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07/10/2016 | FRANCE | N°15NT00985

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 07 octobre 2016, 15NT00985


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme et M. C...J..., Mme H...J...agissant à titre personnel et en qualité d'administratrice des intérêts sa fille mineure, A...B..., et Mme G...B...ont demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier de Bayeux à réparer les préjudices résultant pour eux du décès de M. D...J...survenu le 27 septembre 2012 après sa prise en charge dans cet établissement.

Par un jugement n° 1302045 du 5 février 2015, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Pro

cédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 mars 2015 et 1er...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme et M. C...J..., Mme H...J...agissant à titre personnel et en qualité d'administratrice des intérêts sa fille mineure, A...B..., et Mme G...B...ont demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier de Bayeux à réparer les préjudices résultant pour eux du décès de M. D...J...survenu le 27 septembre 2012 après sa prise en charge dans cet établissement.

Par un jugement n° 1302045 du 5 février 2015, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 mars 2015 et 1er février 2016, Mme et M. C...J..., Mme H...J..., Mmes A...et G...B..., représentés par Me Fouet, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 5 février 2015 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Bayeux à verser à Mme et M. C...J...la somme de 102 763,70 euros, à Mme H...J...la somme de 20 000 euros ainsi que la somme de 15 000 euros chacune à Mmes A...et G...B... ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Caen la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'aux entiers dépens.

Ils soutiennent que :

- le décès de M. D...J...est la conséquence de plusieurs fautes commises par le centre hospitalier de Bayeux dans le diagnostic de sa pathologie, sa prise en charge, sa surveillance, enfin l'organisation et le fonctionnement du service suite à l'hospitalisation ordonnée par le juge des libertés le 12 juillet 2012 ;

- M. J...étant resté en permanence sous la responsabilité du centre hospitalier de Bayeux, leur action en responsabilité est correctement dirigée ;

- le centre hospitalier de Bayeux n'a pas mesuré la nécessité de maintenir sous surveillance constante et en hospitalisation psychiatrique M. D...J...malgré les troubles qu'il présentait ; l'avis du docteur Leclerc en date du 18 septembre 2012, qui ne correspondait pas à la réalité médicale de l'état de santé de M. D...J..., révèle une prise en charge défaillante et à tout le moins mal adaptée ;

- le centre hospitalier a commis une faute dans son fonctionnement en ce que, suite à la décision du juge des libertés du 12 juillet 2012, qui prescrivait une mesure d'hospitalisation complète de M. D...J..., un arrêté préfectoral décidait que l'intéressé devait être maintenu au sein de l'unité psychiatrique de Bayeux pour une durée de trois mois à compter du 29 juillet 2012, alors que celui-ci a été transféré dès le 24 septembre 2012 dans un établissement d'hébergement social pour adultes et familles en difficultés, où il s'est défenestré le 26 septembre suivant ; que ce foyer ne pouvait constituer une structure adaptée à l'état de santé de M.J... ;

- même en l'absence d'antécédents suicidaires, la pathologie de M. J...devait conduire à prendre des précautions non respectées au cas d'espèce ;

- le fonctionnement du centre hospitalier de Bayeux est également fautif en ce qu'il n'a prévu une visite de l'infirmier référent que deux jours après le transfert du patient.

Une mise en demeure a été adressée le 5 octobre 2016 à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados.

Par des mémoires enregistrés les 5 novembre 2015 et 17 février 2016, le centre hospitalier de Bayeux, représenté par Me Fouré, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. et Mme J...et autres le versement de la somme de 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les consorts J...ne sont pas fondés.

Les parties ont, les 11 juillet 2016 et 7 septembre 2016, été informées, en application des dispositions de l'article R.611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur les moyens d'ordre publics suivants :

- l'action indemnitaire présentée par les consortsJ..., Mlles A...et Agathe B...contre le centre hospitalier de Bayeux est mal dirigée ;

- l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître des conclusions indemnitaires présentées par les consortsJ..., les décisions médicales et avis émanant du centre hospitalier de Bayeux n'étant pas détachables des décisions prises par le préfet du Calvados sur le fondement de l'article L.3211-2-1 du code de la santé publique.

