Vu la requête, enregistrée le 7 septembre 2012, présentée pour M. et Mme A...B..., demeurant..., par Me Proux, avocat au barreau de La Roche-sur-Yon ; M. et Mme B... demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0907010 en date du 29 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu mise à leur charge au titre de l'année 2006 ;
2°) de prononcer la décharge de cette imposition ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
ils soutiennent que :
- le régime applicable à la cession de titres en litige est celui issu de l'article 150-O D bis du code général des impôts résultant de l'article 29 de la loi de finances rectificative pour 2005, ainsi qu'il résulte du commentaire qu'en a fait l'instruction 5C-1-07 du 22 janvier 2007 et notamment son point n° 107 ;
- en conséquence il y avait lieu, selon le point n° 69 de la même instruction qui, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, contient une interprétation distincte de celle de la loi, de déterminer le prix d'acquisition des titres cédés, non à partir de la valeur moyenne pondérée d'acquisition de ces titres, mais selon le prix d'acquisition effectif de chaque titre, dès lors que les titres cédés par M. B... sont identifiables et individualisables ;
- la méthode de calcul prévue par l'instruction du 22 janvier 2007 doit aussi s'appliquer au regard des frais d'acquisition des titres et notamment des droits acquittés par M. B... à l'occasion de la donation-partage effectuée à son profit par ses parents, les titres cédés correspondant à l'intégralité de ceux reçus dans le cadre de cette donation-partage ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2013, présenté par le ministre délégué chargé du budget, qui conclut au rejet de la requête ;
le ministre soutient que :
- sur le fondement de la loi fiscale, c'est à bon droit que le service a déterminé la plus-value taxable sur le fondement du 3 de l'article 150-0 D du code général des impôts ; les frais d'acquisition ont également été retenus conformément aux dispositions du 3 de l'article 150-O D du code général des impôts ;
- sur l'application de la doctrine, l'instruction 5 C-1-07 du 22 janvier 2007, dont les requérants se prévalent pour réclamer l'application de l'article 150-0 D bis du code général des impôts, n'ajoute rien à la loi et ne remet pas en cause les modalités de calcul à retenir pour la détermination de la plus-value ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 21 juin 2013, présenté pour M. et Mme B...qui maintiennent leurs conclusions initiales par les mêmes moyens ;
ils ajoutent que :
- la volonté du législateur était d'appliquer le nouvel article 150-0 D bis aux cessions intervenues après le 1er janvier 2006 ;
- ils ont apporté la preuve que les titres cédés sont identifiables, étant tous référencés dans les livres de la société ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 août 2013, présenté par le ministre délégué chargé du budget qui maintient ses conclusions initiales par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 2013 :
- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,
- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;
1. Considérant que M. B... a, le 20 décembre 2006, cédé à la société financièreB..., pour un montant de 3 871 200 euros, 1 613 des 1614 titres qu'il détenait dans la société Melissa et a déclaré à cette occasion une moins-value de 402 989 euros ; qu'à la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration a rectifié le prix unitaire d'acquisition des titres et par suite remis en cause la moins-value déclarée par le foyer fiscal, estimant que l'opération avait en réalité dégagé une plus-value d'un montant de 1 075 871 euros ; que M. et Mme B...font appel du jugement du 29 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été de ce fait assujettis au titre de l'année 2006 ;
Sur les conclusions à fins de décharge :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " I. - 1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que de l'article 150 A bis, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement ou par personne interposée, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu lorsque le montant de ces cessions excède, par foyer fiscal, 50 000 F par an (...) " ; qu'aux termes de l'article 150-0 D du même code : " 1. Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation. (...) 3. En cas de cession d'un ou plusieurs titres appartenant à une série de titres de même nature acquis pour des prix différents, le prix d'acquisition à retenir est la valeur moyenne pondérée d'acquisition de ces titres (...) " ;
3. Considérant que M. B... détenait au 1er janvier 2006 2 475 actions de la société Mélissa, correspondant, d'une part, à 500 titres souscrits à l'occasion de la constitution de la société en 1984 pour une valeur unitaire de 16 euros l'unité, d'autre part, à 435 titres qui lui avaient été attribués gratuitement à la suite d'une augmentation de capital réalisée en 1987, et enfin à 1 540 titres, valorisés chacun à 2 400 euros, reçus le 27 décembre 2005 à l'occasion d'une donation-partage effectuée par ses parents ; que le 19 décembre 2006 M. B... a lui-même donné à ses enfants 861 actions en les évaluant au prix unitaire de 2 400 euros ; qu'il a, le 20 décembre 2006, vendu 1613 des 1 614 titres de la société Mélissa qui restaient en sa possession à la Société FinancièreB... pour un prix unitaire de 2 400 euros, soit un prix global de 3 871 000 euros ;
