Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...D...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 18 janvier 2012 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le mandataire liquidateur de la société GCI Laudier à prononcer son licenciement et la décision du 13 octobre 2014 par laquelle le ministre chargé du travail a rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision du 18 janvier 2012.
Par un jugement n° 1404683 du 30 juin 2016, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 août 2016, M.D..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 30 juin 2016 ;
2°) d'annuler les décisions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision du ministre chargé du travail du 13 octobre 2014 :
- le ministre ne pouvait lui opposer la tardiveté de son recours hiérarchique dès lors que l'arrêt de la cour d'appel de Bourges, sur lequel s'appuie ce recours, qui annule le jugement du tribunal de commerce ouvrant la liquidation judiciaire est intervenu postérieurement à l'expiration du délai de recours ;
- aucun délai n'a pu commencer à courir dès lors que l'illégalité qui entache la décision de l'inspecteur du travail est tellement grave que cette dernière doit être regardée comme n'étant jamais intervenue ;
- la décision de l'inspecteur du travail ayant été obtenue par fraude, le ministre pouvait la retirer sans condition de délai ;
- l'arrêt de la cour d'appel de Bourges constitue un changement des circonstances de droit ouvrant la possibilité à tout intéressé d'en demander l'annulation de sorte qu'aucun délai ne pouvait lui être opposé.
En ce qui concerne la décision de l'inspecteur du travail du 18 janvier 2012 :
- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté comme tardives ses conclusions aux fins d'annulation de cette décision alors que le juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un recours dirigé contre un acte nul et non avenu, est tenu d'en constater la nullité à toute époque ;
- le licenciement que la décision contestée autorise est dépourvu de motif dès lors que le jugement de liquidation judiciaire du 6 décembre 2011 a été annulé ;
- l'inspecteur du travail a été induit en erreur par le liquidateur judiciaire ;
- il a fondé sa décision sur un jugement non définitif ;
- cette décision méconnaît le droit d'obtenir l'annulation d'un acte du fait d'un changement dans les circonstances ;
- il n'a pas été procédé à une recherche effective, sérieuse et individualisée de reclassement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2017, la société civile professionnelle (SCP) Ponroy, liquidateur judiciaire de la société GCI Laudier, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du requérant d'une somme de 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bougrine,
- et les conclusions de M. Derlange, rapporteur public.
1. Considérant que M.D..., recruté le 28 février 1995 en qualité de régleur par la société GCI Laudier, qui exploitait une usine de fabrication d'articles de bijouterie et joaillerie, a été investi, le 27 mai 2011, du mandat de délégué du personnel titulaire ; que la société a été soumise à une procédure de redressement judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Bourges du 12 avril 2011 ; que le 6 décembre 2011, cette juridiction a prononcé la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire et désigné un liquidateur ; que ce dernier a sollicité l'autorisation de licencier M. D...pour motif économique ; que cette autorisation a été délivrée par une décision du l'inspecteur du travail du 18 janvier 2012 et M. D...a été licencié le 19 janvier 2012 ; qu'à la suite de l'annulation par la cour d'appel de Bourges du jugement du 6 décembre 2011, le tribunal de commerce a de nouveau statué sur la situation de la société GCI Laudier en prononçant, par un jugement du 26 juin 2012, la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire avec effet rétroactif à la date du 6 décembre 2011 ; que, par un arrêt du 8 novembre 2012, la cour d'appel de Bourges a confirmé ce jugement sauf en ce qu'il a ordonné un effet rétroactif au prononcé de la liquidation judiciaire ; que, le 22 septembre 2014, M. D... a adressé au ministre chargé du travail un recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail du 18 janvier 2012 ; que ce recours a été rejeté par une décision du 13 octobre 2014 ; que M. D...relève appel du jugement du 30 juin 2016 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 18 janvier 2012 et du 13 octobre 2014 ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la décision de l'inspecteur du travail du 18 janvier 2012 :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " (...) la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. " ; que l'article R. 2422-11 du code du travail dispose : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié (...). / Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet. " ; que si le délai dans le lequel un demandeur doit introduire un recours contentieux peut être prorogé par un recours hiérarchique, c'est à la seule condition que ce recours hiérarchique soit formé dans le délai de recours contentieux ;
3. Considérant, d'une part, qu'il est constant que le recours hiérarchique formé par le requérant n'a été reçu par le ministre que le 26 septembre 2014, soit postérieurement à l'expiration du délai de deux mois qui a commencé à courir à compter du 19 janvier 2012, date à laquelle la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de M. D... a été notifiée à celui-ci avec la mention des voies et délais de recours ; que, dans ces conditions, le délai de recours contentieux, qui n'a pas été prorogé par le recours hiérarchique formé par le requérant, était expiré à la date d'enregistrement au greffe du tribunal administratif d'Orléans de sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 18 janvier 2012 ;
