Vu la requête, enregistrée le 5 novembre 2013, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me Rossinyol, avocat au barreau de Paris, qui demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1108985 du 2 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a ajourné à trois ans sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 juillet 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a ajourné à trois ans sa demande de naturalisation ;
2°) d'annuler la décision du 25 juillet 2011 ;
3°) de lui reconnaître le droit au bénéfice de la nationalité française et d'ordonner au ministre de lui délivrer un certificat de nationalité française ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
il soutient que :
- il séjourne régulièrement sur le territoire français et entend se prévaloir sur ce point de la circulaire du 16 octobre 2012 ; les faits sont anciens ;
- il a été dispensé de l'obligation de stage ;
- le ministre se méprend en lui opposant une insuffisante insertion professionnelle ;
- son entreprise est pérenne et il doit être tenu compte d'un contexte économique et social difficile ; son salon de coiffure est ouvert et sa clientèle est fidèle ; le ministre a commis une erreur d'appréciation ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la décision du 26 août 2013 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2014, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;
il fait valoir que :
- la décision contestée n'est entachée ni d'erreur de fait, ni d'erreur manifeste d'appréciation ;
- pour le surplus, il s'en remet à ses écritures de première instance ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mars 2014 :
- le rapport de M. Durup de Baleine, premier conseiller ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
1. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant, son degré d'insertion professionnelle ainsi que le niveau et la stabilité de ses ressources ;
2. Considérant que pour ajourner à trois ans la demande de naturalisation présentée par M. A..., ressortissant haïtien, le ministre chargé des naturalisations s'est fondé, d'une part, sur le fait que le requérant a séjourné irrégulièrement sur le territoire de 2001 à 2007, et d'autre part, sur la circonstance que la précarité de sa situation professionnelle de coiffeur à temps partiel ne lui permettait pas de disposer de revenus suffisants pour subvenir durablement à ses besoins ;
3. Considérant, en premier lieu, que si le ministre peut sans erreur de droit, opposer le motif de l'irrégularité du séjour pour rejeter ou ajourner la demande de naturalisation du postulant, il ne saurait, en l'absence de toute autre circonstance, retenir ce seul motif lorsque l'ancienneté des faits est telle qu'elle est de nature à entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... a séjourné irrégulièrement sur le territoire français entre 2001 et 2007, en méconnaissant ainsi la législation relative au séjour des étrangers en France ; qu'eu égard à la date à laquelle ce séjour irrégulier a pris fin, ces faits n'étaient pas anciens à la date de la décision contestée ; que, dès lors, le ministre n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en opposant ce motif au postulant ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort également des pièces du dossier que l'activité professionnelle du requérant en qualité de gérant de la société " A...Cosmétiques " créée au mois de janvier 2010, ne lui procurait, à la date de la décision contestée, qu'un revenu mensuel inférieur à 500 euros ; que, si M. A... se prévaut des contraintes inhérentes à la création récente d'une entreprise ainsi que d'un contexte économique général difficile, les circonstances ainsi invoquées sont toutefois sans incidence sur la légalité de cette décision ; que, s'il se prévaut des ressources également procurées à son foyer par son épouse, il ne justifie pas de l'exercice par son épouse, à l'époque de la décision du 25 juillet 2011, d'une activité professionnelle, dès lors que les revenus déclarés par Mme A...au titre de l'année 2011 se sont limités à 390 euros, dans la catégorie des traitements et salaires ; que, par suite, le ministre pouvait également se fonder sur ce second motif ;
5. Considérant, en troisième lieu, que le requérant ne saurait, en tout état de cause, se prévaloir des énonciations de la circulaire ministérielle du 16 octobre 2012 relative aux procédures d'accès à la nationalité française, dépourvue de valeur réglementaire ; que, de même, la circonstance que M. A... soit dispensé par l'article 21-20 du code civil de la condition de stage imposée par l'article 21-17 de ce code est sans incidence sur la légalité de la décision contestée, qui n'a pas déclaré irrecevable la demande de naturalisation ;
6. Considérant que, dans ces conditions, le ministre chargé des naturalisations, compte tenu du large pouvoir d'appréciation dont il dispose pour apprécier l'opportunité d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite, a pu, sans entacher sa décision d'une erreur de droit ni d'une erreur manifeste, ajourner à trois ans pour ces motifs la demande de naturalisation présentée par M. A... ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions tendant à ce que la cour reconnaisse au requérant le bénéfice de la nationalité française et à ce qu'il soit ordonné au ministre de lui délivrer un certificat de nationalité française, conclusions qui doivent être regardées comme tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de faire droit à la demande de naturalisation présentée par M. A..., ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme à ce titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Iselin, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- M. Durup de Baleine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 avril 2014.
Le rapporteur,
A. DURUP de BALEINE Le président,
B. ISELIN
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT03068 2
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