Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la Chambre de métiers et de l'artisanat du Loiret à l'indemniser à hauteur de 254 076,56 euros des différents préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des conditions irrégulières dans lesquelles elle a été amenée à occuper un emploi au sein d'un établissement de formation continue géré par cet organisme consulaire.
Par un jugement avant dire droit n° 1403063 du 7 juillet 2015, le tribunal administratif d'Orléans a ordonné une mesure supplémentaire d'instruction portant sur la reconstitution de carrière de Mme B...et condamné parallèlement la chambre de métiers et de l'artisanat du Loiret à verser à l'intéressée une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice né pour Mme B...de la perte d'une chance sérieuse de poursuivre jusqu'à sa retraite sa carrière dans cet établissement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 novembre 2015, la chambre de métiers et de l'artisanat du Loiret, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 7 juillet 2015 ;
2°) de rejeter la requête de Mme B...;
3°) de mettre 3 000 euros à la charge de Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La chambre de métiers soutient que :
- Mme B...n'a jamais exercé ses fonctions dans un centre de formation d'apprentis (CFA) et n'a jamais occupé un emploi pouvant être occupé par un agent titulaire ;
- Mme B...exerçait des fonctions de formatrice en formation continue, hors apprentissage, sur des activités de formation financées annuellement par appel à candidature ;
- l'intéressée n'exerce pas une mission permanente de service public et ne peut de ce fait occuper un emploi d'agent titulaire ;
- elle était recrutée comme vacataire afin de satisfaire un besoin non permanent ;
- son activité ne pouvait pas être assimilée à l'enseignement de coiffure dispensé à titre permanent au titre des activités normales de la chambre de métiers ;
- cette activité peut connaître d'importantes variations en ce qui concerne le volume des heures ayant été financées ;
- le fait d'avoir proposé à Mme B...pour l'année un volume horaire en baisse ne s'apparente pas à un licenciement dès lors qu'aucun volume annuel d'heures d'enseignement n'était garanti à l'intéressée ;
- aucune faute n'ayant été commise, sa responsabilité ne saurait se trouver engagée ;
- la décision du tribunal est contraire aux dispositions d'ordre public de l'article L. 3245-1 du code du travail ;
- Mme B...ne pouvait pas valablement réclamer le paiement d'heures de travail antérieurement au 6 avril 2011 ;
- aucun paiement d'heures supplémentaires n'est possible au-delà du 6 août 2011 ;
- le supplément d'instruction demandé par le tribunal administratif n'est pas justifié sur la période indiquée ;
- aucune indemnité de licenciement ou de préavis n'est due ;
- Mme B...ne peut être regardée comme ayant été privée d'une chance de poursuivre sa carrière au sein de la chambre de métiers jusqu'à sa retraite dès lors que c'est elle-même qui a pris l'initiative de rompre la relation de travail.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 11 janvier et le 18 avril 2016, MmeB..., représentée par la Selarl Casadeï-Jung, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la chambre de métiers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, son avocat s'engageant à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Mme B...fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par la requérante n'est fondé et que ses prétentions indemnitaires sont justifiées.
Par ordonnance du 27 septembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 28 octobre 2016 à 12 heures.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 mars 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;
- le statut du personnel administratif des chambres de métiers ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mony,
- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant MmeB....
1. Considérant que Mme B...a adressé le 2 avril 2014 à son ancien employeur, la chambre de métiers et de l'artisanat du Loiret, une demande préalable d'indemnisation que celle-ci a implicitement rejetée en s'abstenant d'y répondre ; que, suite au recours indemnitaire formé par l'intéressée, le tribunal administratif d'Orléans a, par un jugement avant dire droit en date du 7 juillet 2015, reconnu que celle-ci était fondée à soutenir qu'elle avait fait l'objet, depuis l'année 2005, d'un recrutement sur un emploi présentant un caractère permanent, et en conséquence à estimer, d'une part, que la modification unilatérale et substantielle des conditions d'exercice de cet emploi était constitutive d'un licenciement, et, d'autre part, qu'elle était en droit de percevoir une indemnité réparant le manque à gagner résultant de sa situation de vacataire depuis cette année ; que le tribunal administratif a ordonné un supplément d'instruction afin de reconstituer la carrière de Mme B...et de déterminer le montant de l'indemnité de licenciement devant lui être versée, tout en condamnant la chambre de métiers à verser à l'intéressée 5 000 euros au titre de l'indemnisation de sa perte de chance sérieuse de poursuivre sa carrière jusqu'à la retraite au sein de cet organisme consulaire ; que la chambre de métiers et de l'artisanat du Loiret relève appel de cette décision ;
Sur les conclusions en annulation :
