de preuve du caractère incontestable d'une fraude n'autorise pas la remise en question des actes judiciaires ou administratifs d'un pays tiers ; le simple faisceau d'indices n'est pas un argument recevable ;
- le caractère frauduleux du jugement supplétif du 12 juillet 2010 n'est pas établi ;
- compte tenu du comportement de M. B... vis-à-vis de son fils, l'administration a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Vu l'ordonnance du 7 juin 2013 décidant la réouverture de l'instruction ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 28 juin 2013, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut aux mêmes fins que son recours, par les mêmes moyens ;
Vu le recours enregistré sous le n° 12NT02838, par lequel le ministre de l'intérieur demande à la cour d'annuler le jugement du 27 septembre 2012 et de rejeter la demande de première instance présentée par M. B... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2013 :
- le rapport de M. Durup de Baleine, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;
Sur le recours du ministre de l'intérieur :
1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-14 du code de justice administrative : " Sauf dispositions particulières, le recours en appel n'a pas d'effet suspensif s'il n'en est autrement ordonné par le juge d'appel (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 811-15 de ce code : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement " ; que l'article R. 811-17 du même code : " Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction " ;
2. Considérant que le ministre de l'intérieur soutient que le jugement du 27 septembre 2012 n'est pas suffisamment motivé, que les premiers juges ont inexactement apprécié les faits de l'espèce dès lors, d'une part, que les actes d'état civil produits sont dénués de valeur probante et, d'autre part, qu'en l'absence d'une filiation établie par des documents d'état civil entre M. B... et son fils allégué, une telle filiation n'est pas davantage établie par une possession d'état ou d'autres circonstances, que le lien de filiation entre M. B... et cet enfant n'est ainsi pas établi, que l'identité même du demandeur de visa n'est pas prouvée, que c'est au prix d'une erreur de droit, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une méconnaissance des pièces du dossier que le tribunal administratif de Nantes a estimé les actes d'état civil présentés comme valides et pouvant faire foi au sens de l'article 47 du code civil ; que, toutefois, les moyens ainsi invoqués ne paraissent, en l'état de l'instruction, ni sérieux, ni de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 27 septembre 2012 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... :
4. Considérant, d'une part, que, les premiers juges ayant déjà ordonné la délivrance à l'enfant C...B...d'un visa de long séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de leur jugement, les conclusions aux mêmes fins présentées par M. B... dans la présente instance, au titre de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, sont sans objet et, par suite, irrecevables ; d'autre part, qu'il n'appartient pas au juge d'appel, saisi sur le fondement des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative et statuant à ce titre, d'assortir d'une astreinte l'injonction prononcée par les premiers juges en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ; qu'il en résulte que les conclusions reconventionnelles de M. B... sur ce point, qui, n'étant pas présentées sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, doivent être regardées comme l'étant sur celui de l'article L. 911-3 du même code, ne sont pas dans recevables dans la présente instance ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
5. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme à verser au conseil de M. B... au titre de ces dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur est rejeté.
Article 2 : Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, présentées par M. B..., sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 5 juillet 2013, à laquelle siégeaient :
- M. Iselin, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- M. Durup de Baleine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 juillet 2013.
Le rapporteur,
A. DURUP de BALEINE Le président,
B. ISELIN
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 12NT02844 2
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