Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le cabinet Christian Noël Conseils a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le centre hospitalier de Bourges à lui verser la somme de 5 980 euros TTC en rémunération de sa prestation contractuelle de mise en relation avec un acheteur de chaudières et la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice matériel et moral, assorties d'intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la demande et de la capitalisation de ces intérêts.
Par un jugement n° 1301189 du 5 décembre 2013, le tribunal administratif d'Orléans a condamné le centre hospitalier de Bourges à verser au cabinet Christian Noël Conseils la somme de 5 980 euros TTC, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 mai 2013.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 février 2014, le centre hospitalier de Bourges, représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 5 décembre 2013 ;
2°) de rejeter les prétentions de la SARL Noël ;
3°) de mettre à la charge de la société Noël le versement d'une somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en déduisant de l'échange de courriels du 17 septembre 2012 l'existence d'un contrat de prestation de services d'intermédiation conclu entre la société Noël et le centre hospitalier de Bourges, alors qu'en vertu des dispositions des articles 1108 et 1109 du code civil, un contrat ne peut être valablement conclu qu'à la condition du consentement exprimé par les parties sur une offre précise et ferme ;
- c'est dès lors à tort que le tribunal administratif l'a condamné à payer une somme qu'il ne devait pas, en l'absence de tout contrat avec la société Noël, et en l'absence de toute prestation de mise en relation effectuée par celle-ci, l'hôpital étant déjà en relation avec la société ITHERM, qui lui a acheté une chaudière le 14 novembre 2012.
Une mise en demeure a été adressée les 27 juin et 14 septembre 2015 au cabinet Christian Noël Conseils.
Par lettre enregistrée au greffe de la cour le 24 septembre 2015, l'étude NNL a indiqué que la liquidation judiciaire du cabinet Christian Noël Conseils avait été prononcée le 22 octobre 2014 sans qu'elle ait pu rencontrer l'administré et n'a pas eu d'information sur le litige l'opposant au centre hospitalier de Bourges.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
1. Considérant qu'à la suite de son raccordement au réseau de chauffage urbain de la ville de Bourges, le centre hospitalier de Bourges a souhaité se défaire de ses chaudières devenues inutiles ; que le cabinet Christian Noël Conseils, qui exerce une activité de conseils en fusion acquisition dans les transactions portant sur des cessions de titres de sociétés ou d'actifs industriels divers, a adressé à l'hôpital de Bourges, par courriel du 10 août 2012, une offre de démontage et enlèvement de la chaudière à vapeur Stein Fasel, à titre gracieux, qui n'a pas été acceptée par le centre hospitalier ; que le cabinet Christian Noël Conseils a, par un nouveau courriel du 17 septembre 2012, proposé de mettre le centre hospitalier de Bourges en relation avec un acquéreur des chaudières moyennant des honoraires de 5 000 euros par chaudière payables à l'enlèvement ; que par courriel du même jour, le responsable administratif logistique du centre hospitalier a répondu " vos conditions nous agréent ", pour ce qui concerne la chaudière à vapeur de la blanchisserie, et a réservé sa décision pour les trois chaudières de chauffage ; qu'en réponse au nouveau courriel du cabinet Noël Conseils, le centre hospitalier a précisé, par courriel du 23 octobre 2012, que la chaudière à vapeur était prête à être démontée et enlevée et a donné les caractéristiques techniques des deux autres chaudières à céder ; que la société Itherm a procédé au démontage et à l'enlèvement de la chaudière du centre hospitalier le 14 novembre 2012 ; que le centre hospitalier a toutefois refusé de payer la facture d'honoraires du 15 novembre 2012 du cabinet Noël, aux motifs d'une part de l'absence d'accord formalisé conformément aux dispositions de l'article 1er du code des marchés publics, et d'autre part d'une négociation menée directement avec la société Itherm ; que, par la présente requête, le centre hospitalier de Bourges relève appel du jugement du 5 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a admis l'existence d'un marché public de prestation de service à titre onéreux conclu entre le demandeur et le centre hospitalier, et a condamné ce dernier à verser au cabinet Christian Noël Conseils la somme de 5 980 euros TTC en exécution de ce contrat, assortie des intérêts à compter du 13 mai 2013, date d'enregistrement de la requête ;
2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 1er du code des marchés publics : " Les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs (...) et des opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services " ; qu'il résulte d'un échange de courriels du 17 septembre 2012 que le cabinet Christian Noël Conseils a fait au centre hospitalier de Bourges une proposition d'intermédiation pour vendre les chaudières de l'établissement devenues inutiles et que, pour une chaudière au moins, l'établissement a accepté cette proposition, qui prévoyait le paiement d'une somme de 5 000 euros HT par chaudière vendue ; que l'accord contractuel ainsi conclu à titre onéreux entre un opérateur privé et un pouvoir adjudicateur en vue de répondre à ses besoins en matière de services, entre dans le champ d'application du code des marchés publics, tel que défini en son article 1er ; qu'il en résulte, en application du premier alinéa de l'article 2 de la loi du 11 décembre 2001, que ce contrat présente un caractère administratif dont le contentieux relève, ainsi que l'a jugé implicitement le tribunal administratif d'Orléans, de la compétence du juge administratif ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 30 du code des marchés publics : " I.