2. Considérant, en premier lieu, que si la chambre de métiers soutient que Mme B...ne pouvait pas être recrutée en tant qu'agent titulaire dès lors qu'elle n'exerçait pas une " mission de service public permanent " et que ses engagements successifs en qualité de vacataire ne sont intervenus que pour satisfaire des besoins non permanents d'enseignements dispensés dans le cadre de marchés annuels ne présentant aucune garantie de reconduction et qu'elle n'a de ce fait commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité en recrutant Mme B...dans le cadre de plusieurs contrats successifs à durée déterminée, il résulte toutefois de l'instruction que l'intéressée a été engagée sans discontinuer depuis 1992 jusqu'à l'année scolaire 2012-2013 par la chambre de métiers afin d'assurer des enseignements en coiffure au sein de l'Institut de formation des métiers et de l'artisanat (IMA) qui lui est rattaché ; que le volume horaire des enseignements dispensés par Mme B...a connu une augmentation continue au fil des années, alors même qu'elle intervenait devant des publics de plus en plus diversifiés, mais présentant tous la caractéristique de suivre un enseignement débouchant sur une qualification professionnelle, qu'il s'agisse du Brevet professionnel (BP) en contrat professionnalisation ou en contrat de qualification, ou du certificat d'aptitude professionnelle (CAP) ; que Mme B...doit ainsi être regardée comme ayant contribué à assurer, des fonctions d'enseignement en matière de formation professionnelle correspondant à un besoin permanent de l'organisme consulaire ; que MmeB..., recrutée en tant que vacataire dans le cadre de contrats annuels, alors même que la grille des emplois du personnel des chambres de métiers et d'artisanat comporte l'emploi de professeur et que le statut du personnel administratif des chambres de métiers n'autorise désormais le recrutement d'agents sous contrat à durée déterminée, selon les termes de l'article 2 des statuts modifié le 23 novembre 2008, qu'en vue de satisfaire des besoins non permanents ou en vue de pourvoir des emplois à temps partiel pour satisfaire des besoins particuliers requérant la collaboration de spécialistes ou en vue de pallier l'indisponibilité temporaire d'un agent titulaire, doit ainsi être regardée, comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, comme ayant été irrégulièrement maintenue dans sa qualité de vacataire au lieu d'être recrutée en tant qu'agent statutaire ; que Mme B...était ainsi fondée, comme l'a également jugé à bon droit le tribunal, à rechercher la responsabilité fautive de la chambre de métiers ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que si la chambre de métiers soutient que, s'agissant d'une action en répétition de salaire, les sommes que réclame Mme B...sont prescrites à compter du 6 avril 2011 et que le tribunal a ainsi méconnu les dispositions d'ordre public de l'article L. 3245-1 du code du travail en écartant l'exception de prescription qu'elle avait soulevée, il résulte de l'instruction que le recours formé par Mme B...n'a pas pour objet d'indemniser cette dernière d'une éventuelle méconnaissance par son employeur des stipulations de son contrat de travail de vacataire mais d'obtenir l'indemnisation du préjudice né de ce qu'elle a été irrégulièrement employée pendant plusieurs années dans des conditions non conformes au statut du personnel administratif des chambres des métiers, ayant abusivement été maintenue dans un emploi de vacataire alors qu'elle aurait dû être recrutée en qualité d'agent statutaire ; que c'est ainsi à bon droit que le tribunal administratif a écarté l'exception de prescription opposée par la chambre de métiers ;
4. Considérant, en dernier lieu, que si la chambre de métiers soutient que Mme B...ne peut utilement se prévaloir d'un préjudice résultant de la perte d'une chance sérieuse de poursuivre sa carrière au sein de l'organisme consulaire dès lors que c'est elle-même qui a pris l'initiative de rompre la relation de travail existante, il résulte de l'instruction que Mme B...a pendant plusieurs années été employée en qualité de vacataire alors qu'elle concourait, au travers d'un enseignement dispensé dans le cadre de la formation professionnelle, à une mission permanente de l'organisme consulaire et devait ainsi être regardée comme y occupant un emploi lui-même permanent ; qu'il résulte également de l'instruction que, alors que le volume horaire annuel réel de travail de l'intéressée avait excédé depuis l'années 2009-2010 les 861 heures normalement exigibles dans le cadre d'un emploi de professeur, l'intéressée cumulant plus de 900 heures en 2009-2010 et plus de 1 000 heures de travail en 2010-2011, la chambre de métiers a décidé, à compter de la rentrée 2013 de ramener le volume horaire hebdomadaire de travail de Mme B...à 20 heures, soit l'équivalent d'un volume annuel d'environ 440 heures de travail ; qu'une telle modification substantielle de ses conditions d'emploi, que Mme B...a expressément refusée par un courrier adressé à son employeur le 15 novembre 2013, ne pouvait ainsi qu'être assimilée à une décision de licenciement de l'intéressée ; que cette dernière était dès lors fondée à réclamer à son employeur l'indemnisation du préjudice en résultant, notamment en ce qui concerne l'absence de versement d'une indemnité de licenciement et la perte d'une chance sérieuse de pouvoir poursuivre sa carrière au sein de la chambre consulaire jusqu'à sa retraite ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que, en fixant à 5 000 euros l'indemnisation de ce dernier chef de préjudice, le tribunal administratif n'ait pas procédé à sa juste indemnisation ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la chambre de métiers et de l'artisanat du Loiret n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a, d'une part, sursis à statuer sur les conclusions indemnitaires de Mme B...relatives à son indemnité de licenciement, et, d'autre part, l'a condamnée à verser à Mme B...5 000 euros au titre de l'indemnisation de sa perte de chance de poursuivre sa carrière au sein de l'organisme consulaire jusqu'à sa retraite ;
Sur les conclusions en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que MmeB..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire, verse à la chambre de métiers et de l'artisanat du Loiret la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche de mettre au même titre 1 500 euros à la charge de la chambre de métiers au profit de MmeB... ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la chambre de métiers et de l'artisanat du Loiret est rejetée.
Article 2 : La chambre de métiers et de l'artisanat du Loiret versera à Mme B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la chambre de métiers et de l'artisanat du Loiret et à Mme C...B....
Délibéré après l'audience du 10 février 2017, où siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 février 2017.
Le rapporteur,
A. MONYLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT03405