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22/12/2017 | FRANCE | N°17NT01285

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 22 décembre 2017, 17NT01285


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...F...et Mme E...C...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, de condamner la commune de Ligny-le-Ribault à leur verser les sommes de 70 000 euros au titre des préjudices matériels et de 15 000 euros au titre des préjudices moraux subis en raison des nuisances causées par l'installation d'un terrain de sport à proximité de leur habitation, d'autre part, d'enjoindre à la commune de Ligny-le-Ribault de prendre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, toutes mesures réglemen

taires et d'aménagement de nature à assurer le respect de la tranquillité...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...F...et Mme E...C...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, de condamner la commune de Ligny-le-Ribault à leur verser les sommes de 70 000 euros au titre des préjudices matériels et de 15 000 euros au titre des préjudices moraux subis en raison des nuisances causées par l'installation d'un terrain de sport à proximité de leur habitation, d'autre part, d'enjoindre à la commune de Ligny-le-Ribault de prendre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, toutes mesures réglementaires et d'aménagement de nature à assurer le respect de la tranquillité publique et faire cesser les troubles anormaux, dans le délai d'un mois courant à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1602979 du 28 février 2017, le tribunal administratif d'Orléans a, par un article 1er, condamné la commune de Ligny-le-Ribault à verser à M. F...et à Mme C... une somme de 3 000 euros et, par un article 2, rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 avril 2017 et le 1er décembre 2017, M. F... et MmeC..., représentées par MeG..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 28 février 2017 ;

2°) de condamner la commune à leur verser 60 000 euros au titre des préjudices matériels, 15 000 euros en raison du trouble de jouissance et 10 000 euros au titre du préjudice moral subis en raison des nuisances causées par l'installation d'un terrain de sport à proximité de leur habitation ;

3°) d'enjoindre à la commune de Ligny-le-Ribault de prendre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, toutes mesures réglementaires et d'aménagement de nature à assurer le respect de la tranquillité publique et faire cesser les troubles anormaux, dans le délai d'un mois courant à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

4°) de mettre à la charge de la commune de Ligny-le-Ribault une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité de la commune de Ligny-le-Ribault pour faute est engagée ; en ne procédant pas à la déclaration de l'équipement sportif que constitue le terrain de sport auprès de la préfecture du Loiret en méconnaissance des dispositions de l'article R. 312-3 du code du sport, le maire de la commune a commis une faute ; en édictant tardivement un règlement d'utilisation du terrain de sport au demeurant insuffisant pour répondre aux nuisances de voisinage excessives subis, le maire de Ligny-le-Ribault a commis une faute engageant sa responsabilité ;

- la responsabilité sans faute de la commune de Ligny-le-Ribault en tant que maitre d'ouvrage est également engagée ; ils subissent un préjudice anormal et spécial compte tenu des horaires de fréquentation du terrain de sport et des importantes nuisances sonores qu'ils subissent ;

- le préjudice qui leur a été alloué en première instance est manifestement sous-évalué ; le préjudice matériel, qui inclut la réfection totale de leur mur de clôture et la perte de valeur vénale de leur maison, est estimé à 60 000 euros ; le préjudice de jouissance de leur propriété et les préjudices moraux sont évalués respectivement à 15 000 euros et 10 000 euros ;

- compte tenu de la carence de la commune à prendre les mesures appropriées pour assurer la tranquillité publique, une condamnation de la commune sous astreinte à prendre les mesures adaptées doit être prononcée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2017, la commune de Ligny-le-Ribault, représentée par MeB..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident à l'annulation de l'article 1er du jugement du 28 février 2017 ;

3°) à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. F...et de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable en ce qu'elle demande la condamnation de la commune sur le terrain de la responsabilité pour faute ; le contentieux n'est pas lié ;

- les moyens soulevés par M. F...et Mme C...ne sont pas fondés ;

- le préjudice invoqué par les requérants n'est pas anormal, dès lors qu'ils ont acquis leur immeuble en connaissant le risque de gène lié à la présence du terrain multisports ; à titre subsidiaire, ils n'ont pas demandé l'indemnisation du remplacement de leur portillon ; ils n'ont pas justifié de la valeur de ce préjudice.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code du sport ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de MeG..., représentant M. F...et Mme C...et celles de MeD..., représentant la commune de Ligny-le-Ribault.