4. Considérant que pour le calcul, au titre de ses revenus de 2006, des gains retirés de la cession réalisée le 20 décembre 2006, M. B... a déterminé le prix de revient des actions cédées d'après leur prix effectif, en prenant en compte que la donation à ses enfants avait porté en priorité sur les titres acquis, soit lors de la création de la société en 1984, soit à l'occasion de l'augmentation de capital en 1987, et qu'en conséquence la cession du 20 décembre 2006 avait porté sur le surplus restant lui appartenir, soit 74 de ces titres d'origine, dont il a comptabilisé pour néant la valeur d'acquisition, ainsi que 1 539 des 1 540 titres reçus par voie de donation-partage, dont il a comptabilisé la valeur d'acquisition à concurrence d'un montant unitaire de 2 400 euros ; qu'il a ajouté au prix d'acquisition ainsi obtenu, à concurrence de 578 806 euros, le montant total des frais supportés par lui à l'occasion de la donation-partage du 27 décembre 2005 ; que M. B... a ainsi estimé un prix de revient global des titres cédés à 3 696 000 euros, déterminant une moins-value d'un montant de 402 989 euros relativement à cette opération ; que pour remettre en cause cette moins-value l'administration fiscale a fait application des dispositions précitées du 3 de l'article 150-0 D du code général des impôts en estimant que le prix unitaire d'acquisition des titres cédés devait être établi, en application de ces dispositions, d'après la valeur moyenne pondérée d'acquisition de ces titres ;
5. Considérant, en premier lieu, que si M. et Mme B...se prévalent, dans le dernier état de leurs écritures, de l'application de l'article 150-0 D bis du code général des impôts, ces dernières dispositions, qui résultent de l'article 29 de la loi du n° 2005-1720 du 30 décembre 2005, n'ont eu pour effet que de permettre l'application aux cessions réalisées à compter du 1er janvier 2006 d'un abattement sur la plus-value conditionné, notamment, par la durée de détention des titres, sans avoir d'effet sur les modalités de calcul des gains de cession dès lors que ceux-ci, comme ceux réalisés par M. B..., n'étaient pas susceptibles de bénéficier de cet abattement ;
6. Considérant, en second lieu, qu'alors même que M. B... a identifié les 861 titres donnés le 19 décembre 2006 à ses enfants comme provenant, pour 500 d'entre eux, de la souscription initiale du donateur au capital de la société Mélissa en 1984, et pour les 361 autres, de l'augmentation de capital décidée lors de l'assemblée générale extraordinaire de cette société le 29 juin 1987, il est constant que l'ensemble des titres cédés par le requérant le 20 décembre 2006 sont, au sens du 3 de l'article 150-0 D du code général des impôts, des titres de même nature de la société Mélissa, acquis pour des prix différents ; que dès lors l'administration a pu à bon droit, sur le fondement de ces dernières dispositions, d'une part, pondérer la valeur d'acquisition des 2 475 titres que détenait M. B... au 1er janvier 2006, selon la valeur des 935 titres acquis par souscription au capital de la société et celle des 1 540 titres reçus le 27 décembre 2005 à la suite de la donation-partage consentie par ses propres parents et, d'autre part, répartir sur l'ensemble de ces 2 475 titres les frais s'élevant à 578 806 euros acquittés par le requérant à l'occasion de cette donation ;
En ce qui concerne l'application de la doctrine administrative :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente " ; que les requérants se prévalent, sur ce fondement, des dispositions de l'instruction 5 C-1-07 du 22 janvier 2007 relatives aux modalités d'application de la réforme du régime d'imposition des gains nets de cessions de valeurs mobilières résultant des dispositions, codifiées à l'article 150-0 D bis du code général des impôts, de l'article 29 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 ;
8. Considérant, toutefois, que la cession à l'origine de la plus-value litigieuse, réalisée le 20 décembre 2006, était insusceptible de se voir appliquer le régime de l'article 150-0 D bis, dès lors que l'abattement prévu par ces dispositions était conditionné à une durée minimale de détention de cinq années décomptées à partir du 1er janvier 2006 ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir d'une instruction dans les prévisions de laquelle ils n'entrent pas ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes
a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme B...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et MmeA... B... et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2013, à laquelle siégeaient :
- M. Piot, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Etienvre, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 janvier 2014.
Le rapporteur,
J. FRANCFORT Le président,
J-M. PIOT
Le greffier,
C. GUÉZO
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l' exécution de la présente décision.
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N° 12NT02526 2
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