4. Considérant, d'autre part, que M. D...soutient que l'expiration du délai de recours contentieux ne lui est pas opposable dès lors que la décision contestée a été obtenue par fraude, l'inspecteur du travail n'ayant pas été informé du recours formé contre le jugement ouvrant la liquidation judiciaire, et que l'arrêt de la cour d'appel de Bourges du 8 novembre 2012 constitue une circonstance de droit nouvelle ; que, toutefois, à la supposer établie, la fraude n'aurait pas pour effet de proroger au bénéfice de tout intéressé le délai de recours contentieux ; qu'il ne résulte d'aucun principe ni d'aucune disposition législative ou réglementaire, notamment pas de celles de l'article 16-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, lesquelles concernent au surplus les seuls actes réglementaires et non les décisions individuelles créatrices de droit, qu'un changement de circonstances rendant un acte illégal aurait pour effet de rendre cet acte susceptible de recours en dépit de son caractère définitif et de l'expiration du délai de recours contentieux ;
5. Considérant, enfin, que la seule circonstance que, compte tenu de l'arrêt de la cour d'appel de Bourges du 8 novembre 2012, la société GCI Laudier ne peut être regardée, à la date de la décision contestée, comme soumise à une procédure de liquidation judiciaire n'entache pas cette décision, alors même qu'elle se fonde, pour autoriser le licenciement de M.D..., sur la suppression de son poste résultant de la liquidation judiciaire, d'un vice d'une gravité telle qu'il affecterait non seulement sa légalité mais son existence même ;
6. Considérant qu'il suit de là que les conclusions de la demande de M. D...dirigées contre la décision de l'inspecteur du travail du 18 janvier 2012 et enregistrées au greffe du tribunal administratif d'Orléans le 9 décembre 2014, étaient tardives et, par suite, irrecevables ;
En ce qui concerne la décision du ministre du 13 octobre 2014 :
7. Considérant, d'une part, que, sous réserve de dispositions législatives et réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droit, si elle est entachée d'illégalité, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ; que sont au nombre des dispositions réglementaires contraires celles prévues par l'article R. 2422-11 du code du travail, en vertu desquelles le ministre, saisi d'un recours hiérarchique dans le délai de deux mois suivant la notification de la décision de l'inspecteur du travail, dispose d'un délai de quatre mois pour statuer, son silence à l'expiration de ce délai valant rejet du recours ; qu'ainsi, le ministre chargé du travail, saisi d'un recours hiérarchique, peut légalement retirer une décision par laquelle l'inspecteur du travail accorde ou refuse une autorisation de licencier un salarié protégé et qui serait entachée d'illégalité, jusqu'à la date à laquelle naît une décision implicite de rejet du recours hiérarchique à la condition que ce recours ait été introduit dans le délai prescrit par les textes ;
8. Considérant que la circonstance que le mandataire judiciaire représentant la société GCI Laudier n'ait pas informé l'inspecteur du travail, avant que celui-ci ne prenne sa décision, de l'appel formé contre le jugement du tribunal de commerce de Bourges du 6 décembre 2011 ne permet pas de caractériser une fraude qui ferait obstacle à ce que la décision de l'inspecteur du travail soit regardée comme créatrice de droits ; qu'il ressort des pièces du dossier que le recours hiérarchique formé par M. D...a été notifié au ministre postérieurement au délai de deux mois prévu par les dispositions de l'article R. 2422-11 du code du travail ; que, par suite, le ministre ne pouvait légalement, à cette date, retirer la décision de l'inspecteur du travail ; que, par ailleurs, le requérant ne peut utilement se prévaloir ni d'un changement dans les circonstances de droit ni des dispositions de l'article 16-1 de la loi susvisée du 12 avril 2000 ;
9. Considérant, d'autre part, que la circonstance que, compte tenu de l'arrêt de la cour d'appel de Bourges du 8 novembre 2012, la société GCI Laudier ne peut être regardée, à la date à laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M.D..., comme soumise à une procédure de liquidation judiciaire n'est pas de nature à entacher la décision du ministre portant rejet du recours hiérarchique d'un vice d'une gravité telle qu'il affecterait non seulement sa légalité mais son existence même ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. D...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la SCP Ponroy au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la SCP Ponroy, présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D..., au ministre du travail et à la société civile professionnelle Ponroy, liquidateur judiciaire de la société GCI Laudier.
Délibéré après l'audience du 3 janvier 2018, à laquelle siégeaient :
M. Pérez, président de chambre,
Mme Gélard, premier conseiller,
Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 janvier 2018.
Le rapporteur,
K. BOUGRINELe président,
A. PEREZ
Le greffier,
S. BOYERE
La République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 16NT02952