Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2014, présentée pour Mme C... B..., épouseD..., demeurant..., par Me Houzeau, avocat ; Mme B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1106805 du 28 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du consul général de France à Yaoundé du 26 janvier 2011 refusant de délivrer à l'enfant Christiane Vahid A...un visa de long séjour au titre du regroupement familial et de la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sur son recours dirigé contre cette décision du 26 janvier 2011 ;
2°) d'annuler la décision du 26 janvier 2011 et la décision implicite de la commission de recours ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer un visa long séjour à l'enfant Christiane VahidA... ;
4°) de condamner les défendeurs aux frais et dépens ;
elle soutient que :
- les documents fournis démontrent qu'elle a bien été suivie pour une grossesse au cours de l'année 2004 et qu'elle a bien accouché le 28 décembre 2004 ;
- si la déclaration de la sage femme qui a réalisé l'accouchement ne suffit pas, la seule possibilité pour démontrer le lien de filiation serait que soit ordonnée une expertise génétique ;
- elle justifie de transferts de fonds et d'appels téléphoniques qui montrent qu'elle et son mari prennent en charge financièrement la situation de sa fille ;
- il arrive souvent que certains actes d'état civil ne soient pas correctement validés en l'absence de pot de vin ou bakchich permettant seuls la régularisation de la situation ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 mars 2014, présenté, pour Mme B... épouseD..., par Me Houzeau, avocat, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ; elle soutient en outre qu'un jugement du tribunal de Yaoundé du 12 décembre 2013 a ordonné que soit établi l'acte de naissance de Christiane VahidA..., née le 28 décembre 2004 de Mme C... F...B... ;
Vu les pièces complémentaires, enregistrées les 31 mars 2014 et 12 mai 2014, présentées pour Mme B..., épouseD..., par Me Houzeau ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2014, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;
il fait valoir que :
- les conclusions de la requête dirigées contre la décision du consul général de Yaoundé du 26 janvier 2011 sont irrecevables, la décision prise sur recours préalable obligatoire par la commission de recours s'étant substituée à cette décision initiale ;
- si la requérante fournit un jugement du Tribunal de Youndé, elle ne fournit pas l'acte de naissance qui doit figurer sur le registre d'état civil ;
- cet acte de naissance devrait faire l'objet d'une vérification dans le cadre d'une nouvelle procédure de regroupement familial, la procédure initiale étant entachée de fraude ;
Vu la décision du 11 mars 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes a accordé à Mme B..., épouse D...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 janvier 2015, le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller ;
1. Considérant que, le 11 octobre 2010, le préfet du Nord a autorisé Mme B..., de nationalité camerounaise, à faire venir auprès d'elle en France l'enfant mineur E...A..., de nationalité camerounaise et dont Mme B... dit être la mère, au titre du regroupement familial ; que, toutefois le 26 janvier 2011, le consul général de France à Yaoundé a refusé de délivrer un visa de long séjour à cet enfant, motif tiré du défaut d'authenticité du document d'état civil présenté et, par suite, de l'absence de preuve de la filiation ; que Mme B... relève appel du jugement du 28 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du consul général de Yaoundé du 26 janvier 2011 et de la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sur son recours formé le 21 mars 2011 contre la décision du 26 janvier 2011 ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 26 janvier 2011 :
2. Considérant qu'en application des dispositions de l'article D. 211-5 à D. 211-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France se substitue à la décision de refus de visa prise par les autorités diplomatiques ou consulaires ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Nantes a rejeté comme irrecevables les conclusions de Mme B..., épouse D...tendant à l'annulation de la décision du consul général de France à Yaoundé du 26 janvier 2011 ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :
3. Considérant que, lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle a été saisie à cette fin que pour des motifs d'ordre public, au nombre desquels figure l'absence de caractère probant des actes d'état civil produits ; qu'il revient à l'administration, si elle allègue ces motifs, d'établir la fraude de nature à justifier légalement le refus de visa ;
4. Considérant que, pour rejeter le recours de Mme B..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur la circonstance que la filiation entre Mlle E... A...et la requérante n'était pas établie, dès lors que l'acte de naissance de cette enfant n'existait pas dans les registres de naissance de la mairie de Yaoundé 1er ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'a été initialement produit à l'appui de la demande de visa pour Mlle E... A...un acte de naissance établi au centre d'état civil de Yaoundé 1er numéroté 1089/2004 ; qu'il résulte des vérifications diligentées sur place par un agent du consulat général de France à Yaoundé que cet acte d'état civil n'existait pas dans le registre des naissances de la mairie de Yaoundé 1er ; qu'il est ainsi établi que l'acte de naissance initialement présenté à l'appui de la demande de visa était dépourvu de tout caractère authentique ;
6. Considérant, toutefois, qu'à l'occasion d'une demande de visa, la filiation d'un enfant peut être établie par tout moyen ; que si la légalité d'une décision s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, il appartient au juge de tenir compte des justifications apportées devant lui, dès lors qu'elles attestent de faits antérieurs à la décision critiquée, même si ces éléments n'ont pas été portés à la connaissance de l'administration avant qu'elle se prononce ;
7. Considérant que Mme B... a produit en cours d'instance un jugement supplétif du 12 décembre 2013 par lequel le tribunal de première instance de Yaoundé a ordonné à l'officier d'état civil de la commune de Yaoundé 1er d'établir l'acte de naissance de Christiane VahidA..., née le 28 décembre 2004 de Mme C... F...B..., ainsi qu'un acte de naissance établi le 28 avril 2014 à partir du jugement supplétif du 12 décembre 2013, duquel il ressort que Christiane VahidA..., née le 28 décembre 2004 à Yaoundé est la fille de Mme C... F...B..., née le 13 septembre 1973 ; que, hormis le cas où les documents produits auraient un caractère frauduleux, ce qui n'est en l'espèce pas soutenu par le ministre de l'intérieur, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère ; que, par suite, la commission de recours contre les décisions de refus de visas d'entrée en France a inexactement apprécié les faits de l'espèce en fondant sa décision de rejet sur l'absence de preuve de la filiation ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Considérant qu'eu égard aux motifs du présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen de la demande de visa de Mlle E... A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les frais et dépens :
10. Considérant que Mme B..., épouse D...ne chiffre pas ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat aux frais et dépens ; qu'elles ne peuvent par suite qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 novembre 2013 et la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen de la demande de visa de Mlle E... A..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., épouse D...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 février 2015.
Le rapporteur,
S. RIMEU Le président,
H. LENOIR
Le greffier,
F. PERSEHAYE
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N° 14NT00093 2
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