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06/02/2014 | FRANCE | N°12NT03318

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 06 février 2014, 12NT03318


Vu la requête, enregistrée le 24 décembre 2012, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me Duplantier, avocat au barreau d'Orléans ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 12-1579 du 6 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mars 2012 du préfet du Loiret portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant comme pays de destination son pays d'origine ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet

arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjo...

Vu la requête, enregistrée le 24 décembre 2012, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me Duplantier, avocat au barreau d'Orléans ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 12-1579 du 6 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mars 2012 du préfet du Loiret portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant comme pays de destination son pays d'origine ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou à défaut de reprendre l'instruction de sa demande et dans l'attente de lui accorder une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, au besoin sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient :

- que l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- que le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation ;

- que l'arrêté contesté, qui indique qu'elle est célibataire alors qu'elle est mariée avec un

ressortissant français depuis le 13 août 2011, est entaché d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- qu'elle a produit un certain nombre d'éléments établissant l'existence d'une communauté de vie avec son époux antérieure à leur mariage ; qu'elle vivait depuis deux ans avec M. C... à la date de l'arrêté contesté ; que ce dernier dispose d'un contrat de travail à durée indéterminée lui permettant de prendre en charge son épouse ;

- qu'elle a fui son pays pour échapper à un mariage forcé ; qu'elle ne peut dès lors retourner dans son pays d'origine même le temps de présenter une demande de délivrance d'un visa de long séjour en qualité de conjoint d'un ressortissant français ; que le tribunal administratif n'a nullement fait état de cette circonstance ;

- que, compte tenu de ces éléments, l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 février 2013, présenté pour le préfet du Loiret, par Me Moulet, avocat au barreau d'Orléans, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 800 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient :

- que l'arrêté contesté est suffisamment motivé et a été pris à l'issue d'un examen particulier de la situation de l'intéressée ;

- que la demande de titre de séjour de Mme B... a été présentée sur le fondement de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'intéressée n'établit pas avoir informé les services préfectoraux de son mariage ; qu'elle a sollicité un hébergement en CADA au titre de l'aide sociale ;

- qu'en toute hypothèse, la cour pourra procéder à une substitution de motifs dès lors qu'il aurait pris la même décision s'il avait été informé du mariage de la requérante ;

- que contrairement à ce que soutient l'intéressée le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a estimé que ses déclarations ne permettait pas de tenir pour établis sa nationalité, sa provenance ou le mariage que sa famille aurait voulu lui imposer ; qu'elle pourrait donc retourner en Russie pour solliciter un visa en vue d'obtenir un titre de séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français ;

- que Mme B... est arrivée très récemment en France ; qu'elle a omis de déclarer son mariage ; que les attestations de vie commune qu'elle produit sont dénuées de toute valeur probante ; qu'elle ne parle que le russe et ne démontre pas son intégration à la société française ; que l'arrêté contesté n'est contraire ni aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- qu'en l'absence de visa, la requérante ne relève pas des dispositions du 4° de l'article

L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- que, pour les mêmes motifs, sa décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- que la somme de 800 euros qu'il sollicite au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est justifiée dès lors que la requérante ne produit aucune pièce au soutien de son recours qui apparaît abusif ;

Vu le mémoire enregistré le 11 septembre 2013, présenté pour Mme B..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

elle soutient en outre que si elle devait repartir dans son pays d'origine, son départ mettrait en échec le protocole de fécondation in vitro qu'elle suit et le projet d'avoir un enfant avec son mari ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 23 novembre 2012 refusant d'admettre Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle au titre de cette instance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 janvier 2014 :

- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme B..., de nationalité russe, fait appel du jugement du 6 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mars 2012 du préfet du Loiret portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant comme pays de destination son pays d'origine ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

2. Considérant que si la légalité d'une décision s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, il appartient au juge de tenir compte des justifications apportées devant lui, dès lors qu'elles attestent de faits antérieurs à la décision critiquée, même si ces éléments n'ont pas été portés à la connaissance de l'administration avant qu'elle se prononce ;

3. Considérant qu'il est constant que l'arrêté litigieux précise que Mme B... est célibataire alors qu'elle est mariée avec un ressortissant français depuis le 13 août 2011 ; que nonobstant le fait que l'intéressée n'a pas informé les autorités préfectorales de son changement de situation matrimoniale au cours de l'instruction de sa demande de titre de séjour, et que celle-ci a été présentée, le 10 mai 2010, sur le seul fondement de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne résulte pas de l'instruction, eu égard à ce mariage, que l'autorité administrative aurait pris la même décision si elle avait tenu compte de la situation réelle de l'intéressée au regard notamment des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet du Loiret a ainsi, par l'erreur de fait qu'il a commise, entaché d'illégalité l'arrêté contesté ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mars 2012 du préfet du Loiret ;

Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :

5. Considérant qu'eu égard au motif de l'annulation ci-dessus prononcée, il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet du Loiret de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu en revanche d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de chacune des parties la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 12-1579 du tribunal administratif d'Orléans en date du 6 juillet 2012 ainsi que l'arrêté du 29 mars 2012 du préfet du Loiret portant, à l'encontre de Mme B..., refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant son pays de destination sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Loiret de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme B... est rejeté.

Article 4 : Les conclusions du préfet du Loiret tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera adressée au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2014, où siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- Mme Specht, premier conseiller,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 février 2014.

Le rapporteur,

V. GÉLARDLe président,

O. COIFFET

Le greffier,

A. MAUGENDRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT03318


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT03318
Date de la décision : 06/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : MOULET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-02-06;12nt03318 ?
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