-Les marchés et les accords-cadres ayant pour objet des prestations de services qui ne sont pas mentionnées à l'article 29 peuvent être passés, quel que soit leur montant, selon une procédure adaptée, dans les conditions prévues par l'article 28... " ; qu'aux termes de l'article 28 du même code : " I.-Lorsque leur valeur estimée est inférieure aux seuils de procédure formalisée définis à l'article 26, les marchés de fournitures, de services ou de travaux peuvent être passés selon une procédure adaptée, dont les modalités sont librement fixées par le pouvoir adjudicateur en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d'y répondre ainsi que des circonstances de l'achat... " ; que le contrat en cause, ayant pour objet des prestations d'intermédiation avec des acheteurs de chaudières, n'appartenait à aucune des catégories mentionnées à l'article 29 du code des marchés publics, et pouvait dès lors, quel que soit son montant, être passé selon une procédure adaptée ; que la personne responsable du marché est libre, lorsqu'elle décide de recourir à la procédure dite adaptée, de déterminer, sous le contrôle du juge administratif, les modalités de publicité et de mise en concurrence appropriées aux caractéristiques de ce marché, et notamment à son objet, à son montant, au degré de concurrence entre les entreprises concernées et aux conditions dans lesquelles il est passé, dans le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique et d'égalité de traitement des candidats ;
4. Considérant que, lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 1108 du code civil : " Quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention : Le consentement de la partie qui s'oblige ; / Sa capacité de contracter ; / Un objet certain qui forme la matière de l'engagement ; / Une cause licite dans l'obligation ", et qu'aux termes de l'article 1109 du même code : " Lorsqu'un écrit est exigé pour la validité d'un acte juridique, il peut être établi et conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1316-1 et 1316-4 et, lorsqu'un acte authentique est requis, au second alinéa de l'article 1317). / Lorsqu'est exigée une mention écrite de la main même de celui qui s'oblige, ce dernier peut l'apposer sous forme électronique si les conditions de cette apposition sont de nature à garantir qu'elle ne peut être effectuée que par lui-même " ; que le centre hospitalier de Bourges soutient qu'aucun contrat n'a pu être valablement conclu en l'absence de formulation par le cabinet Noël Conseils d'une offre précise et ferme, satisfaisant aux dispositions précitées du code civil ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que les termes du courriel du 17 septembre 2012, par lequel le cabinet Noël Conseils a proposé de mettre le centre hospitalier de Bourges en relation avec un acquéreur des chaudières moyennant des honoraires de 5 000 euros par chaudière payables à l'enlèvement, étaient suffisamment clairs et précis, et que le centre hospitalier de Bourges, qui a exprimé son consentement par un courriel du même jour indiquant " vos conditions nous agréent ", n'a d'ailleurs pas estimé nécessaire de solliciter au préalable des informations supplémentaires ou des précisions ; que le contrat en cause n'est dès lors pas entaché de l'irrégularité alléguée ;
6. Considérant qu'il n'est pas sérieusement contesté que le centre hospitalier de Bourges a été mis en relation avec la société Itherm par l'intermédiaire du cabinet Noël Conseils ; qu'à supposer établi que la société Itherm aurait auparavant formulé une proposition d'achat sans intermédiaire de la chaudière à vapeur, comme évoqué dans le courriel de l'établissement hospitalier du 5 septembre 2012, il résulte de l'instruction, en particulier des termes du courriel du centre hospitalier de Bourges adressé le 14 septembre 2012 au cabinet Noël Conseils, que cette première offre n'a pas donné lieu à un accord ; qu'il est également constant que la société Itherm a procédé au démontage et à l'enlèvement de la chaudière à vapeur cédée par l'établissement hospitalier ; que dans ces conditions le cabinet Noël Conseils était fondé à obtenir le paiement de la somme de 5 980 euros TTC en règlement de sa prestation d'intermédiation, objet du contrat conclu le 17 septembre 2012 ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Bourges n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans l'a condamné à verser au cabinet Christian Noël Conseils la somme de 5 980 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 mai 2013, date d'enregistrement de sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du cabinet Noël Conseils, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le centre hospitalier de Bourges demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du centre hospitalier de Bourges est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Bourges et à l'étude NNL, mandataire judiciaire du cabinet Noël Conseils.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- M.C..., faisant fonction de premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 décembre 2015.
Le rapporteur,
C. LOIRATLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au préfet du Cher en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.