1. Considérant que M. F... et Mme C...ont acquis le 4 avril 2015 une propriété sise 195 chemin du stade à Ligny-le-Ribault (Loiret) ; que, le 17 juin 2015, la commune a inauguré un terrain multisports, séparé de la propriété des requérants par le chemin menant au stade municipal ; que, faisant état de nuisances répétées subies en raison de la fréquentation de ce terrain de sport, M. F...et Mme C...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la commune de Ligny-le-Ribault à la réparation de leurs préjudices matériels et financiers, à hauteur de 85 000 euros ; que le tribunal administratif d'Orléans a, par un article 1er, condamné la commune de Ligny-le-Ribault à verser à M. F...et à Mme C...une somme de 3 000 euros et, par un article 2, rejeté le surplus des conclusions de leur demande ; que M. F...et Mme C...relèvent appel de ce jugement et demandent que la commune de Ligny-le-Ribault soit condamnée à leur verser 60 000 euros au titre des préjudices matériels, 15 000 euros en raison du trouble de jouissance et 10 000 euros au titre du préjudice moral ; que la commune, par la voie de l'appel incident, demande l'annulation de l'article 1er de ce jugement ;

Sur la responsabilité pour faute de la commune de Ligny-le-Ribault et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) / 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ; / 3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics (...) ";

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, un mois après l'ouverture du terrain de jeu multisports, les requérants ont alerté le maire de la commune de Ligny-le-Ribault des nuisances sonores répétées liées à l'utilisation de cet équipement ainsi que de comportements inappropriés des utilisateurs se traduisant notamment par des incursions répétées dans leur propriété pour récupérer des ballons et l'apparition de traces de ballons sur le mur d'enceinte de l'immeuble ; que le 14 août 2015, le portillon d'accès de leur propriété a été dégradé ; que, pour y faire face, le maire de la commune de Ligny-le-Ribault a informé le 15 septembre 2015 les requérants de sa volonté de procéder à l'installation de filets pare-ballons dans l'enceinte du terrain de sport ; que la pose de ce dispositif d'une hauteur de 6 mètres a été effectuée en novembre 2015 ; que le 25 avril 2016, le maire de la commune a par ailleurs édicté un arrêté municipal qui limite l'accès à cet équipement sportif entre 9 heures et 22 heures, en réserve l'utilisation prioritaire aux élèves et enseignants de l'école communale sur les périodes scolaires, interdit la diffusion de musique et toute autre source de bruits, notamment liée à l'utilisation d'engins à moteur ; que M. F...et Mme C...ne démontrent pas, en soulignant le délai de neuf mois entre leur premier signalement auprès du maire de la commune et la date de l'arrêté municipal réglementant l'accès au terrain multisports, que les mesures prises par le maire de la commune de Ligny-le-Ribault seraient insuffisantes pour mettre fin aux préjudices qu'ils ont subis du fait du fonctionnement de cet équipement public ; que si les requérants relèvent l'insuffisance de ces mesures dès lors que l'accès au city stade au-delà des heures d'ouverture fixées par l'arrêté municipal n'est pas rendu impossible, ils n'établissent pas de nuisances particulières liées à la fixation de ce créneau horaire ; que, par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que le maire de la commune a commis une faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police qu'il détient en application des dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ;

4. Considérant, d'autre part, qu'à la supposer avérée, la circonstance que la commune de Ligny-le-Ribault n'aurait pas déclaré cet équipement sportif auprès de la préfecture du Loiret en méconnaissance des dispositions de l'article R. 312-3 du code du sport ne caractérise pas une carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police générale, de nature à engager la responsabilité de la commune de Ligny-le-Ribault ;

Sur la responsabilité sans faute de la commune de Ligny-le-Ribault :

