Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B...ont demandé au tribunal administratif de Nantes de leur accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis, en droits et pénalités, au titre des années 2007 et 2008.
Par un jugement n° 1112510 et 133801 du 6 mars 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 mai 2014 et 24 avril 2015, M. et MmeB..., représentés par MeC..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 mars 2014 ;
2°) de prononcer la réduction de ces suppléments d'imposition à hauteur de 47 198 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- Mme B...n'a pas été rémunérée pour sa participation à l'entretien des machines à laver mais pour son investissement dans la gestion des laveries dont la revente, dans les quatre années suivant leur achat ou leur création, a généré un produit exceptionnel de 430 000 euros et une plus-value nette globale de 258 693 euros en 2007 et en 2008 ; M. B...assurait des fonctions essentiellement techniques en contrepartie de rémunérations dont le montant a été admis par le service ;
- les premiers juges ne se sont pas prononcés sur la fiabilité des témoignages obtenus par l'administration auprès des clients de la société MSI trois ans après les faits ;
- la rémunération versée à la requérante a été appréciée par comparaison avec celles versées à leurs gérants par deux autres sociétés seulement, lesquelles avaient des activités moins étendues que les siennes ; l'une d'elles a été placée en liquidation judiciaire et l'autre réalise un chiffre d'affaires 4,5 fois supérieur à celui de la société MSI et emploie huit à neuf salariés ; aucune d'elles n'a réalisé une opération de cession telle que celle justifiant les rémunérations qui ont été versées à sa gérante ; l'appréciation du montant des rémunérations versées et leur comparaison avec la pratique d'autres sociétés doit tenir compte de la qualité de gérante majoritaire de la société de Mme B...qui l'oblige à acquitter elle-même les charges afférentes à ces rémunérations ;
- l'administration ne pouvait pas se livrer à une nouvelle comparaison avec deux autres sociétés au stade de la décision de rejet de la réclamation sans procéder à une substitution de motifs susceptible de les priver de la garantie que constitue la saisine de la commission départementale des impôts ;
- cette nouvelle comparaison, faite sur la base d'éléments postérieurs à la période vérifiée, n'est pas pertinente ;
- la rémunération de Mme B...s'est élevée à 12 000 euros et 17 100 euros seulement en 2005 et en 2006 ; la circonstance qu'elle exerçait une activité dans une autre société n'a pas à être prise en compte ;
- les comptes annuels de la société MSI comportant les rémunérations contestées ont été approuvés par l'assemblée générale des associés ; les premiers juges n'ont pas répondu à cet argument alors qu'il n'est pas inopérant ;
- à titre subsidiaire, les rémunérations dont le versement est admis ne peuvent pas être calculées sur la base de la moyenne arithmétique des rémunérations versées aux gérants des deux sociétés prises comme termes de comparaison et n'ont pas à être pondérées en tenant compte de son activité de gérante d'une autre société ; les premiers juges n'ont pas répondu à ce dernier argument alors qu'il est pris en compte par la jurisprudence ;
- ils ont omis de statuer sur le moyen tiré du caractère infondé de l'application de la majoration de 40% pour manquement délibéré ;
- en lui versant des rémunérations élevées, la société MSI a privé ses deux associés de versements de dividendes qui auraient été fiscalement plus avantageux pour eux, en raison notamment des charges sociales à acquitter sur ces rémunérations ; l'intention de réduire l'imposition des bénéfices réalisés par cette société n'est donc pas démontrée par l'administration à laquelle incombe la charge de la preuve d'un manquement délibéré.
Par un mémoire enregistré le 20 novembre 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les informations recueillies attestent de l'absence d'implication de Mme B...dans l'activité " sols en béton " de la société MSI ; à l'exception du nettoyage de la laverie située à Cholet, elle n'a pas participé à la gestion des laveries automatiques exploitées au cours de la période vérifiée ; la société MSI ne justifie pas de son rôle dans la cession des laveries ; le montant des rémunérations versées est hors de proportion avec le chiffre d'affaires réalisé par cette société ;
- la société MSI réalisant 70% de son chiffre d'affaires avec son activité " sols en béton ", la comparaison faite avec deux sociétés exerçant la même activité est pertinente ; les rémunérations versées à Mme B...sont excessives par comparaison avec celles allouées en 2008 aux gérants des deux sociétés qui ont acquis ses laveries automatiques ;
- la méthode de calcul des rémunérations déductibles employée par le service, qui admet des rémunérations représentant 13% du chiffre d'affaires en 2007 et 40% du chiffre d'affaires en 2008, est favorable aux requérants ;
- l'importance et la répétition des rehaussements notifiés justifient l'application de la majoration pour manquement délibéré ; les requérants ne pouvaient ignorer le caractère excessif des rémunérations versées à Mme B...qui leur a permis d'éluder 14 621 euros d'impôt sur le revenu et 17 101 euros de contributions sociales au titre des années 2007 et 2008.