Par un mémoire enregistré le 18 août 2016, Mme et M. C...J..., Mme H...J..., Mmes A...et G...B...concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens que leurs précédentes écritures ; ils soutiennent, en outre, que sont les décisions et avis pris au sein du centre hospitalier de Bayeux, en particulier par le médecin psychiatre lors du diagnostic posé le 18 septembre 2012, qui ont entraîné le décès de M. D...J... ;

Par un mémoire enregistré le 15 septembre 2016, le centre hospitalier de Bayeux conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens que ses précédentes écritures et, en outre, fait valoir qu'il avait déjà exposé en première instance que la prise en charge de M. D...J...sous la forme d'hospitalisation en soins psychiatrique ambulatoires procédait de l'arrêté du 19 septembre 2012 du préfet du Calvados, dans le cadre des dispositions de l'article L.3213-1 et suivants du code de la santé publique ;

Par un mémoire enregistré le 16 septembre 2016, Mme et M. C...J..., Mme H...J..., Mmes A...et G...B...concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens que leurs précédentes écritures ; ils soutiennent, en outre, que l'action indemnitaire est bien dirigée dès lors que M. D...J...n'a pas cessé d'être sous la responsabilité médicale du centre hospitalier de Bayeux ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°2011-803 du 5 juillet 2011 et notamment son article 7 ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coiffet,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de MeF..., substituant Me Fouré, avocat des consorts J...et autres.

1. Considérant que M. D...J..., âgé de 37 ans, a été admis le 11 juin 2012 dans le service de psychiatrie du centre hospitalier de Bayeux sous le régime de l'hospitalisation librement consentie ; que, par un arrêté du 29 juin 2012, le préfet du Calvados a décidé son hospitalisation sans consentement en soins psychiatriques au sein de l'unité spécialisée du même établissement ; que, par une ordonnance du 12 juillet 2012, le juge des libertés et de la détention près le tribunal de grande instance de Caen a rejeté la demande de mainlevée de cette mesure ; qu'au vu d'un certificat médical du 26 juillet 2012 sollicitant le maintien de l'hospitalisation, le préfet du Calvados a, par un arrêté du 27 juillet 2012, maintenu la mesure de soins psychiatriques pour une durée de trois mois ; que toutefois, au vu de l'avis motivé du médecin psychiatre sollicitant une hospitalisation en soins psychiatriques en ambulatoire sans consentement et du programme de soins établis le 18 septembre 2012 par ce même praticien, le préfet du Calvados a, le 19 septembre 2012, pris un nouvel arrêté prévoyant la prise en charge en soins ambulatoires de M. D...J...avec intégration dans un foyer où il bénéficierait d'une prise en charge complète avec suivi médical et traitement par injection de retard ; que M. J... a ainsi été pris en charge le 24 septembre 2012 au sein du foyer " L'espérance ", établissement d'hébergement social pour adultes et familles en difficulté ; que, le 26 septembre 2012, l'intéressé était admis aux urgences du centre hospitalier universitaire de Caen à la suite d'une tentative de suicide par défenestration ; qu'il y est décédé le 27 septembre 2012 ; que Mme et M. C...J..., Mme H...J...et ses deux filles A...et AgatheB..., respectivement père, mère, soeur et nièces de la victime, ont, après rejet de leur demande indemnitaire préalable par le centre hospitalier de Bayeux, recherché devant le tribunal administratif de Caen la responsabilité pour faute de cet établissement ; qu'ils relèvent appel du jugement du 5 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3211-2-1 du code de la santé publique : " I. -Une personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale est dite en soins psychiatriques sans consentement. / La personne est prise en charge : / 1° Soit sous la forme d'une hospitalisation complète dans un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du présent code ; / 2° Soit sous toute autre forme, pouvant comporter des soins ambulatoires, des soins à domicile dispensés par un établissement mentionné au même article L. 3222-1 et, le cas échéant, une hospitalisation à domicile, des séjours à temps partiel ou des séjours de courte durée à temps complet effectués dans un établissement mentionné audit article L. 3222-1(...) "; qu'aux termes de l'article L. 3211-11 du même code : " Le psychiatre qui participe à la prise en charge du patient peut proposer à tout moment de modifier la forme de la prise en charge mentionnée à l'article L. 3211-2-1 pour tenir compte de l'évolution de l'état de la personne. Il établit en ce sens un certificat médical circonstancié ", et qu'aux termes de son article L3213-3 : " (...)/ II.-Les copies des certificats et avis médicaux prévus au présent article et à l'article L. 3211-11 sont adressées sans délai par le directeur de l'établissement d'accueil au représentant de l'Etat dans le département et à la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l'article L. 3222-5. / III.-Après réception des certificats ou avis médicaux mentionnés aux I et II du présent article et, le cas échéant, de l'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9 et de l'expertise psychiatrique mentionnée à l'article L. 3213-5-1, et compte tenu des exigences liées à la sûreté des personnes et à l'ordre public, le représentant de l'Etat dans le département peut décider de modifier la forme de la prise en charge de la personne malade. " ; que, par ailleurs, aux termes de l'article L.3216-1 du code de la santé publique issu de l'article 7 de la loi du 5 juillet 2011, applicable en l'espèce : " La régularité des décisions administratives prises en application des chapitres II à IV du présent titre ne peut être contestée que devant le juge judiciaire. / (...) / Lorsque le tribunal de grande instance statue sur les demandes en réparation des conséquences dommageables résultant pour l'intéressé des décisions administratives mentionnées au premier alinéa, il peut, à cette fin, connaître des irrégularités dont ces dernières seraient entachées " ;