5. Considérant que le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement ; que pour obtenir réparation par le maître de l'ouvrage des dommages qu'elle a subis, la victime doit démontrer, d'une part, la réalité de son préjudice et, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et les dommages, lesquels doivent présenter un caractère anormal et spécial ; que pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse sur elle, il incombe à la collectivité maître d'ouvrage d'établir que ces dommages résultent de la faute de la victime ou de l'existence d'un événement de force majeure ;

6. Considérant qu'il est constant que des utilisateurs du terrain de jeu multisports ont, peu de temps après l'inauguration de l'équipement, pénétré à plusieurs reprises sans autorisation dans la propriété de M. F...et de MmeC..., en franchissant le mur de clôture pour y récupérer leurs ballons ; que le portillon de la propriété a été abîmé le 14 août 2015 ; que des traces de ballons ont été constatées sur le mur de clôture ; que la commune ne conteste pas l'existence de ces troubles ;

7. Considérant toutefois qu'il résulte de l'instruction M. F...et Mme C...ont acquis leur propriété deux mois avant l'ouverture du terrain de jeu multisports de sorte qu'ils ne pouvaient ignorer la gêne sonore à laquelle les exposerait la proximité immédiate de cet équipement public ; que, par ailleurs, cet équipement fait partie intégrante d'un complexe sportif, composé d'un stade municipal, de deux terrains de tennis, d'un mur d'entraînement pour le tennis, d'un panier de basket ainsi que d'une salle de sport dans laquelle se pratiquent la danse, le judo et la gymnastique, comprenant également des vestiaires ; que tous ces équipements sont installés à proximité immédiate de la propriété des appelants, et ce depuis de nombreuses années ; que, pour répondre aux plaintes des riverains, la commune de Ligny-le-Ribault a décidé d'équiper le terrain de filets pare-ballons et de restreindre les horaires d'ouverture de ce terrain de sport ; qu'il ne résulte pas de l'instruction et notamment du constat d'huissier établi le

28 novembre 2017 à la demande de M. F...et de Mme C...que, depuis l'adoption de ces mesures, les jets fréquents de ballons dans le jardin des requérants auraient perduré et que la fréquentation et l'utilisation de l'équipement sportif aurait engendré des troubles sonores qui excèdent les sujétions normalement imposées aux riverains d'un ouvrage public ; que, dans ces conditions, c'est par une juste appréciation que les premiers juges ont fixé, dans les circonstances de l'espèce, à la somme de 3 000 euros l'indemnisation des préjudices visés au point 6 qui peuvent être regardés comme présentant un caractère anormal - c'est-à-dire grave et spécial - excédant les sujétions susceptibles d'être, sans indemnité, normalement imposées dans l'intérêt général aux riverains des ouvrages publics ; que l'appel incident de la commune de Ligny-le-Ribault doit être rejeté ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède l'appel principal de M. F...et de Mme C...et l'appel incident de la commune de Ligny-le-Ribault formés contre le jugement attaqué doivent être rejetés ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus il ne résulte pas de l'instruction que les nuisances invoquées par les requérants ont perduré après l'installation des filets pare-ballons et l'édiction de l'arrêté du 25 avril 2016 ; que les conclusions à fins d'injonction présentées par M. F... et Mme C... ne peuvent dès lors et en tout état de cause qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Ligny-le-Ribault, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme sollicitée par M. F...et Mme C...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Ligny-le-Ribault présentées sur le même fondement et de mettre à la charge de M. F...et de Mme C...une somme de 1 000 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F...et de Mme C...est rejetée.

Article 2 : L'appel incident de la commune de Ligny-le-Ribault est rejeté.

Article 3 : M. F...et Mme C...verseront une somme de 1 000 euros à la commune de Ligny-le-Ribault au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...F..., à Mme E...C...et à la commune de Ligny-le-Ribault.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Phémolant, présidente de la cour,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 décembre 2017.

Le rapporteur,

M-P. Allio-RousseauLa présidente de la cour,

B. Phémolant

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au préfet du Loiret en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT01285


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01285
Date de la décision : 22/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PHEMOLANT
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : DE VILLELE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-12-22;17nt01285 ?
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