Par une ordonnance du 24 mars 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 avril 2015.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Aubert,
- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public.
1. Considérant que M. et Mme B...relèvent appel du jugement du 6 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008 à raison de l'imposition, dans la catégorie des revenus distribués, de la part des rémunérations versées à MmeB..., en sa qualité de gérante de la société MSI, dont l'administration a refusé la déduction, à titre de charges, du bénéfice réalisé par cette société ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le tribunal a omis de statuer sur le moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de l'absence de pondération du montant des rémunérations de la gérante de la société MSI regardées comme excessives en tenant compte du fait que l'intéressée était également gérante d'une autre société ; que l'insuffisance de motivation dont le jugement se trouve ainsi entaché le rend irrégulier ; qu'il doit, dès lors, être annulé ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Nantes ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la comparaison de la situation de la société MSI avec deux entreprises exploitant des laveries automatiques n'a pas été faite pour la première fois par l'administration dans la décision de rejet de la réclamation des requérants du 6 juin 2011 mais dans la réponse à leurs observations datée du 31 août 2010 qui mentionne la possibilité de soumettre le différend à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, dès lors, et en tout état de cause, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'administration aurait tardivement procédé à une substitution de motifs ayant eu pour effet de les priver de la garantie que constitue la faculté de saisir cette commission ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) d) La fraction des rémunérations qui n'est pas déductible en vertu de l'article 39-1-1° (...) " ; qu'aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main d'oeuvre (...). / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu (...) " ;
6. Considérant que pour ramener de 140 000 euros à 38 717 euros en 2007 et de 38 717 euros à 17 017 euros en 2008 les rémunérations versées à MmeB..., en sa qualité de gérante de la société MSI, au motif qu'elles étaient excessives, le vérificateur s'est fondé sur des données internes à cette société puis a comparé sa situation à celle de deux autres sociétés exerçant une activité de bâtiment et travaux publics (BTP) dans le même secteur géographique ;
7. Considérant, d'une part, que le vérificateur a estimé, sur la base de renseignements obtenus auprès de clients de la société MSI, que l'activité de MmeB..., que les clients ainsi interrogés ont déclaré ne pas avoir eu pour interlocutrice, se limitait au secrétariat et à la tenue de la comptabilité pour l'activité de confection de sols en béton et, sur la base des déclarations faites au cours de la vérification de comptabilité de la société, au nettoyage de locaux pour l'activité d'exploitation des laveries automatiques ; qu'il a estimé en conséquence que l'augmentation de la rémunération de la gérante, qui s'élevait seulement à 12 000 euros en 2005 et à 17 000 euros en 2006 était excessive ; que les requérants, qui admettent que Mme B...n'a pas été rémunérée pour sa participation aux activités de confection de sols en béton et d'exploitation de laveries automatiques de la société MSI, ne soutiennent pas utilement que les témoignages sur lesquels cette position est fondée ont été tardivement obtenus auprès de leurs clients, trois ans après les faits ; que s'ils font valoir que l'augmentation significative de la rémunération de Mme B...en 2007 et en 2008 a eu pour contrepartie son rôle dans la gestion patrimoniale des laveries automatiques depuis leur acquisition jusqu'à la revente de cinq d'entre elles en 2007 et de la sixième en 2008, ainsi que l'attesterait le montant des plus-values de cession réalisées, ils n'apportent aucun élément de nature à établir la réalité et l'importance d'un tel rôle dont l'existence n'a pas, à juste titre, été admise par le service ;
8. Considérant, d'autre part, que le vérificateur a complémentairement procédé à la comparaison de la situation de la société MSI avec celle de deux autres entreprises exerçant une activité similaire dans le domaine des travaux de bâtiment et situées dans le même secteur géographique ; que s'il pouvait ainsi comparer sa situation à celle d'entreprises n'ayant pas une activité de gestion de laveries automatiques, compte tenu de la faible part que le chiffre d'affaires tiré de cette activité a représenté en 2007 et en 2008, et n'ayant pas développé une stratégie de valorisation de fonds de commerce, dès lors qu'il n'est pas établi que Mme B...s'est livrée à une telle activité, il résulte de l'instruction que l'une des deux entreprises utilisées comme terme de comparaison a été liquidée en novembre 2010, ce qui est de nature à expliquer l'absence de rémunération de son gérant en 2008 ; que, dans ces conditions, cette entreprise ne constitue pas un terme de comparaison pertinent ; que si la comparaison faite avec l'autre entreprise peut être admise, cette dernière ne constitue pas à elle seule, compte tenu de ses caractéristiques, un terme de comparaison suffisant ;
