Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par elle contre la décision en date du 22 novembre 2012 par laquelle le consul général de France à Bangui (Centrafrique) a refusé de délivrer un visa de long séjour pour ses enfants Cécilia Zebegue Mokonou et Samira Princesse Zebegue.
Mme B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 13 novembre 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de délivrer un visa de long séjour pour ses enfants Cécilia Zebegue Mokonou et Samira Princesse Zebegue
Par un jugement n°1307519 et 1401308 du 27 novembre2015, le tribunal administratif de Nantes, après avoir joint ces deux demandes, les a rejetées.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 juillet 2016, MmeB..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 novembre 2015 ;
2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France refusant la délivrance de visas long séjour aux enfants Cécilia et Samira Princesse ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas demandés sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la notification de la décision à intervenir et à défaut d'enjoindre cette même autorité à réexaminer la situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la commission de recours contre les décisions de refus de visas d'entrée en France a commis une erreur de droit compte tenu de l'absence de fraude ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales ainsi que l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 août 2016 le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er juin 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Giraud a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme B...relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 novembre 2015 par lequel celui-ci a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France et de celle du ministre de l'intérieur ayant rejeté ses demandes de visas de long séjour pour les enfants Cécilia et Samira Princesse ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) " ; que selon l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ; que cet article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ; qu'il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question ; qu'il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le document aurait un caractère frauduleux ;
3. Considérant, d'une part, que MmeB..., pour établir le lien de filiation avec Cécilia et Samira Princesse, a produit un grand nombre de documents d'état civil entre 1999 et 2012 qui comportent, à chaque fois, des inexactitudes ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'un certain nombre de ces inexactitudes ont été corrigées par des jugements supplétifs et des jugements en rectification d'erreur matérielles ; que les erreurs commises dans les actes établis à la demande de MmeB..., par le biais de mandataire, celle-ci résidant régulièrement en France en qualité de réfugié, sont de faible importance et ne remettent pas en cause les éléments concordants sur le lien de filiation ressortant de ces documents, lesquels sont confirmés par l'ensemble des nombreux et précis échanges épistolaires entre Mme B...et les différents services administratifs français ; que le ministre ne peut sérieusement se prévaloir, compte tenu de la qualité de réfugiée de MmeB..., de l'absence de celle-ci sur les photographies avec ses enfants ;
4. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...contribue régulièrement, à hauteur de ses moyens et possibilités, à l'entretien de ses enfants en leur téléphonant et en leur envoyant des sommes d'argent ; que plusieurs mandats sont antérieurs à la première décision attaquée, et qu'au surplus, les envois d'argent se sont poursuivis et se sont intensifiés à partir de 2014 et jusqu'à aujourd'hui ; que MmeB... contribue également financièrement à la scolarisation de Cécilia et de Samira Princesse au Newtech Institut ;
5. Considérant, enfin, que si le ministre fait état de ce que les naissances des enfants Cécilia et Samira Princesse ne sont pas répertoriées dans les registres des hôpitaux de Bangui, les attestations qu'il produit, au demeurant illisibles et ne donnant aucune explication sur la nature des vérifications effectuées et des registres consultés, ne permettent pas de remettre en cause le lien de filiation, qu'il a ainsi inexactement apprécié ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions attaquées ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant que le présent arrêt implique pour son exécution, eu égard au motif d'annulation retenu, qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour aux enfants Cécilia et Samira Princesse, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au profit de MeA..., à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir le bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 novembre 2015, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France confirmant la décision du 22 novembre 2012 du consul général de France à Bangui et la décision du ministre de l'intérieur du 13 novembre 2013 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, de délivrer un visa long séjour à Cécila Zebegue Mokonou et Samira Princesse Zebegue, dans le délai d'un mois, à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à MeA..., conseil de MmeB..., une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2017, où siégeaient :
- M. Francfort, président,
- M. Mony, premier conseiller,
- M. Giraud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 janvier 2018.
Le rapporteur,
T. GIRAUDLe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT02301