Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...A...D...a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2015 par lequel le préfet de Loir-et-Cher a rejeté la demande de regroupement familial qu'elle a présentée au profit de son époux et d'enjoindre au préfet d'admettre sa demande de regroupement familial dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement sous astreinte de 300 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1503834 du 26 mai 2016 le tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2016, Mme A...D..., représentée par Me Souamounou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 26 mai 2016 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 17 septembre 2015 par lequel le préfet de Loir-et-Cher a rejeté la demande de regroupement familial qu'elle a présentée au profit de son époux ;
3°) d'enjoindre au préfet de Loir-et-Cher d'admettre sa demande de regroupement familial dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les dispositions des articles L. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ; à la date de l'arrêté contesté son mari ne faisait plus l'objet d'une inscription au fichier des personnes recherchées par les autorités italiennes en raison d'infractions à la législation sur les stupéfiants et pour évasion ; il n'a jamais fait l'objet d'une inscription au fichier des personnes recherchées en France où il n'a jamais vécu ni commis d'infraction ; le préfet ne donne aucune indication concernant le motif constitutif de la menace à l'ordre public à la date de l'arrêté contesté ; ni elle, ni son époux ne font l'objet d'une condamnation pénale en France ; la circulaire du 1er mars 2000 relative au regroupement familial des étrangers a précisé que la notion de menace à l'ordre public doit être entendue au sens strict ;
- l'arrêté contesté méconnait les dispositions des articles L. 411-1 et L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle dispose de revenus de nature à lui permettre de vivre avec son époux et ses enfants ; elle dispose d'un contrat de travail après avoir enchainé plusieurs contrats de mission et d'un logement stable ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ; elle a deux enfants nés d'une précédente union en plus des deux enfants nés de son union actuelle ; elle réside en France depuis plus de vingt ans, y dispose de ressources stables et suffisantes ainsi que d'un logement où elle peut accueillir son mari pour lequel elle a présenté une demande de regroupement familial ;
- l'arrêté contesté méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; deux de ses enfants issus de son mariage avec M. A...D...sont nés sur le territoire français ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme A...D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique ;
- le rapport de Mme Tiger-Winterhalter, présidente-assesseure ;
- et les conclusions de Mme Rimeu, rapporteur public.
1. Considérant que Mme A...D..., de nationalité marocaine, titulaire d'une carte de résident, relève appel du jugement du 26 mai 2016 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 septembre 2015 par lequel le préfet de Loir-et-Cher a rejeté la demande de regroupement familial présentée par l'intéressée en faveur de son époux ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins un an, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par la présente ordonnance ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans " ; qu'aux termes de l'article L. 411-6 du même code : " Peut être exclu du regroupement familial: / 1°Un membre de la famille dont la présence en France constituerait une menace pour l'ordre public " ;
3. Considérant que l'arrêté contesté est fondé sur la menace à l'ordre public que constituerait l'époux de la requérante au motif que ce dernier a fait l'objet d'une inscription active jusqu'au 7 janvier 2017 au fichier des personnes recherchées par les autorités italiennes en raison d'infractions à la législation sur les stupéfiants et pour évasion ; qu'il ressort toutefois des pièces versées au dossier, notamment des renseignements obtenus par la direction centrale de la police judiciaire auprès des autorités italiennes, que l'inscription de l'époux de Mme A...D...au fichier des personnes recherchées par les autorités italiennes pour une période de six ans du 10 mai 2008 au 9 mai 2014 n'était plus active à la date de l'arrêté contesté ; que par ailleurs, régulièrement invité à présenter ses observations en défense, le préfet de Loir-et-Cher ne donne aucune précision quant à la nature exacte des infractions commises par l'époux de la requérante ni quant à la date à laquelle elles ont été commises ; que, dans ces conditions, en estimant que la présence de M. A...D...en France constituerait une menace pour l'ordre public le préfet de Loir-et-Cher a entaché son arrêté du 17 septembre 2015 d'une erreur d'appréciation ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...D...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 septembre 2015 du préfet de Loir-et-Cher ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de Loir-et-Cher de procéder au réexamen de la demande de Mme A...D...dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Considérant que Mme A...D...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Souamounou, avocat de Mme A...D..., de la somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991 ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°1503834 du 26 mai 2016 du tribunal administratif d'Orléans et l'arrêté du préfet de Loir-et-Cher du 17 septembre 2015 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Loir-et-Cher de réexaminer la demande de regroupement familial de Mme A...D...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le versement de la somme de 1 500 euros à Me Souamounou est mis à la charge de l'Etat dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A...D...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise au préfet de Loir-et-Cher.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 janvier 2018.
La rapporteure,
N. TIGER-WINTERHALTER
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°16NT03548 2
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