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20/02/2014 | FRANCE | N°12NT00819

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 20 février 2014, 12NT00819


Vu la requête, enregistrée le 23 mars 2012, présentée pour Mme D... B..., demeurant..., par Me Faure-Bonnaccorsi, avocat au barreau de Toulon ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 10-931 du 24 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département d'Indre-et-Loire à lui verser la somme de 56 066,38 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de l'irrégularité de la rupture de son contrat de travail ;

2°) de condamner le département d'Indre-et-Loire à lui verse

r la somme de

56 066,38 euros assortie des intérêts au taux légal ainsi que ...

Vu la requête, enregistrée le 23 mars 2012, présentée pour Mme D... B..., demeurant..., par Me Faure-Bonnaccorsi, avocat au barreau de Toulon ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 10-931 du 24 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département d'Indre-et-Loire à lui verser la somme de 56 066,38 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de l'irrégularité de la rupture de son contrat de travail ;

2°) de condamner le département d'Indre-et-Loire à lui verser la somme de

56 066,38 euros assortie des intérêts au taux légal ainsi que de leur capitalisation à compter du 2 décembre 2009 ;

3°) de mettre à la charge du département d'Indre-et-Loire le versement de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient :

- que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle a avait pu faire l'objet d'une " rupture anticipée et unilatérale " de son contrat de travail alors que seule une procédure de licenciement était, dans son cas, envisageable, et ont jugé que le versement d'une indemnité permettait à son employeur de s'exonérer des dispositions d'ordre public énoncées par le décret du 6 février 1991 relatives aux modalités d'indemnisation en cas de licenciement ; que les stipulations de l'article 8 de son contrat de travail sont contraires aux dispositions impératives de ce décret ; que les premiers juges ont entaché leur décision de contradictions de motifs en ne constatant pas l'illégalité de la décision prise à son encontre ;

- que la rupture de son contrat de travail ne saurait être requalifiée de licenciement faute qu'une procédure de licenciement ait été engagée à son encontre ; que les motifs de cette rupture sont imprécis, son insuffisance professionnelle ayant été avancée après qu'eut été évoqué un motif tiré de la restructuration du service ; que la rupture de son contrat de travail, lequel aurait dû se poursuivre jusqu'à son terme fixé au 31 juillet 2010, est entachée d'illégalité lui ouvrant droit à indemnisation ;

- que ses différents préjudices doivent être indemnisés ; que son licenciement lui a fait perdre le bénéfice de deux années de traitement ; qu'elle est, tout d'abord, fondée à obtenir une indemnité correspondant aux sommes qu'elle aurait perçues jusqu'au terme normal de son contrat ; que la perte de rémunération qu'elle a subie s'élève pour la période du 18 octobre 2008 au 10 mai 2009, compte tenu des allocations chômage reçues, à 7 951,95 euros et pour la période du 11 mai 2009 au 31 juillet 2010, du fait de l'emploi qu'elle a pu retrouver, à la somme de 18 085,62 euros ; qu'elle est, ensuite, fondée à être indemnisée de son préjudice lié à la perte d'allocation de retraite complémentaire ; qu'il peut être évalué, compte tenu du nombre total de points perdus sur la période du 19 octobre 2008 au 31 juillet 2010 et de la valeur du point, à la somme de 7 428,70 euros ; que le préjudice lié à la perte de chance d'évolution favorable de sa carrière doit également être indemnisé à hauteur de 10 000 euros ; que s'y ajoute le préjudice matériel subi à hauteur de 3 600 euros du fait des loyers qu'elle a dû acquitter pour se loger avec son fils à charge alors qu'il s'agissait d'un logement pour absolue nécessité de service et ensuite pour le studio loué pour son fils lorsqu'elle a été contrainte de le reloger ; qu'enfin, le préjudice moral qu'elle a subi peut être évalué à la somme de 5 000 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2012, présenté pour le département d'Indre-et-Loire, représenté par son président, par Me Bazin, avocat au barreau de Paris, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il fait valoir :

- que, contrairement à ce que soutient la requérante, le tribunal n'a pas validé la procédure de rupture conventionnelle prévue par le contrat de l'intéressée et mise en oeuvre en 2008 ; que le tribunal a, au contraire, expressément reconnu que le département avait commis une faute au regard de la procédure suivie ;

- que la requérante ne saurait reprocher aux premiers juges d'avoir entaché leur jugement d'une contradiction de motifs " en ne prononçant pas l'annulation de la décision prise à son encontre " alors qu'elle ne leur demandait pas l'annulation de cette décision ;

- que les demandes indemnitaires de Mme B... ne peuvent qu'être rejetées ; que si le tribunal a, en effet, constaté que le licenciement de Mme B... était irrégulier, il n'a pas censuré le motif de la rupture du contrat de travail, à savoir son insuffisance professionnelle, en particulier s'agissant de l'encadrement des agents de la maison d'enfants de la Bergeonnerie qui étaient placés sous sa responsabilité ; que la mesure prise à l'encontre de Mme B... était ainsi pleinement justifiée ;