9. Considérant, toutefois, que le vérificateur s'étant d'abord fondé sur les données internes à l'entreprise pour réduire le montant des rémunérations dont la déduction peut être admise à titre de charges, l'administration doit être regardée, eu égard à ce qui est dit aux points 6 et 7 du présent arrêt, comme apportant la preuve qui lui incombe du caractère excessif de ces rémunérations ;
10. Considérant, enfin, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la circonstance que les rémunérations versées à Mme B...ont été approuvées par l'assemblée générale des associés dans le cadre de l'approbation des comptes annuels, laquelle n'est pas opposable à l'administration, ne fait pas obstacle à leur remise en cause dans le cadre de l'appréciation du montant des charges déductibles du bénéfice imposable de la société MSI ;
11. Considérant que M. et Mme B...critiquent à titre subsidiaire le mode de calcul mis en oeuvre pour réduire le montant des rémunérations versées à la requérante ; qu'il résulte de l'instruction qu'après avoir fait la moyenne des rémunérations perçues par les deux gérants des sociétés prises comme termes de comparaison, le vérificateur a additionné les rémunérations perçues par Mme B...dans les deux sociétés dont elle est la gérante, soit 182 000 euros en 2007 et 118 000 euros en 2008, puis a établi un coefficient entre ces deux termes de comparaison, pour chacune des années d'imposition, et utilisé ces deux coefficients pour calculer le montant de la rémunération déductible pour la gérance de la société MSI soit 38 717 euros en 2007 et 17 017 euros en 2008 ; qu'il a ainsi calculé cette rémunération en se fondant notamment sur la rémunération du gérant d'une société placée en liquidation judiciaire avec laquelle la comparaison n'est pas pertinente ; que ce mode de calcul doit, dès lors, être écarté ;
12. Considérant toutefois que le vérificateur a constaté, après avoir procédé à ces calculs, qu'ils aboutissaient à des rémunérations de 38 717 euros en 2007 et 17 017 euros en 2008, supérieures à celles versées au titre des années 2005 et 2006, lesquelles s'étaient respectivement élevées à 12 000 euros et à 17 100 euros ; qu'il en a déduit qu'elles pouvaient raisonnablement être admises en déduction des charges de la société MSI ; que la proposition de rectification mentionne également que le chiffre d'affaires réalisé en 2007 était inférieur à celui réalisé en 2005 et que le versement d'une rémunération de 38 000 euros en 2008 avait généré un déficit fiscal de 38 113 euros ; que les requérants n'apportent aucun élément de nature à établir que les parts de rémunérations ainsi réintégrées dans les charges sont excessives ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que ces sommes ne pouvaient pas être soumises à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus distribués ;
Sur l'application de la majoration pour manquement délibéré :
14. Considérant que l'application de la majoration de 40% pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts est motivée par le fait que l'augmentation des rémunérations versées à Mme B...en 2007 et en 2008 ne résultant pas d'une augmentation corrélative du chiffre d'affaires ou des services qu'elle rendait à la société MSI, elle ne pouvait ignorer, en sa qualité de gérante, que le but d'une telle augmentation était de réduire l'imposition des bénéfices réalisés par la société lors de la réalisation de plus-values résultant de la cession des laveries automatiques ; que les requérants ne la contestent pas utilement en se bornant à faire valoir que l'augmentation des rémunérations versées à Mme B...les a privés en leur qualité d'associés du versement de dividendes dont le régime fiscal est plus avantageux que le régime auquel sont soumises les rémunérations versées à un gérant associé majoritaire ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à demander la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. et Mme B...de la somme qu'ils demandent au titre de ces dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 mars 2014 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le surplus de la requête de M. et Mme B...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...D...et Bénédicte B...et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 4 juin 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- M. Etienvre, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 juin 2015.
Le rapporteur,
S. AUBERTLe président,
F. BATAILLE
Le greffier,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
''
''
''
''
1
N° 14NT00748 2
1