3. Considérant que l'autorité judiciaire est seule compétente pour statuer sur les conséquences dommageables de la mesure prise, sur le fondement des dispositions rappelées au point 2, par le représentant de l'Etat, au vu d'un avis médical établi par le médecin psychiatre du centre hospitalier dans lequel est admis le patient qui n'est pas détachable de cette mesure, en vue de déterminer ou de modifier la forme de la prise en charge de ce patient ;

4. Considérant que les consorts J...ont demandé devant le tribunal administratif de Caen la réparation des conséquences dommageables de la décision, prise le 19 septembre 2012 par le préfet du Calvados, de placer de M. D... J...en soins ambulatoires dans le cadre d'un programme de soins psychiatriques sans consentement ; que de telles conclusions ne pouvaient, eu égard à ce qui a été précisé au point 3, être formulées que dans le cadre d'une action engagée devant le juge judiciaire ; que c'est, par suite, à tort que les juges de première instance ont, pour la rejeter, statué au fond sur la demande qui leur avait été ainsi présentée ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement du tribunal administratif de Caen du 5 février 2015 doit être annulé ; qu'il y a lieu de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la demande présentée par les consortsJ..., et de les rejeter comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

Sur les conclusions présentées au titre des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant, d'une part, que la présente instance n'ayant donné lieu à aucun des dépens prévus par l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les requérants ne sont pas fondés à demander que les dépens soient mis à la charge du centre hospitalier de Bayeux ;

7. Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Bayeux, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par les consorts J...au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1302045 du 5 février 2015 du tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : La demande des consorts J...est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme et M. C...J..., Mme H...J..., Mmes A...et G...B..., au centre hospitalier de Bayeux et à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président,

- M Coiffet, président,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 octobre 2016.

Le rapporteur,

O. Coiffet

Le président,

I. Perrot

Le greffier,

M. Laurent

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT00985


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT00985
Date de la décision : 07/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : FOUET

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-10-07;15nt00985 ?
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