- que l'intéressée n'a subi aucun préjudice financier ; que, pour la période du 18 octobre 2008 au 10 mai 2010, la requérante a perçu la somme de 39 438,71 euros alors que, si elle était restée en fonction, sa rémunération aurait été, en ne tenant pas compte des versements liés à l'exercice effectif des fonctions, de 41 175,51 euros ; qu'en outre, bien que l'intéressée ait été dispensée de l'exercice de ses fonctions à compter du 21 mars 2008, elle a reçu dans le cadre de " la rupture négociée " une somme totale de 17 872,29 euros qui correspond au maintien de sa rémunération totale, y compris les indemnités liées à l'exercice des fonctions, pour la période du 21 mars 2008 au 17 octobre 2008 ; que les préjudices tenant à la perte d'allocation retraite et à la perte de chance d'évolution favorable de sa carrière, qui présentent un caractère éventuel, ne peuvent qu'être écartés ; que, par ailleurs, si le département a cessé à compter du mois d'avril 2008 de prendre en charge le loyer de l'appartement que Mme B... occupait à Tours, c'est parce que l'intéressée était, depuis le 21 mars 2008, dispensée de toute fonction et, en particulier, des astreintes liées à son emploi qui lui ouvraient droit au bénéfice d'un logement pour nécessité absolue de service ; qu'enfin, la réalité du préjudice moral invoqué et le lien de causalité avec la faute reprochée au département ne sont pas établis ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 22 janvier 2014, présenté pour Mme B... qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

Vu le décret n° 91-155 du 6 février 1991 relatif au statut des agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 janvier 2014 :

- le rapport de M. Coiffet, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- les observations de Me E..., substituant Me Faure Bonaccorsi, avocat de Mme B... ;

- et les observations de Me C..., substituant Me Bazin, avocat du département d'Indre-et-Loire ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 février 2014, présentée pour Mme B... ;

1. Considérant que Mme B... a été recrutée, pour une période allant du 1er août 2007 au 31 juillet 2010, par le département d'Indre-et-Loire en qualité de cadre socio-éducatif de l'institut départemental de l'enfance et de la famille (A...), afin d'occuper le poste de chef de service de la maison d'enfants de la Bergeonnerie ; que cependant, par un courrier du 3 mars 2008 faisant suite à l'entretien qu'il avait eu avec l'intéressée, le directeur de l'institut départemental, rappelant " les difficultés de fonctionnement de la maison des enfants de la Bergeonnerie depuis trois mois conduisant à la réorganisation de l'encadrement des services ", a décidé de mettre fin au contrat de travail de Mme B... à compter du 17 octobre 2008 ; que, par le même courrier, il était indiqué à l'intéressée qu'elle cesserait d'exercer effectivement ses fonctions à compter du 21 mars 2008 et serait considérée jusqu'à la date d'effet de la résiliation de son contrat de travail comme effectuant son préavis, étant également précisé qu'elle conserverait l'intégralité de sa rémunération mensuelle ; que, le 26 novembre 2009, Mme B... a saisi le département d'une demande de réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la rupture de son contrat, demande indemnitaire qui a été implicitement rejetée ; que, par un jugement du 24 janvier 2012, le tribunal administratif d'Orléans saisi par l'intéressée des mêmes conclusions indemnitaires, les a rejetées ; que Mme B... relève appel de ce jugement ;

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Considérant que si, ainsi que l'ont estimé à juste titre les premiers juges, la rupture du contrat liant Mme B... au département d'Indre-et-Loire est intervenue à l'issue d'une procédure dont l'irrégularité, qui n'est pas véritablement contestée par la collectivité, résulte du caractère contraire aux dispositions du titre XI du décret précité du 6 février 1991 des stipulations du contrat litigieux, en ce qu'elles prévoyaient un cas de rupture unilatérale non prévu par ces dispositions, il résulte de l'instruction que Mme B... ne peut se prévaloir d'aucun préjudice indemnisable qui soit en lien direct avec la faute constituée par cette irrégularité ;

3. Considérant, en effet, que la décision du 3 mars 2008 du directeur de l'institut départemental de l'enfance et de la famille mettant fin au contrat de travail de Mme B... à la date du 17 octobre 2008 était motivée par les difficultés de fonctionnement de la maison des Enfants de la Bergeonnerie depuis plusieurs mois, qui étaient imputables au comportement de l'intéressée et qui nécessitaient la réorganisation de l'encadrement des services ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ce motif reposerait sur des faits matériellement inexacts ou serait de nature à entacher cette décision d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation ; que si Mme B... invoque, par ailleurs, un préjudice matériel tiré de la perte de l'avantage résultant de la prise en charge par l'institut départemental de l'enfance et de la famille du loyer de l'appartement mis à sa disposition, il est constant que cette prise en charge était la contrepartie d'un service d'astreinte que la requérante n'a pas effectué en raison, ainsi qu'il a été indiqué au point 1, de la cessation effective de ses fonctions à compter du 21 mars 2008, et qu'elle avait été informée dès le mois de février de la fin des relations contractuelles et, par voie de conséquence, de la suppression des avantages s'attachant à ses fonctions ; qu'enfin, Mme B... n'établit pas davantage qu'en première instance l'existence d'un préjudice moral lié aux conditions de la rupture de son contrat de travail ; que, dans ces conditions, aucune des prétentions indemnitaires de la requérante ne saurait être accueillie ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est entaché d'aucune irrégularité, le tribunal administratif a rejeté sa demande indemnitaire ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département d'Indre-et-Loire, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme B... demande le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la requérante le versement au département d'Indre-et-Loire de la somme qu'il demande au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département d'Indre-et-Loire tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au département d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2014, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Specht, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 février 2014.

Le rapporteur,

O. COIFFET Le président,

I. PERROT

Le greffier,

C. GUÉZO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT008192


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT00819
Date de la décision : 20/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : FAURE-BONACCORSI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-02-20;12nt00819 ?
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